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Réformer les retraites, un exercice périlleux

Francois Hollande (g) et Jean-Marc Ayrault, le 11 juin 2013 à Paris [Charles Platiau / Pool/AFP] Francois Hollande (g) et Jean-Marc Ayrault, le 11 juin 2013 à Paris [Charles Platiau / Pool/AFP]

Réformer les retraites s'avère ultra-sensible pour François Hollande et Jean-Marc Ayrault qui prennent le risque, si la réforme est douloureuse, de voir une partie de leur électorat protester dans la rue à l'automne en "criant au reniement des valeurs de la gauche" à quelques mois des municipales, estiment des analystes.

La réforme des retraites est attendue pour l'automne au Parlement, après une concertation entamée les 20 et 21 juin avec les partenaires sociaux, mais elle suscite déjà des tensions à gauche. Elle franchira une étape importante vendredi avec la remise du rapport de la commission d'experts présidée par Yannick Moreau au gouvernement.

"C'est très difficile de toucher à cet emblème car il est un élément identitaire de la gauche. Il renvoie aux conquêtes sociales" et au symbole de la retraite comme "patrimoine des Français qui n'en ont pas", affirme à l'AFP Rémi Lefebvre, professeur à Lille, spécialiste du PS. "La mort de Pierre Mauroy vient rappeler que c'est le PS qui a octroyé des droits", tels que la retraite à 60 ans.

D'où les nombreux commentaires du gouvernement ces derniers jours sur le fait que la réforme devrait aussi donner "des droits nouveaux", "comblera les inégalités", "prendra en compte la pénibilité", etc.

Pour Rémi Lefebvre sur le sujet des retraites "il y a eu beaucoup de non-décisions dans l'histoire du Parti socialiste" dans la période qui a suivi l'instauration des mesures de 1981. "Il y a eu le +Livre Blanc+ de Michel Rocard en 1991, qui a été une prise de conscience" de l'augmentation des dépenses du système de retraite et de la nécessité de réformer, mais non suivi d'effet. Et "Lionel Jospin n'a absolument rien fait" entre 1997 et 2002.

Des manifestants défilent contre la réforme "Fillon" des retraites, le 23 novembre 2010 à Paris [Lionel Bonaventure / AFP]
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Des manifestants défilent contre la réforme "Fillon" des retraites, le 23 novembre 2010 à Paris
 

Pour le politologue Frédéric Dabi (Ifop), "l'un des principaux dangers pour le gouvernement réside dans la possibilité d'un mouvement social fort à l'automne". Si les efforts demandés aux Français devaient être douloureux, "il y a le risque de voir une partie de la base et du soutien électoral du PS dans la rue crier à la trahison et au reniement des valeurs de gauche".

Pas de consensus au PS

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a ainsi prédit "de graves problèmes sociaux" dans le cas d'une réforme des retraites "à la Sarkozy". La CGT a estimé que la réforme allait "nécessiter une mobilisation d'ampleur", FO évoquant la possibilité de "mouvements sociaux et grèves".

"C'est toujours compliqué pour un gouvernement de gauche d'avoir une partie de la gauche contre lui", relève M. Dabi.

Pour le gouvernement, "il y a plus à perdre dans l'électorat de gauche", renchérit Bruno Jeanbart, (Opinionway), relevant par exemple que les fonctionnaires, s'ils devaient être mis à contribution, "ont nettement voté à gauche en 2012".

Et de souligner que "le souvenir" des socialistes vent debout et manifestant en 2010 contre la réforme Fillon", qui a repoussé l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, "n'est pas si loin".

Un homme tient une pancarte lors d'une manifestation contre la réforme "Fillon", le 23 novembre 2010 à Paris [Lionel Bonaventure / AFP]
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Un homme tient une pancarte lors d'une manifestation contre la réforme "Fillon", le 23 novembre 2010 à Paris
 

Autre complication, selon M. Dabi: "le débat (au Parlement, ndlr) va avoir lieu à l'automne, au moment où la campagne électorale sur les municipales de mars 2014 va monter en puissance, avec le risque de +nationaliser+ ce scrutin".

L'aile gauche du PS, d'ailleurs, se demande si "dans cette période de crise, alors que le chômage est fort, et que les premières pistes évoquées parlent de perte de pouvoir d'achat, il est si urgent de vouloir réformer", selon Guillaume Balas, animateur du courant "Un monde d'avance", proche du ministre Benoît Hamon.

Le sujet des retraites n'ayant jamais fait consensus au sein même de la famille socialiste, divisée entre la ligne de l'aile gauche et celle social-réformiste, le débat peut en outre "raviver les voix discordantes au sein de la majorité", souligne M. Jeanbart.

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