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Nelson Mandela, aventurier de la liberté (2/3)

Nelson Mandela, libéré en 1990, a signé en 1991 avec Frederik De Klerk, président de l’époque, l’accord historique mettant fin au régime de l’apartheid.[Capture d'écran Youtube]

Libéré après 27 ans, Nelson Mandela désire rassembler les sud-africains en une « nation arc-en-ciel ». Pour son œuvre, il recevra avec le Président Fréderick de Klerk le Prix Nobel de la Paix en 1993 à Oslo. 

 

Au total Nelson Mandela restera emprisonné vingt-sept ans. Il passe 18 ans au bagne de Robben-Island, condamné aux travaux forcés, avant d’être transféré dans une prison à soixante kilomètres au nord du Cap. Au fil des années, le détenu matricule 46664 devient le plus célèbre et l’un des plus anciens prisonniers politiques. Dès les années 1970, la communauté internationale, et en particulier la France, a accentué la pression sur cet Etat, pour obtenir notamment la libération de Nelson Mandela. En 1968, le Comité international olympique (CIO) excluait l’Afrique du Sud des Jeux olympiques.

«Dès la fin des années 1980, le monde est en mutation, avec la fin annoncée de la Guerre froide. Les Etats-Unis font pression sur le gouvernement sud-africain pour trouver un interlocuteur en vue d’éventuelles négociations. Et c’est Nelson Mandela, avec son influence acquise dans les années 1950 et 1960 qui est pressent » explique Jean Guiloineau, A partir de 1985, le pouvoir engage avec lui des négociations pour sa libération et plusieurs ministres viennent le rencontrer dans sa cellule de Pollsmoor, près du Cap.

 

La cellule de Mandela à Robben Island [CC/prasad.om]

 

A la fin des années 1980, certains membres de la «Rivonia» sont libérés. Les discussions pour la libération de Mandela aboutissent en février 1990. La libération, le dimanche 11 février 1990, sur ordre du président Frederic de Klerk, donne lieu à la diffusion d’une nouvelle image. Nelson et Winnie Mandela, qu’il avait épousé en 1958, main dans la main, le poing levé en guise de victoire. Elle sourit. Il paraît plus réservé, presque sévère. Le couple divorcera quelques années plus tard. Aux yeux de la population sud-africaine, c’est un chef d’Etat qui recouvre la liberté.

«J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire. J’ai rêvé d’une société libre et démocratique, où tout le monde vivrait en harmonie avec des chances égales. C’est un idéal pour lequel je veux vivre et que je veux réaliser. Mais, s’il le faut, c’est aussi un idéal pour lequel je suis prêt à mourir.» Ce 11 février 1990, à peine libéré de prison, Nelson Mandela reprend, devant la foule du Cap, ses derniers mots d’homme libre. Ceux-là mêmes qu’il a prononcés 26 ans plus tôt, lors du procès de Rivonia. Un quart de siècle plus tard, le militant du Congrès national africain (ANC) est devenu un mythe et son espoir est le même: réconcilier un peuple en guerre contre lui-même.

Aussitôt après sa sortie de prison, le chef de l’Etat met fin à l’interdiction de l’ANC et le sollicite pour maintenir la paix en Afrique du Sud. Pendant quatre ans, les deux hommes travaillent de concert pour maintenir la paix civile dans le pays et Mandela mène des négociations ouvertes avec le Parti national de Frederik De Klerk pour sortir de l’apartheid. Le 30 juin 1991, l’abolition de l’apartheid est proclamée. 

 

Les applaudissements de Kissinger

En 1992, à Paris, au siège de l’Unesco, devant un parterre d’officiels qui les applaudissent, Mandela et De Klerk montent sur une scène. Ils sont là pour recevoir des mains d’Henry Kissinger le prix Houphouët Boigny pour la recherche de la paix. De Klerk reçoit sa distinction, remercie Kissinger puis se tourne vers son co-récipiendaire.

Bousculant le protocole, le président blanc, ému, saisit la main de l’ancien détenu noir qui n’a toujours pas reçu son prix. L’un avait dénoncé l’apartheid, l’autre, après l’avoir défendu comme le moyen de faire vivre ensemble les différentes communautés, s’était rendu compte de l’impossibilité de maintenir un tel régime. La scène semble durer une éternité, les applaudissements redoublent. Aux premières loges pour assister à cette poignée de main si symbolique, Henry Kissinger peine à décerner son deuxième prix. Un peu embarrassé, il hésite, glisse le document sous son coude. Puis finit par applaudir. L’émotion a gagné toute la salle.

En 1993, Mandela et De Klerk se voient remettre le prix Nobel de la paix. Le communiqué de presse parle de «leur travail pour mettre un terme (…) au régime d’apartheid» et souligne que les lauréats ont pointé «les voies pour résoudre de façon pacifique des conflits similaires et profondément enracinés ailleurs dans le monde».

 

Mandela et De Klerk lors de la remise du prix Nobel de la paix .[Capture d'écran Youtube]

 

Les premières élections multiraciales de 1994

Le rêve de voir des élections démocratiques se dérouler en Afrique prend corps le 27 avril 1994. Toute la population, dont 30 millions de Noirs, peut participer aux élections, sur le modèle «un vote, une voix». Nelson Mandela, toujours membre de l’ANC, est élu président de la République d’Afrique du Sud pour cinq ans.  L’élection est largement remportée par son parti, l’ANC. Puis, devenu premier Président noir, il prête serment le 10 mai dans la capitale Pretoria. Les plus grands de ce monde se pressent à la cérémonie.

«Beaucoup de Blancs, et en particulier les Afrikaners, avaient peur de connaître une vague de violence avant de se faire expulser, comme ce fut le cas en Algérie trente ans plus tôt, précise Jean Guiloineau. Contrairement aux anglophones, ils n’avaient pas de point de chute hors du pays. Ce sont principalement des paysans arrivés au XVIIe siècle et qui n’ont plus rien en commun avec leurs lointaines origines néerlandaises. Même pas la langue. Nelson Mandela a sorti l’Afrique du Sud par le haut, et sans bain de sang et c’est ça son grand triomphe. La population entière lui en est reconnaissante ».

 

La Coupe du monde de Rugby à XV de 1995

24 juin 1995. Dans l’enceinte en liesse de l’Ellis Park de Durban (Afrique du Sud), Nelson Mandela, rayonnant, remet la coupe du champion à François Pienaar, le capitaine afrikaaner de l’équipe des Springboks. Quelques minutes plus tôt, à l’issue d’une finale fermée, l’équipe sud-africaine, par un drop de son demi d’ouverture a forcé les All-Blacks, sempiternels favoris du monde de l’Ovalie, à poser le genou à terre. Sur l’aile, Chester Williams, premier joueur noir à réintégrer l’équipe nationale sud africaine, est le symbole d’une équipe, qui, comme toute une nation, semble décidée à tourner la page d’un demi-siècle de ségrégation raciale.

Alors que le pays sort tout juste de l’apartheid, Nelson Mandela, son président, entend parier sur l’équipe nationale de rugby, les Springboks, mal en point, et son capitaine, François Pienaar, pour insuffler un nouvel élan national à un peuple déchiré. Leur victoire permettra d’unifier le pays, une nation «arc-en-ciel» enfin revenu dans le concert des nations.

 

Vidéo : Bande-annonce du film Invictus, réalisé par Clint Eastwood, qui retrace la Coupe du monde de rugby de 1995 : 

 

 

Nelson Mandela a endossé le maillot national, vert et orange, floqué du numéro 6, avec une antilope – le fameux springbok – cousue sur le cœur. Il glisse au capitaine sudaf «Merci de ce que vous avez fait pour l’Afrique du Sud». Et Pienaar de répondre:«nous ne pourrons jamais faire autant que ce que vous avez déjà fait pour le pays ». « Nelson! Nelson ! ». Le prénom du premier président noir d’Afrique du Sud résonne dans un stade essentiellement remplis de supporters blancs.

Douze ans plus tard, Bryan Habana se souvient de ce moment : «ça a été le déclic ». Dimanche, il devrait être aligné dans l’équipe des Springboks pour leur premier match de la compétition face au Samoa. Il jouera à l’aile, dont il est l’un des meilleurs spécialistes mondiaux. Il est aussi l’un des rares joueurs de couleur d’une équipe qui tarde à réellement enclencher la transformation tant espérée

Symbole de la réconciliation d’un peuple en 1995, le rugby sud-africain est aujourd’hui le reflet d’une société toujours désunie. Le combat de Mandela contre les inégalités raciales est loin d'être achevé et de nouveaux défis, comme la lutte contre le SIDA, l'attendent ...

 

Retrouvez la première partie de sa biographie ici

Retrouvez la troisième partie de sa biographie ici

 

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