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Najat Vallaud-Belkacem : "Une réforme ambitieuse"

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes[LIONEL BONAVENTURE / AFP]

Pas de guerre des sexes, mais une réduction des inégalités entre les hommes et les femmes. Le projet de loi porté par la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem et discuté lundi à l’Assemblée met en place un large panel de dispositifs touchant aussi bien à la vie familiale que professionnelle, à la représentation politique qu’aux images médiatiques.

 

De la réforme du congé parental à la lutte contre les images dégradantes de la femme dans les médias, en passant par la réaffirmation du droit à l’avortement, le texte doit aussi permettre de faire évoluer les mentalités.

 

En quoi ce texte est-il novateur dans la législation sur les droits des femmes ?

Jusqu’à présent, les différentes lois adoptées étaient spécifiques, que ce soit sur l’égalité professionnelle, la parité ou les violences faites aux femmes. Cette fois-ci, on s’attaque à toutes les inégalités qui perdurentElles sont liées les unes aux autres, et c’est en les appréhendant dans leur ensemble qu’on arrivera à mieux les combattre. De plus, ce texte vient combler des lacunes dans notre droit, tout en veillant à ce que les législations précédentes, comme celles des quotas, soient bien appliquées.

 

Les quotas sont-ils un passage obligé ?

On ne passe pas systématiquement par là, mais fixer des objectifs chiffrés est indispensable pour progresser. Je ne crois pas que l’Histoire nous conduise spontanément vers le progrès. Aller vers davantage d’égalité nécessite donc une politique proactive. Ce qui n’empêche aussi de parier sur les bonnes pratiques de certains acteurs, comme les entreprises.

LIONEL BONAVENTURE / AFP

Le texte s’est heurté à l’opposition d’une partie de l’opinion, avec des rassemblements anti-IVG hier à Paris...

L’IVG est si emblématique des droits des femmes qu’il n’est pas surprenant que cela provoque de telles réactions. Sa remise en cause dans d’autres pays, notamment en Espagne, réveille les tentations de certains de revenir sur la loi de 1975. Il nous faut protéger ce droit fondamental. Un amendement parlementaire socialiste supprime la mention de la « détresse » des femmes comme une condition d’accès à l’IVG car cette référence est obsolète. Cela peut paraître symbolique, mais c’est un message fort : les femmes doivent pouvoir choisir de poursuivre ou non une grossesse sans avoir à se justifier. Faisons leur confiance.

 

Comment comptez-vous inciter les hommes à prendre un congé parental ?

Aujourd’hui, avec un enfant, vous avez droit à six mois de congé parental. La loi permettra d’y ajouter six mois supplémentaires s’ils sont pris par l’autre parent. Avec deux enfants et plus, les Français peuvent prendre jusqu’à trois ans de congé. Désormais dans ces trois ans, six mois reviendront au deuxième membre du couple, sous peine d’être perdus.

Inciter ainsi au partage des responsabilités entre l’homme et la femme est dans l’intérêt de tous : les femmes seront moins lésées sur le marché du travail par des interruptions trop longues et les pères demandent à pouvoir s’occuper de leurs enfants sans être stigmatisés. 18 000 hommes prennent un congé parental, on en attend 100 000 en 2017. C’est une réforme à la fois ambitieuse et pragmatique.

LIONEL BONAVENTURE / AFP

Espérez-vous une même évolution paritaire dans la vie politique ?

Le doublement des pénalités pour les partis politiques qui ne respectent pas les règles de parité devrait amener en effet les partis à réfléchir à deux fois avant de désigner les candidats. La loi imposera aussi, dans les exécutifs locaux, la parité entre la tête de l’exécutif et son premier adjoint. Avec toutes ces mesures, le paysage politique devrait être profondément chamboulé en quelques années.

 

Comment le CSA pourra-t-il, ainsi que le prévoit la loi, lutter contre les stéréotypes sexistes dans les médias ?

Le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dispose d’une large palette d’outils, de l’avis à la sanction, en passant par la mise en demeure. Il veillera à ce qu’il n’y ait pas d’images qui portent atteinte à la dignité des femmes. Il devra également fixer des objectifs chiffrés aux afin de lutter contre la sous-représentation des femmes comme expertes par rapport aux experts. Enfin, il devra contrôler la reproduction exagérée de stéréotypes, comme par exemple dans les programmes pour enfants, où les femmes ne doivent pas être systématiquement représentées dans un rôle réducteur.

Ces mesures étant inédites, le CSA a mis en place une commission spécifique sur les droits des femmes, dirigée par Sylvie Pierre-Brossolette, afin d’établir une grille d’indicateurs pour déterminer ce qui relève de stéréotypes préoccupants et ce qui est anodin.

LIONEL BONAVENTURE / AFP

Vous avez également appelé à mettre en place des plans d’action pour plus de mixité professionnelle début 2014…

Ma priorité a toujours été l’égalité professionnelle, car j’estime que c’est celle qui touche le plus massivement les Françaises et les Française et qui est la plus injustifiable dans un pays où les femmes sont autant, voire plus diplômées que les hommes. Les écarts de rémunérations sont liés à plusieurs facteurs : la mauvaise volonté des employeurs parfois, qui sont désormais soumis à des contrôles et des sanctions ; le fait que les femmes sont très souvent à temps partiel, et on encadre mieux ce dernier ; qu’elles ont, plus que les hommes, une carrière interrompue, et on y répond par le partage du congé parental.

Mais les inégalités professionnelles sont aussi liées au fait que les femmes sont cantonnées dans un tout petit nombre de métiers moins bien rémunérés et moins valorisés. Il nous faut donc travailler sur cette question de la non mixité. Nous avons identifié une dizaine de secteurs d’activités dans lesquels il y a clairement un déséquilibre hommes-femmes comme le BTP, les transports ou la petite enfance. Pour chacun d’entre eux, des plans avec des objectifs chiffrés sont en train d’être rédigés par un comité de pilotage qui regroupe plusieurs ministères et les branches d’activités concernées.

Nous accompagnerons ces dernières en travaillant sur les processus de recrutement, les formations qui y conduisent, l’orientation scolaire et professionnelle ou encore l’image de ces professions. Aujourd’hui, seuls 17 % des métiers sont considérés comme mixtes. Nous nous fixons comme objectif d’arriver à 30 % en 2025.

 

Selon vous, faut-il légiférer sur le statut de la Première Dame ?

Non.

 

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