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Au centre de la réforme pénale, le juge de l'application des peines

Des exemplaires de code pénal alignés dans un bureau du palais de justice à Paris [Jack Guez / AFP/Archives] Des exemplaires de code pénal alignés dans un bureau du palais de justice à Paris [Jack Guez / AFP/Archives]

Fonction méconnue, le juge de l'application des peines (JAP) va voir son rôle renforcé par la réforme pénale, dont l'examen débute mardi à l'Assemblée et qui suscite plutôt l'adhésion parmi ces magistrats, circonspects néanmoins quant aux moyens mis en oeuvre.

Avec le condamné et les conseillers d'insertion et de probation (CPIP), les JAP seront les acteurs principaux de la nouvelle peine créée par le texte: la contrainte pénale, exécutée hors détention.

Ils fixeront en effet, après rapport du CPIP, les obligations imposées au condamné dans le cadre de la contrainte pénale, d'éventuels travaux d'intérêt général au suivi par un psychologue en passant par l'interdiction de fréquenter certains lieux.

Le JAP pourra faire évoluer ces obligations au cours de l'exécution de la peine. En cas de non respect, il lui appartiendra de saisir un autre juge qui, sur ses recommandations, décidera éventuellement d'incarcérer le condamné.

"On est tous très optimistes sur ce texte, parce qu'il y a beaucoup de choses positives qui sont prévues. Il y a une philosophie générale intéressante", dit une JAP sous couvert d'anonymat.

Pour Emilie Thubin, vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal de grande instance de Paris, la contrainte pénale peut se démarquer du sursis avec mise à l'épreuve, sorte d'"épée de Damoclès" pour le condamné car "on ne cesse de rappeler que c'est un sursis à la prison".

Mais cette nouvelle peine ne prendra son sens qu'avec des moyens supplémentaires, faute de quoi "ce sera une coquille vide", prévient Mme Thubin.

Le recrutement de 1.000 CPIP est acté. En revanche, si la Chancellerie estime que la charge de travail supplémentaire liée à la réforme équivaut à 57 postes de JAP (pour l'hypothèse haute), seuls dix sont aujourd'hui budgétés.

- "On voit peu les gens" -

Début 2011, l'affaire Laetitia, tuée et démembrée par Tony Meilhon dont Nicolas Sarkozy avait dénoncé le suivi judiciaire selon lui défaillant, avait révélé, de manière incidente, que CPIP et JAP croulaient sous les dossiers au point de ne pouvoir tous les suivre.

Trois ans plus tard, rien n'a changé: ces magistrats suivent régulièrement de front plus de mille condamnés.

"Le JAP est le juge de la réinsertion", mais, dans les faits, "aujourd'hui, on priorise certains dossiers. On voit peu les gens. C’est un système qui est surtout axé sur l'incident", regrette Laurence Blisson, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature (gauche).

L'enjeu ne concerne pas que l'application des peines, mais aussi les magistrats des tribunaux correctionnels. Beaucoup de JAP se demandent s'ils ne vont pas préférer à la contrainte pénale le sursis avec mise à l'épreuve (SME), déjà existant.

"S'ils n'ont pas la conviction qu'elle pourra effectivement être mise en oeuvre comme prévu par la loi dans des conditions satisfaisantes, ils ne la prononceront pas", avertit Céline Parisot, secrétaire nationale de l'Union syndicale des magistrats (majoritaire).

Les moyens supplémentaires, pour les magistrats, passent aussi par la mobilisation des acteurs non judiciaires (associations, collectivités, entreprises publiques), nécessaire pour favoriser la réinsertion.

"Pour le moment, on a beaucoup de gens qui s'investissent en détention, moins en milieu ouvert. Il y a l'urgence, l'affichage, cela parle plus aux gens", constate une JAP. Pour elle, "aujourd'hui, quelqu'un qui est détenu va avoir une offre plus fournie de Pôle emploi" qu'un condamné en milieu ouvert.

Le milieu ouvert n'est souvent médiatisé que lorsqu'un fait divers semble révéler un défaut de suivi, comme ce fut le cas pour Tony Meilhon.

Mais les succès existent déjà, souligne la magistrate, citant l'exemple de condamnés alcooliques qui acceptent pour la première fois un traitement lors d'un sursis avec mise à l'épreuve.

Si "c'est déjà ce que certains essayent de faire avec le SME", pour Laurence Blisson, la contrainte pénale peut "remettre le JAP au coeur du parcours sur une sortie de la délinquance".

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