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Du jardin à la cave, la traque ardue des marchands de sommeil

Mme Kouyaté ouvre la porte de sa cabane, le 1er juin 2013 à Stains en banlieue parisienne [Fred Dufour / AFP] Mme Kouyaté ouvre la porte de sa cabane, le 1er juin 2013 à Stains en banlieue parisienne [Fred Dufour / AFP]

Ils habitent des caves, des garages ou la véranda: les banlieues sont truffées de logements indignes, souvent cachés dans des maisons individuelles et exploités par des marchands de sommeil dont la traque est difficile.

"Parfois je laisse la maison aux insectes et je vais dormir chez des amis", raconte Barafing Kouyaté, dans la cabane d'une dizaine de mètres carrés qu'elle loue au fond du jardinet d'un pavillon de Stains (Seine-Saint-Denis).

De la rue, rien ne distingue cette maison. Il faut se glisser à l'arrière, passer sous une tonnelle où grimpent des roses blanches, pour découvrir ce qu'il reste du jardin : trois cabanons loués plusieurs centaines d'euros par mois, avec toilettes et douches communes.

Tongs aux pieds, Mme Kouyaté tente d'écoper l'eau qui fuit entre son frigo et la porte d'entrée, et ronge les murs. Trop tard pour sauver son tapis, sous lequel de petits insectes noirs pullulent.

"Au lieu d'aller chercher du travail, je passe mon temps à nettoyer", se plaint la jeune femme, qui a trouvé son logement par un "ami qui a pris un pourcentage".

Si elle n'a plus à payer ses 450 euros de loyer et attend un relogement, c'est grâce à un locataire, qui a alerté les services sociaux. Un arrêté préfectoral a été pris et depuis, les propriétaires ne donnent plus signe de vie.

Souvent l'habitat indigne prospère à l'abri des regards. Un pavillon découpé, un abri de jardin habité "restent bien plus discrets qu'un immeuble pourri en plein centre ville", explique Simon Lecoeur, de l'association HSD, chargée de relogements en région parisienne.

Mme Kouyaté se coiffe à l'intérieur de sa cabane, le 1er juin 2013 à Stains en banlieue parisienne [Fred Dufour / AFP]
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Mme Kouyaté se coiffe à l'intérieur de sa cabane, le 1er juin 2013 à Stains en banlieue parisienne
 

Il en a recensé dans plusieurs communes de banlieue, comme Villejuif et Vitry dans le Val-de-Marne, ou Epinay, Gagny et Drancy en Seine-Saint-Denis.

"Business" de la misère

Plus loin de Paris, en Seine-et-Marne, "on constate l'apparition de deux, trois puis quatre boîtes aux lettres au lieu d'une dans des endroits où il reste encore beaucoup de pavillons ouvriers des années 1920", témoigne Maud Tallet, conseillère générale chargée de l'habitat.

Les maires sont en première ligne. A Aubervilliers, limitrophe de Paris, l'adjointe au maire Evelyne Yonnet veut "en finir" avec ce qu'elle appelle un "business" de la misère.

"Après guerre, beaucoup de pavillons ont été construits par des Espagnols ou des Italiens, qui sont décédés depuis. De nouveaux acquéreurs les vendent ou les louent à la découpe, pour se faire de l'argent", explique-t-elle.

Pour repérer ces pavillons, elle multiplie les "marches le soir en ville". Bouteilles d'urine devant la porte, porte de garage condamnée avec une planche, lumière allumée dans les caves ou encore travaux non déclarés, qu'elle photographie avec son portable, trahissent les lieux suspects.

Sous un pavillon, la ville a découvert récemment des caves aménagées où dormaient 12 Bangladais sur des lits superposés loués 80 à 150 euros par mois.

Mme Kouyaté ouvre la porte de sa cabane, le 1er juin 2013 à Stains en banlieue parisienne [Fred Dufour / AFP]
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Mme Kouyaté ouvre la porte de sa cabane, le 1er juin 2013 à Stains en banlieue parisienne
 

"Les moyens, notamment judiciaires, ne correspondent pas aux enjeux", se lamente Mme Tallet, qui compte sur le fisc pour traquer les marchands de sommeil qui fraudent la taxe d'habitation ou encaissent des loyers au noir.

Difficile aussi pour les maires d'expulser des occupants alors que le relogement est un casse-tête.

A Gennevilliers, commune populaire des Hauts-de-Seine, le maire communiste Jacques Bourgoin organise des "murages sauvages" de pavillons pour empêcher les marchands de sommeil d'installer de nouveaux locataires.

Fin mai, une vingtaine d'habitants et d'associatifs se sont réunis pour murer une maison de ville à étage "recoupée en deux, trois puis quatre logements", par "un propriétaire qui se fait comme ça 2.500 euros par mois", selon M. Bourgoin.

Construite sur la terrasse, une pièce de sept mètres carrés abritait Hamid, 39 ans, avec sa femme et ses deux enfants. Ils partageaient un lit superposé, pour 400 euros mensuels. Ils vivent la fin du cauchemar: un camion de déménagement les emmène dans leur nouveau chez-eux, un logement social voisin.

"J'aurai ma chambre à moi", se réjouit Youssef, 7 ans, rayonnant à l'idée de ne plus avoir à rester à l'étude tous les soirs après l'école pour faire ses devoirs.

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