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Hélène Romano, psychologue : après les attentats, «éviter le paternalisme»

Hélène Romano est docteur en psychopathologie Hélène Romano est docteur en psychopathologie [© DR ]

L'Assemblée nationale a voté jeudi 19 novembre la prolongation et le renforcement de l'état d'urgence. Cette décision va entrainer des changements concrets pour les Français, avec notamment une présence policière renforcée et des libertés réduites. Des mesures qui ne manqueront pas d'avoir des répercussions psychologiques au sein de la population.

Docteur en psycho-pathologie, Hélène Romano est spécialiste du traumatisme. Selon elle, les mesures d'exceptions adoptées à la suite des attentats du 13 novembre peuvent avoir des conséquences psychologiques très variées d'une personne à l'autre. 

Pensez-vous que les mesures liées à l’état d’urgence rassurent la population?

Les réactions sont différentes selon les personnes. Si le dispositif est cohérent et bien expliqué au public, il devrait être globalement rassurant. Cela montre que l’État agit, qu’il ne reste pas passif face à la menace. La présence de l’armée, par exemple, montre que l’on est protégé. Mais c’est à double-tranchant, car voir des militaires partout peut aussi être anxiogène pour certains. 

Comment éviter que la situation ne tourne à la psychose ?

Il faut que les autorités adoptent une posture déterminée sans tomber pour autant dans le paternalisme. Le paternalisme, c’est infantilisant, et donc insécurisant pour la population. Sur des points plus précis, des mesures simples peuvent aider à apaiser les gens. Par exemple, il a été demandé aux policiers et aux ambulances de ne pas déclencher leurs sirènes pour rien, car les bruits de sirènes sont typiquement le genre d’éléments qui entretiennent la psychose.

Comment expliquer aux enfants les changements induits par l’état d’urgence ?

On a vu après Charlie Hebdo que les enfants à qui on avait expliqué la présence accrue de policiers avaient bien vécu les choses, et que ceux à qui l’on n’avait rien dit étaient angoissés. Mais il ne faut pas leur mentir en prétendant que le dispositif empêchera d’autres attentats d’arriver. Ceux à qui l’on avait dit ça en janvier ont eu comme première réaction, après les attentats du 13 novembre, de reprocher aux adultes d’avoir menti.

Pensez-vous que les Français puissent s'habituer à vivre avec la menace terroriste, comme c'est le cas dans certains pays?

Le problème, c'est que pour le moment, les Français n'ont aucune culture de la résilience. Dans les pays où l'on vit au quotidien avec les drames, comme en Israël ou en Colombie, la population connaît les réponses collectives à adopter. Après des attaques, les gens se réunissent spontanément pour diner ensemble, prendre soin des personnes endeuillées ou réparer les habitations endommagées sans que les victimes n'aient à demander de l'aide. Au delà du soutien concret que cela apporte, ces rituels collectifs permettent de dépasser le traumatisme. En France, on ne sait pas faire ça, on a au contraire tendance à tout psychiatriser, alors que ce n'est pas toujours adapté. 

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