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Comment l'Etat peut agir contre la Une de Minute ?

le garde des Sceaux Christiane Taubira [Pierre Andrieu / AFP]

Une enquête pour injure raciale a été ouverte contre l'hebdomadaire d'extrême droite Minute, en kiosque mercredi, dont la Une comparant Christiane Taubira à un singe a été fermement condamnée par l'ensemble de la classe politique.

 

Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour "injure publique à caractère racial" contre le journal, qui titre "Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane", renchérissant sur les insultes ayant visé la ministre de la Justice récemment.

Mardi soir, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a saisi le procureur, tandis que le ministre de l'Intérieur Manuel Valls disait réfléchir aux "moyens d'agir contre la diffusion" de l'hebdomadaire.

Minute, qui affirme avoir tiré ce numéro à 40.000 exemplaires, était en kiosque mercredi et sa direction assurait n'avoir reçu aucune interdiction de paraître.

 

 

 

La Place Beauvau a fait savoir qu'elle continuait "d'étudier ce dossier très technique", sans en dire plus.

L'action en urgence devant un tribunal "n'est pas ouverte au gouvernement, seule la victime ou les associations habilitées à agir peuvent l'emprunter", a expliqué à l'AFP Me Richard Malka, spécialiste en droit de la presse.

La garde des Sceaux Christiane Taubira à l'Assemblée Nationale, le 13 novembre 2013 à Paris [Fred Dufour / AFP]
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La garde des Sceaux Christiane Taubira à l'Assemblée Nationale, le 13 novembre 2013 à Paris
 

Or, la ministre de la Justice a toujours exclu d'engager des poursuites pour se défendre des attaques racistes qui la visent. "Le cabinet s'inquiétait de savoir s'il fallait porter plainte, je leur ai dit qu'on avait autre chose à faire", a-t-elle expliqué la semaine dernière à Libération.

Pour bloquer le dernier numéro de Minute, le gouvernement ne pourrait agir que par voie de police administrative, mais c'est "inenvisageable dans un Etat de droit", selon Me Malka.

A l'heure d'internet, "toute saisie est inutile et contre-productive", a ajouté la journaliste Anne Sinclair sur le site du Huffingtonpost: "Il serait insupportable de voir Minute (...) prendre des airs de martyr".

 

"Degré absolu de l'abjection"

Quant aux associations antiracistes, "elles pourraient théoriquement agir en urgence sur le fondement d'un trouble manifestement illicite à l'ordre public. Mais c'est très risqué juridiquement", a expliqué Me Malka.

SOS Racisme et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) ont toutefois annoncé qu'elles allaient porter plainte pour incitation à la haine raciale.

Leur action au pénal, sur le fond, tout comme l'enquête préliminaire du parquet, ne devrait toutefois pas déboucher avant plusieurs mois.

Jean-Marc Ayrault à son arrivée à l'Elysée le 13 novembre 2013 à Paris [Patrick Kovarik / AFP]
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Jean-Marc Ayrault à son arrivée à l'Elysée le 13 novembre 2013 à Paris
 

En attendant, le journal essuyait les foudres de toute la classe politique, du PCF qui condamne une couverture "raciste, minable et stupide" au Front national qui juge la Une "inadmissible et extrêmement choquante".

Le président de l'UMP Jean-François Copé a indiqué qu'il soutenait la démarche judiciaire du gouvernement, jugeant la couverture de l'hebdomadaire "profondément scandaleuse".

Sur Twitter, les commentaires affluaient avec un succès particulier pour les messages d'Alain Juppé ("le degré absolu de l'abjection") et de Marine Le Pen ("Je suis heureuse de me faire cracher dessus par +Minute+ quand je vois ce que c'est devenu").

L'hebdomadaire, proche du FN dans les années 70, s'en est éloigné récemment. En janvier, lors des débats autour de la loi ouvrant le mariage aux homosexuels, il avait fait sa Une sur un supposé "lobby gay" dans le parti d'extrême-droite.

Cette loi, portée par Christiane Taubira, l'a rendue très impopulaire à droite et à l'extrême droite. C'est dans le cadre de ce débat que les premières insultes racistes ont fusé.

"Le +gorille+, j'y avais droit dès le début de l'année de la part d'opposants au mariage pour tous", a confié Christiane Taubira à Libération.

 
 

"Aucune réforme de progrès ne s’est faite sans bataille politique violente", relève la CGT dans un communiqué, en rappelant "les violentes diatribes" contre Robert Badinter au moment de l'abolition de la peine de mort et contre Simone Veil dans le débat sur l’avortement.

 

 

 

Une de Minute : Copé soutient la démarche judiciaire du gouvernement

La Une de Minute est "extrêmement choquante" juge le FN

Le numéro controversé de Minute est en kiosque

La Une de Minute sur Taubira fait scandale

 

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