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Le sport français au faîte de sa gloire ?

Le sport français traverse-t-il sa période la plus faste ? [AFP / Archives- AFP / Archives- Odd Andersen / AFP montage Directmatin]

Alors que la délégation française a obtenu son meilleur bilan comptable dans des olympiades d’hiver, que Renaud Lavillenie a battu le record du monde du saut à la perche, et que l’équipe de France de Handball et de Basket ont remporté les championnats d’Europe, sommes-nous en train de vivre la plus grande période du sport français ? La rédaction de DirectMatin.fr a posé la question à deux écrivains spécialisés dans l’histoire du sport, François Duboisset et Julien Holtz.

 

Skicross, basket, handball, perche... les sportifs français accumulent les performances. Peut-on dire que le sport français connait sa période la plus faste ?

François Duboisset : il ne faut pas parler d’apogée, la France n’est pas championne toutes catégories comme l’a été l’Espagne ces dernières années. J’ai le sentiment que les Français de tous temps arrivent à être performants car il y a en France une politique de formation assez stable. Les Français sont compétitifs dans de nombreux sports. Et encore plus dans les nouvelles disciplines, comme le skicross, grâce à une grande capacité d’adaptation. 

Julien Holtz : non, ce n'est pas forcément la période la plus faste du sport français, mêmes si les bonnes nouvelles se succèdent. Certes, la France a obtenu de très bons résultats aux JO d’hiver mais elle ne dispose pas non plus d’une génération dorée. Reconnaissons qu'il y a tout de même une embellie globale.

 

Sommes-nous à l'aube d’une période faste alors ? 

François Duboisset : cela fait un moment que cette période a débuté à mon sens. Il y a un avant et un après 1998 dans le sport français. Avant 98, la France était une nation inconstante dans les résultats mais capable de grands exploits, comme le XV de France qui s’impose à Auckland en 1979. 1998 marque un tournant car nous sommes entré dans le "sport business" en France. L’équipe de France de football a "dépucelé la France du sport".

Julien Holtz : les phénomènes ponctuels comme les olympiades ou les championnats du Monde donnent l’impression d’avoir une embellie du sport français, mais il faut regarder les disciplines les unes par rapport aux autres. Si de grands sportifs émergent dans certaines disciplines, ils masquent parfois le manque de relève. A l'instar de Jean Galfione à la perche. Aujourd’hui, elle a Renaud Lavillenie. Mais entre ces deux sportifs, nous avons mis du temps à former des athlètes. On ne peut pas parler de dynastie dans le sport français excepté le handball depuis 1992.

 

Peut-on voir, à l'avenir, des performances semblables à celles de Renaud Lavillenie ? 

François Duboisset : c’est le loto sportif, on ne peut pas prévoir. Au tennis, est ce qu’on aura un Federer ou un Nadal un jour ? Pourquoi pas. Dans d’autres disciplines, nous avons déjà de grands champions comme Teddy Riner et Sébastien Loeb. Les exploits sont imprévisibles. Les Suisses n’avaient jamais gagné un Grand Chelem avant Federer et il est désormais le détenteur du nombre de victoires en Grand Chelem. Est-ce que Victor Dubuisson peut devenir le prochain Tiger Woods ? Je dis oui pourquoi pas !

Julien Holtz : il y a l’exemple de la voile française. François Gabart, Loïc Peyron, Franck Camas ont réussi de grands exploits. Mais aujourd’hui, on atteint les limites que l’homme se fixe. Je vois difficilement un Français battre le record du monde du 100m détenu par Usain Bolt (9’58). Renaud Lavillenie a réalisé une performance exceptionnelle. Mais je ne vois pas aujourd’hui où les sportifs français puissent réaliser des records mondiaux. 

 

S’il y avait une performance, à vos yeux, à retenir dans l’histoire du sport français, laquelle serait-ce ? 

François Duboisset : il y a surtout des symboles. Le record de Renaud Lavillenie est mythique mais il est trop frais dans notre esprit. Quand Brahim Asloum décroche l’or aux JO de Sidney, c’est exceptionnel. Il représente une partie de la France des colonies. Il faut tenir compte de l’exploit sportif mais il faut aussi remettre dans son contexte historique. On a la chance de pouvoir retenir pleins d’exploits, c’est plus sympa (rires).

Julien Holtz : je dirais le doublé de l’équipe de France de football 1998-2000 car la France a eu un sentiment d’invincibilité pendant 2 ans et demi. C’est en très nette opposition avec ce que l’on vit aujourd’hui. A l’époque, tout était possible. Aujourd’hui le marasme et la frilosité à la Française sont revenus. 

 

Le fisaco de la coupe du Monde 2010 à Knysna a-t-il favorisé l'émergence d'autres disciplines ? 

François Duboisset : c’est une évidence. L’apogée du foot c’est 1998-2010. La coupe du Monde en Afrique du Sud marque une fracture. On ne parle plus de résultats mais on parle de faits de société. Le football a déçu beaucoup de personnes. Le football est rentré dans une culture contraire à la pratique du sport. La rupture n’est pas consommée, elle est latente. 

Julien Holtz : il y a eu un étrange sentiment l’été qui a suivi la coupe du Monde 2010. Lors des championnats d’Europe d’athlétisme (Barcelone), et lors des championnats du Monde de natation (Rio), un sentiment de révolte habitait les sportifs français. Les sports mineurs ont réclamé leur part du gâteau en clamant : "nous, on mouille le maillot". Et depuis trois ans, il ya des réussites phénoménales dans des sports moins médiatisés. Le triplé en skicross c’est historique ! C’est une vraie rupture par rapport à cette génération de footballeurs. 

 

Peut-on finalement comparer les exploits sportifs ?   

François Duboisset : les exploits sportifs se classent d’une manière chronologique. Ils sont contextuels et ne peuvent être comparés à mon sens. Prenez l’exemple des footballeurs. Renaud Lavillenie est une date avant d’être une grande performance. Le record du saut à la perche était détenu depuis 21 ans. C’est pour cette raison que la performance de Renaud Lavillenie est historique.

Julien Holtz : c’est difficile. Le sport est la discipline de l’instant. Il faut être en forme le jour J. Regardez Jason-Lamy Chappuis : Il décroche l’or à Vancouver (2010), mais passe à côté des JO cette année.  Peut-on comparer Sébastien Loeb et Alain Prost ? Les conditions sont différentes. Citroën a détruit la concurrence en rallye ce qui a "facilité" les victoires de Loeb. Alain Prost a été quadruple champion du Monde de Formule 1 alors qu’il affrontait une concurrence exacerbée (Ayrton Senna, Niki Lauda…). La technologie évolue, le sport évolue. On ne peut pas comparer les exploits. 

 

François Duboisset est l’auteur du livre "Les Grandes Dates de l’Histoire du Sport" aux éditions First. 

Julien Holtz est le co-auteur du livre "100 Histoires de légende du sport français" aux éditions Grund qui sera publié en mai prochain.

 

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