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La semaine de Philippe Labro : La révélation Bourdeaut, le phénomène Luchini

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste.[THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

LUNDI 21 MARS

Le 36e Salon du livre de Paris, rebaptisé «Livre Paris», ayant tout juste clos ses portes, parlons livres. Il y a quelque temps que ce chroniqueur ne l’a fait. Pour sortir de la routine, j’ai pensé que, pour chaque ouvrage cité, je pourrais proposer son incipit. J’ai retenu deux livres – déjà de gros succès. Mais d’abord, qu’est-ce donc que l’incipit pour qui n’est pas familier avec ce terme ? Tout simplement, tiré du mot latin incipere, cela veut dire «commencer». Ainsi, la première phrase d’un livre, quel qu’il soit (essai, roman, biographie…) est-elle qualifiée d’incipit. Les astucieuses éditions PlayBac, en partenariat avec Gallimard, ont récem­ment publié un volume sous forme d’almanach (un incipit par jour) intitulé 365 pépites de la littérature, répertoriant les plus fameuses premières phrases : «Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France» – Mémoires de guerre, De Gaulle. «Longtemps, je me suis couché de bonne heure» – Du côté de chez Swann, Proust. «Il était une fois, un vieil homme, tout seul dans son bateau qui pêchait au milieu du Gulf Stream» – Le vieil homme et la mer, Hemingway. Et, bien entendu, les premiers mots de Voyage au bout de la nuit de Céline : «Ça a débuté comme ça», que vient, d’ailleurs, de reprendre Fabrice Luchini pour le titre de son propre ouvrage Comédie française. Ça a débuté comme ça… (Flammarion).

D’ores et déjà, ce premier bouquin signé Luchini connaît un succès aussi spectaculaire que le spectacle qu’il donne avec Poésie ? au Théâtre Montparnasse à Paris – lequel est plein jusqu’au 15 juin. Luchini est un phénomène. On l’a vu et entendu partout, à l’occasion de la sortie de son livre en librairie qui, d’une certaine manière, est un show : le rythme, les mêmes éclats d’humeur satirique et les mêmes anecdotes, imprégnées parfois d’autodérision, ou parfois du regard distant de cet homme qui sait tout observer, et retire, de la moindre rencontre (avec Hollande autant qu’avec un carrossier), une interrogation amusée ou une pensée plus abstraite. Tous les gens qui suivent Luchini depuis le jour où il eut l’idée lumineuse de lire, seul sur scène, des extraits de Céline, jusqu’à aujourd’hui, quand Jean d’Ormesson dit qu’il «devrait faire partie de l’Académie française», tous ces gens voudront forcément lire son ouvrage.

L’autre livre s’appelle En attendant Bojangles. Le jury du prix RTL-Lire vient de le couronner, ce qui lui vaudra une exposition médiatique importante. La petite maison d’édition Finitude (dirigée par un couple de Bordelais), sans trop claironner et pavoiser, voit les chiffres de vente grimper chaque jour. Bojangles s’inscrit tout droit dans la tradition de Salinger, Mark Twain ou Boris Vian. J’ignore si Olivier Bourdeaut, un jeune auteur (36 ans), s’est autant inspiré de ces trois maîtres, mais on retrouve dans ce récit de 160 pages, à la première personne, le rêve, l’insolite, les personnages décalés de la réalité, proches de ces auteurs. Il raconte le couple de ses parents pour qui chaque jour était une fête et qui dansait sur l’air de Mister Bojangles, chanson de Nina Simone évoquant un personnage de La Nouvelle-Orléans. L’enfant, devenu jeune homme, narre, à la Salinger, l’atmosphère de cette famille, l’extravagance et la fantaisie permanente du père et de la mère, et comment, peu à peu, la tragédie s’empare de la fête. C’est bien vu, imaginé, écrit et, pour un premier roman, Bourdeaut a trouvé un ton drôle et simple. Son incipit : «Mon père m’avait dit qu’avant ma naissance, son métier c’était de chasser les mouches avec un harpon.» Je vous le recommande – si vous ne l’avez pas déjà en main. 

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