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La campagne américaine vue par Philippe Labro

Pour Philippe Labro, l'Ohio est l'Etat clé de cette élection.[BERTRAND GUAY / AFP]

A quelques heures de l'élection américaine, le journaliste et écrivain Philippe Labro dresse son bilan de la campagne qui s'achève.

 

Selon vous, Obama va-t-il gagner cette élection ?

L’évolution de l’opinion étant pratiquement quotidienne, il est très difficile de donner une réponse.

Cependant, j’ai l’impression que, à force d’insister sur ce qui s’est passé pendant les débats et sur la surprenante remontée de Mitt Romney, les médias créent un suspense volontaire. Certes, ce suspense existe, mais d’une certaine façon, les médias exagèrent sans doute l’écart qui se resserre.

 

Où l’élection va-t-elle se jouer ?

On sait qu’il y a deux ou trois swing-states, ces états qui vont faire la différence. S’il en est un qui est décisif c’est l’Ohio parce qu’il est une parfaite représentation de l’Amérique.

On y retrouve toutes les communautés, les différences sociales et économiques.

Pour l’heure, les électeurs sont plutôt obamesques ; donc s’il garde son avance dans l’Ohio, il gagnera cette élection.

 

Le passage de l’ouragan Sandy peut-il jouer un rôle ?

Cet élément peut modifier le vote et forcément en faveur d’Obama. En pareille circonstance, c’est le Président qui se montre et parle à l’opinion.

Ce n’est pas Romney qui est venu dire les yeux dans les yeux aux Américains «ne sortez-pas, restez chez vous». 

Les hommages du Gouverneur du New Jersey à Obama, de même que ceux de Bloomberg, maire de New York – tous deux, pourtant républicains ! – peuvent peser lourd en sa faveur.

 

Quel est le moment qui restera comme la clé de cette campagne ?

Il y en a eu deux : le premier débat télévisé de Denver et puis l’ouragan. Le débat a rendu Mitt Romney crédible.

On a découvert sa télégénie, sa pugnacité et une certaine fraicheur face à un président qui semblait fatigué et un peu condescendant.

Cette impression peut, malheureusement, faire tache un long moment car l’impression laissée par le premier débat marque beaucoup plus que les deux autres.

 

Cela vous rappelle-t-il une campagne précédente ?

Il est vrai que le premier débat Kennedy-Nixon avait poussé Kennedy en avant et fait beaucoup de tort à Nixon. Mais c’était deux candidats qui n’avaient encore jamais été présidents.

D’une manière plus générale, une campagne est souvent marquée par la surprise d’octobre – « october surprise » -.

Elle a eu lieu cette fois, c’est ce débat de Denver. Mais il y a la « november surprise », c'est-à-dire l’ouragan Sandy.

 

Lors de ce débat, on a pu dire que la magie Obama avait disparu. Partagez-vous ce constat ?

Cette magie a disparu à la seconde où, ayant pris le pouvoir, Barack Obama a été confronté à une crise énorme. Mais je dois dire qu’il l'a plutôt bien gérée.

Je suis désolé, il n’a pas à avoir honte de son bilan, et je commence à être agacé par ces commentaires qui disent le contraire.

Il a conduit une grande réforme de la santé, il a tenu le coup dans un paysage économique tragique, il a remis en route l’industrie automobile et a fait une diplomatie respectable marquée enfin par un comportement vigoureux contre Ben Laden et al-Qaida. Arrêtons de sous-estimer le bilan de cet homme.

 

Pourquoi garde-t-il une telle cote d’amour en France ?

On en revient toujours au grand moment historique qu’est son élection en 2008. Il est le premier noir à entrer à la Maison-Blanche. Cela restera toujours.

Deuxièmement, les Français retiennent sa personnalité ; aux yeux de tous, Barack Obama est quelqu’un d’intelligent, d’honnête, de travailleur, qui promet la transparence financière, ce qui n’est pas tout à fait le cas de Romney.

Son couple est impeccable, sa femme remarquable. En l’espace d’une nuit, le 4 novembre 2008, il a modifié l’opinion publique internationale sur l’Amérique.

A lui seul, il a transformé l’anti-américanisme en un regard bienveillant sur l’Amérique. Les Français ne voient que la meilleure part d’Obama.

 

L’Amérique et le monde ont-ils besoin d’un deuxième mandat d’Obama ?

N’exagérons rien, Romney peut faire un Président respectable et efficace, car il aura Wall Street avec lui, mais cela marquerait une régression.

Son programme est un conservatisme très fort, c’est un refus de l’aide et de la solidarité au niveau de la santé, c’est une attitude obsolète vis-à-vis des femmes et de l’avortement, la porte ouverte à « Big money ».

Enfin, c’est un manque absolu de ligne politique en matière d’affaires étrangères puisqu’au cours du troisième débat, il a changé son discours par rapport à celui qu’il tenait durant la primaire.

Je n’ai rien contre lui, et son élection ne bouleverserait ni l’Amérique ni le monde, mais ça peut être un coup de frein. En tout cas, un tournant.

 

Philippe Labro, Mon Amérique, Éditions de La Martinière, 30 euros.

 

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