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Un risque chinois à bien évaluer, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani. [Alexis Reau / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

La question continuera de faire la une de nombre de journaux de par le monde : faut-il avoir peur de la Chine ? Doit-on craindre, après le krach de la Bourse de Shanghai, une contagion au reste du monde, une nouvelle crise financière internationale susceptible de provoquer une récession planétaire ? Il faut se méfier du vent de panique qui s’empare si vite des cercles politiques et économiques. Il y a peu, la même peur les animait ; mais c’était celle de voir une Chine devenue trop puissante, trop riche, trop influente… Comme si la crainte nous tenait lieu, désormais, de réflexe conditionné. Il a suffi que l’économie chinoise ralentisse pour que l’on passe d’une inquiétude à une autre, sans nuances.

Que se passe-t-il réellement ? Un ralentissement sensible de la croissance chinoise, qui nous avait habitués à un rythme à deux chiffres (en moyenne aux alentours de 10 %). Or le gouvernement de Pékin promet désormais d’atteindre, au mieux, 6,5 %. Ce freinage peut avoir des répercussions sur la stabilité sociale et peut-être même politique du pays. Mais il est inéluctable. La Chine a successivement utilisé deux moteurs pour son développement : l’exportation (au point qu’elle était présentée comme l’usine du monde) ; puis, la crise financière internationale aidant, un effort massif d’investissements, notamment dans toute une série d’infrastructures. Avec, parfois, des absurdités visibles, un peu comme en Espagne où de véritables villes nouvelles sont vides, des aéroports inutilisés, des autoroutes sans voitures…

Toujours pour faire face à la crise, le gouvernement chinois a tenu à bout de bras les entreprises publiques et semi-publiques en ouvrant les vannes du crédit et en affaiblissant artificiellement sa monnaie, le yuan. Si bien que le système bancaire et financier chinois porte de plus en plus de créances douteuses, alimentant la défiance des marchés boursiers. La Chine change de modèle de développement. Elle est entrée en transition vers un autre modèle, qui repose davantage sur la consommation intérieure ; en même temps qu’il lui faut bâtir une économie non prédatrice qui tienne compte des impératifs de la COP21, ne serait-ce que pour faire baisser un niveau de pollution souvent insupportable. Elle est en fait confrontée au même problème que le Japon des années 1990. Le Japon n’a jamais vraiment surmonté ce choc, mais la Chine a d’autres atouts. Elle est la deuxième économie mondiale et peut mobiliser d’énormes ressources : une épargne privée très abondante et des réserves publiques qui le sont tout autant, une industrie ultraperformante, une population considérable. Il n’y a donc pas péril en la demeure.

En revanche, cette situation pèse sur le reste du monde. Selon les experts du FMI, le ralentissement de la croissance chinoise prive la planète de près d’un point de croissance, ce qui est déjà considérable. Le degré d’interdépendance des économies modernes est tel que les pays qui exportent beaucoup vers la Chine (l’industrie allemande, le luxe français et italien, le Japon ou la Corée du Sud) souffriront. La baisse des besoins de la Chine en matières premières contribue à déprimer les cours de celles-ci, donc la santé des pays producteurs.

La crise financière internationale de 2008 l’a montré : dans l’urgence, les principales puissances économiques sont capables de se concerter et de faire face. La Chine exerce cette année la présidence du G20, elle doit donc s’en saisir pour s’inscrire dans une démarche commune seule capable de substituer la confiance à la défiance qui s’installe. La Chine doit aussi être suffisamment forte pour ne pas répondre aux tensions par une surenchère nationaliste qui serait, cette fois, vraiment dangereuse.

Jean-Marie Colombani

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