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Jodorowsky : « La clef du progrès humain est l’imagination, et non l’intelligence »

Alejandro Jodorowsky au festival de Cannes en 2013[Capture d'écran Youtube]

Difficile de classer Alejandro Jodorowsky. Réalisateur (El Topo, La Montagne sacrée) acteur, romancier, scénariste de bande dessinée (L’Incal, avec Moebius) poète, cet artiste franco-chilien a collaboré avec de grands noms, de Roland Topor au mime Marceau en passant par Luis Buñuel. Sur la scène du Lucernaire, il a adapté en 2010 la nouvelle Rapport pour une académie, de Franz Kafka, avec dans l’unique rôle son fils Brontis.

 

Archive – article publié le jeudi 7 octobre 2010

 

Tiré du texte de Franz Kafka Rapport pour une académie, Le Gorille est une sorte de Métamorphose en sens inverse. Un gorille, capturé dans la forêt africaine, est emmené à Hambourg pour y être exposé au zoo. Sa seule chance pour échapper à ce triste sort est de devenir un homme. Après un terrible apprentissage, il prend place parmi eux, devenant riche et célèbre. Il adopte alors tous les travers des êtres humains et inflige aux autres ce qu’il a lui-même subi, prenant conscience de l’absurdité de la vie humaine.

 

Quel est le sens de cette courte nouvelle adaptée de Kafka ?

Alejandro Jodorowsky : Cela n’est pas une adaptation complète, puisque dans le texte d’origine, le héros est un petit singe. J’en ai fait un singe puissant, qui triomphe. Mais c’est un triomphe amer, car il se rend compte qu’il ne sera jamais un humain, bien qu’il ait perdu sa nature véritable et se révolte.

 

Vidéo : Extrait de La Montagne sacrée (1973), le film culte d’Alejandro Jodorowsky

 

 

Que nous apprend le gorille sur l’homme ?

A. J. : Il y a beaucoup d’êtres humains qui ressemblent à ce gorille, à commencer par les immigrés, jamais véritablement chez eux – moi qui suis d’origine russe, j’en ai pris conscience au Chili – mais aussi tous ceux qui se cachent, parce qu’ils font partie d’une minorité, sexuelle ou sociale par exemple, et qui vivent au quotidien comme la société veut qu’ils soient, et non comme ils sont vraiment.

 

Quelle est la source de ses maux?

A. J. : Pour le gorille, c’est l’éducation. Tout être humain serait comme un animal dompté, et on peut le voir comme un enfant au moment de sa capture, qui va devoir faire siennes les habitudes des adultes. Sa révolte est en fait celle des individus qui ne veulent pas circonscrire l’être humain aux étiquettes, aux seules conventions, à la spécialisation des êtres dans un moule bien défini.

 

Vidéo : Brontis Jodoroswky dans Le Gorille

 

 

Voyez-vous un espoir dans ce triste constat ?

A. J. : Pour moi, la clef du progrès humain est l’imagination, et non l’intelligence. Nous savons bien que nous sommes mortels, alors que faisons-nous du temps qui nous est imparti ? Moi, j’ai décidé de m’amuser. Mais il y a des amusements dignes et d’autres indignes, ceux qui tuent la conscience.

 

La prestation de votre fils Brontis est proche du mime. Est-ce la continuité de votre travail ?

A. J. : Tout ce que j’ai créé, la mise en scène, la musique, les costumes, n’est là que pour servir l’acteur. Brontis est très proche des spectateurs, il est là, malgré son humilité, pour montrer son «art de jouer». C’est vrai, le mimétisme avec le gorille est frappant, jusque dans sa façon d’utiliser les mains sans les pouces.

 

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