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D-Day : "Un gars sur deux ne reviendrait pas"

Le 6 juin 1944, plusieurs dizaines de milliers d’Alliés débarquaient. Parmi eux, seulement 177 Français.[CC/The U.S. Army]

Le 6 juin 1944, plusieurs dizaines de milliers d’Alliés débarquaient. Parmi eux, seulement 177 Français. Un des derniers survivants, Maurice Chauvet, 88 ans, nous raconte.

 

Archives – Article publié le 6 juin 2006

 

Quand apprenez vous que le Débarquement est imminent ?

Maurice Chauvet : Quelques jours avant, on nous a présenté des photos, des plans. Mais tout était sans aucune indication de lieu. On ne savait du tout où on allait. De l’argent nous a été remis. C’était de l’argent imprimé aux Etats-Unis avec le drapeau français. Tous les Français étaient enchantés. Ils étaient persuadés qu’ils seraient de retour chez eux en moins de huit jours. Mais ils se faisaient des illusions … On nous a donné ensuite une fiche d’embarquement en deux parties : nous devions remettre la première en montant dans les bateaux et garder la seconde dans la poche droite de notre « battle dress ». C’était le document qui serait pris en cas de décès. Gwen-Aël Bolloré, l’un des commandos, âgé de 18 ans, l’appelait le « passeport pour l’au-delà ».

 

Monument à la mémoire des soldats morts au combat [CC/The U.S. Army]

 

Vous passez la nuit du 5 au 6 juin à bord des navires qui vous emmènent en France. Comment se passe cette veillée d’armes ?

M. C. : On a très peu dormi. On nous avait annoncé qu’un gars sur deux ne reviendrait pas, et donc j’avais tendance à regarder les copains d’à côté en me disant : « tout de même, c’était de bons camarades, je ne vais peut-être pas les voir longtemps ». Au cours de la nuit, nous avons été survolé par les avions qui remorquaient des planeurs ou qui emportaient les parachutistes de la 6th Airborne Division.

 

Vous finissez par vous assoupir. Pas pour longtemps…

M. C. : Réveil à 5 heures du matin. Nous montons tous sur le pont : il y a une brume épaisse et une mer déchaînée. Nous entendons un fort bombardement aérien au loin. Je cherche du café mais il n’y en a plus ; je trouve alors une boîte de beans à la tomate, que j’avale. Des barges de débarquement ont dépassé notre navire. Sur l’une d’elles, on a vu le colonel Dawson qui commandait notre unité. Il nous saluait.

 

Au petit matin, c’est le grand moment. Les hommes du commando Kieffer, votre unité, se jettent à l’eau …

M. C. : Nous avons débarqué à 7h45. Quand je me suis présenté pour descendre dans l’eau, l’avant de la barge avait été abîmé par un obus. En voyant la terre, je ne pense qu’à ma mission ; je dois faire la liaison entre l’état-major britannique et les commandos français. Les balles sifflent de partout. Le premier type sur lequel je butte, c’est le commandant Kieffer, qui avait été blessé à la cuisse. Au garde-à-vous, je lui propose mon aide mais il m’ordonne de passer à tout prix.

 

Soldat à Omaha Beach, le 6 juin 1944 [CC/The U.S. Army]

 

Une fois sur le sable, que faits-vous ?

M. C. : Arrivé sur la plage, je pars tout seul, vers le casino de Ouistreham aux abords duquel je tombe sur quelques hommes du bataillon. C’est là qu’a été tué le capitaine Lion, notre médecin. Ça tirait dans tous les coins. Au cours de la seule journée du 6 juin, le commando a eu dix tués et trente-huit blessés évacués.

 

Est-ce que le 6 juin a été la journée la plus importante de votre vie ?

M. C. : Peut-être pas : j’ai beaucoup vécu. Mais c’est celle qui m’a le plus marqué.

 

Vidéo : le débarquement du 6 juin 1944

 

 

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