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Le Sénat s'apprête à abroger le délit de racolage

La sénatrice EELV Esther Benbassa, avec un activiste, lors d'une manifestation pour abroger le délit de racolage public, à Pigalle, Paris, le 16 mars 2012 [Thomas Samson / AFP/Archives] La sénatrice EELV Esther Benbassa, avec un activiste, lors d'une manifestation pour abroger le délit de racolage public, à Pigalle, Paris, le 16 mars 2012 [Thomas Samson / AFP/Archives]

Le Sénat examine jeudi une proposition de loi (PPL) écologiste visant à abroger le délit de racolage public, qu'il devrait adopter malgré des divisions au sein du PS sur la question de la prostitution.

La PPL d'Esther Benbassa (EELV) prévoit de retirer du Code pénal ce délit institué par la loi sur la sécurité intérieure du 19 mars 2003. Cette loi pénalise "le fait par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération".

Tout contrevenant est passible de deux mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende. La loi de 2003 était censée diminuer les troubles à la tranquillité publique, tout en permettant, à l'occasion de la garde à vue des prostituées interpellées, de permettre à la police de recueillir des informations sur les réseaux de proxénétisme.

Ces deux objectifs sont loin d'être atteints, a estimé la rapporteure Virginie Klès (PS) lors de l'examen du texte en commission. Elle a observé que la crainte d'être arrêté avait conduit de nombreuses prostituées à s'éloigner des centres urbains, aggravant leur situation sanitaire et sociale et les exposant à un risque accru de violences.

"En 2012, à Paris, sur 1.600 interpellations, environ 800 personnes seulement sont déférées et seules 320 ont été vues par la brigade de répression du proxénétisme" a-t-elle précisé.

Esther Benbassa, le 10 novembre 2006 à Paris [Pierre Verdy / AFP/Archives]
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Esther Benbassa, le 10 novembre 2006 à Paris
 

"L'institution du délit de racolage n'a fait que fragiliser davantage des prostituées déjà vivement stigmatisées", a insisté Esther Benbassa.

Un rapport de Médecins du Monde fin 2012 indiquait que les prostituées chinoises étaient particulièrement exposées aux violences physiques et aux viols, mais que peu portaient plainte. Travaillant souvent dans des endroits reculés, elles réduisent les temps de négociations avec les clients, au risque d'accepter des pratiques à risque.

L'abrogation de ce délit est une promesse de campagne de François Hollande mais c'est paradoxalement par le biais d'un texte EELV discuté dans une "niche" parlementaire réservée aux écologistes que cette promesse devrait être tenue.

Le parcours du texte a été chaotique avant son examen en séance, illustrant le malaise au sein du PS sur la prostitution, entre "abolitionnistes" partisans de la suppression de la prostitution et de la pénalisation des clients et d'autres qui considèrent qu'il est vain de lutter contre la prostitution, et prônent plutôt la protection des prostituées .

Esther Benbassa avait retiré une première fois son texte déposé en novembre 2012 sur le bureau du Sénat à la demande du gouvernement qui souhaitait mettre en chantier un projet de loi global sur la prostitution. Ne voyant rien venir elle a redéposé son texte avec l'accord du gouvernement.

Lors de son examen préalable en commission le PS et le gouvernement appuient sa PPL. Mais lundi, coup de théâtre : le sénateur PS Philippe Kaltenbach dépose au nom de son groupe une motion de renvoi en commission qui si elle était adoptée revient à un enterrement du texte.

Un collectif d'associations de soutien aux prostituées, "Abolition 2012" protestait en parallèle contre une abrogation "précipitée" du délit de racolage réclamant "une politique globale et abolitionniste".

"Il existe un débat au sein du groupe socialiste sur ce texte, il n'a pas encore été tranché" argue le sénateur expliquant qu'il ne faudrait pas que ce texte soit interprété comme un feu vert donné à la prostitution.

Mardi, lors de sa réunion hebdomadaire, le groupe décide de continuer à soutenir la PPL écologiste et de retirer sa motion.

"Tempête dans un verre d'eau", a déploré le président PS de la commission des Lois Jean-Pierre Sueur.

Le débat risque néanmoins de rebondir jeudi en séance autour des amendements de la sénatrice centriste et ancienne ministre Chantal Jouanno prévoyant notamment la pénalisation des clients des prostituées.

La ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem a promis un texte global d'ici à l'automne.

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