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Sean Penn, le rebelle assagi

Sean Penn[CC/Casa de Gobierno]

La carrière exceptionnelle de Sean Penn est indissociable des plus grands réalisateurs contemporains qui l’ont dirigé : Brian De Palma, Terrence Malick, Oliver Stone, Nick Cassavetes et Clint Eastwood. L’acteur rebelle qu’il était, plus connu pour ses frasques avec Madonna, est devenu, depuis la fin des années quatre-vingt dix, un cinéaste respecté de tous.

 

Archive – Article publié le mercredi 14 mai 2008

 

L’acteur a été révélé au grand public en 1981 dans Taps de Harold Becker. L’homme a été la proie de la presse à scandales en 1986, quand les tabloïds révélaient sa liaison avec Madonna, rencontrée sur le tournage de Shanghai surprise de Jim Goddard. Le réalisateur a affirmé son talent en 1991 avec un premier film épique, The Indian Runner. L’observateur critique de la politique de son pays a pris la plume en 2005, envoyé spécial du quotidien San Francisco Chronicle en Iran pour y relater les élections présidentielles.

A l’instar de sa filmographie, l’homme est imprévisible. Au début de sa carrière, dans les années 1980, son nom passait alter- nativement des pages cinéma aux pages people, avec de temps à autre un arrêt dans la rubrique faits divers. Jusqu’à son premier rôle, son quotidien est fait de bagarres dans les bars. Sa vie se résume à de pathétiques libations, entre deux castings ratés. Après son apparition dans Taps en 1981, qui révèle aussi Tom Cruise, il décroche plus de rôles mais conserve son caractère violent. Hollywood, qui aime les catégories toutes faites, en fait un jeune chien fou, comme avec ce rôle de lycéen surfer rebelle dans Fast Times at Ridgemont High.

 

Vidéo : Sean Penn avec une tignasse blonde dans Fast Times at Ridgemont High

 

 

La reconnaissance

A 25 ans, après une liaison avec Susan Sarandon, il épouse Madonna, pop star en vogue grâce au succès de « Like a Virgin », qu’il a rencontrée sur le tournage de Shanghai Surprise (1986). Ils divorceront quatre ans plus tard. Celui qu’Hollywood surnomme déjà le nouveau James Dean reçoit de nombreuses propositions pour des rôles rebelles et antisociaux, au côté de Christopher Walker dans Comme un chien enragé (James Foley), en soldat violeur dans Outrages (Brian De Palma). C’est peut-être son rôle dans La dernière marche (Tim Robbins) qui met le mieux en valeur les émotions qu’il exprime. Sean Penn porte la douleur sur le visage et son regard de dur peut aussi attendrir. En 1993, il obtient le Golden Globe du meilleur second rôle pour L’impasse (De Palma), face à Al Pacino.

 

Vidéo : Sean Penn dans L’Impasse

 

 

A l’image de sa vie, sa carrière bascule. « J’ai survécu à pas mal de colères. Je les ai remplacées par de l’amour. La vie n’est qu’une longue guérison », dit-il à ce sujet. Au milieu des années 1990, il ne cesse de monter en puissance, aussi parce que les rôles qu’on lui offre savent mettre en valeur cette dualité. La consécration arrive en 1997 avec le prix d’interprétation masculine à Cannes pour She’s So Lovely, coécrit avec son ami Nick Cassavetes. Pourtant, jouer ne l’intéresse plus, ne cesse-t-il de proclamer.

 

Vidéo : Sean Penn dans She’s so Lovely

                                                     

 

Sans pour autant quitter les plateaux de cinéma, l’acteur se tourne vers l’écriture. La culpabilité, la vengeance et le pardon sont les thèmes qu’il aborde dans les films qu’il réalise. The Indian Runner, premier essai réussi, puis Crossing Guard et The Pledge tous les deux avec Jack Nicholson et enfin Into the Wild. Sean Penn continue en parallèle sa carrière d’acteur, en musicien dans Accords et désaccords de Woody Allen (1999), en attardé mental dans I’m Sam (Jessie Nelson, 2001), en père endeuillé dans Mystic River (Clint Eastwood, 2003) ou en greffé du cœur dans 21 grammes. Le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu dit de lui: « Travailler [avec Sean Penn], c’est jouer au foot avec David Beckham ou faire du vélo avec Lance Armstrong. Vous jouez dans la cour des grands ».

 

Vidéo : Bande-annonce de The Indian Runner, première réalisation de Sean Penn

                                                     

 

L’opposant politique

Aujourd’hui, Sean Penn s’est mis à dos une bonne partie de l’Amérique en s’opposant ouvertement à la guerre en Irak. Deux ans après les attentats du 11 septembre 2001, acheter 56 000 dollars une pleine page dans le Washington Post pour y dénoncer l’administration Bush et sa «vision simpliste du bien et du mal» n’est pas son acte le plus apprécié dans son pays natal. Il enchaîne les déclarations peu élogieuses à l’égard du peuple américain lui-même, accusant l’Oncle Sam de se tirer une balle dans le pied avec sa politique internationale unilatérale. Il se rend à Bagdad, et récidive en 2003 quand, à la demande du San Francisco Chronicle, il passe plusieurs semaines en Iran avant les élections pour y décrire la société iranienne et les effets néfastes de l’embargo. Déjà raillé sur Internet, il est à nouveau victime d’insultes de la presse conservatrice quand il débarque à La Nouvelle-Orléans, quelques jours après le passage de l’ouragan Katrina, pour aider les victimes, fusil et appareil photo en main. Et s’il a quitté la une des magazines à scandales, son nom continue d’y apparaître. Mais personne n’y porte plus attention. Sa séparation-réconciliation avec intéresse peu.

 

Vidéo : Sean Penn a reçu en 2004 l’oscar du meilleur acteur pour son rôle dans Mystic River (Clint Eastwood, 2003)

 

 

Il récemment revenu sur le devant de la scène avec The Tree of Life de Terrence Malick, et sa prestation dans le rôle d’Harvey Milk, homme politique américain militant pour les droits civiques des homosexuels assassiné en 1978, dans une biographie réalisée par Gus Van Sant intitulée Milk qui lui a valu son second oscar du meilleur acteur après Mystic River en 2004.

 

Vidéo : Milk (Gus Van Sant, 2008) lui a permis d’obtenir une seconde fois la précieuse statuette

 

 

La maturité

On ne voit plus bien ce qui peut aujourd’hui arrêter Sean Penn. L’indomptable mauvais garçon des années 1980 a appris à contenir ses humeurs, pas son engagement. En parvenant toujours, par caméra interposée, à faire la part des choses entre politique et cinéma, sans jamais tomber dans la facilité de la diatribe politique. Ses films comme ses rôles sont fidèles à un idéal de vie inspiré des romans de Dostoïevski (Crime et châtiment), Bukowski ou Kerouac, le romancier du voyage.

 

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