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Condoléances turques: la communauté arménienne de France "pas dupe"

Mourad Papazian (c) co-président du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) le 16 décembre 2013 [Patrick Kovarik / AFP/Archives] Mourad Papazian (c) co-président du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) le 16 décembre 2013 [Patrick Kovarik / AFP/Archives]

Les membres de la communauté arménienne de France, à l'image du chanteur Charles Aznavour, ont dénoncé jeudi les "condoléances" de l'Etat turc aux petits-enfants des Arméniens massacrés en 1915, y voyant non la reconnaissance du génocide mais de la "condescendance" ou "un piège".

Des cérémonies étaient organisées dans plusieurs villes pour commémorer le début des massacres le 24 avril 1915, en présence du président François Hollande à Paris.

Pour Charles Aznavour, les "condoléances" présentées mercredi par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan ne valent pas reconnaissance du génocide et "encore moins" excuses. Il faut y lire "une simple volonté personnelle de se montrer un homme politique prétendument +ouvert+".

Le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) dénonce une "opération de communication" pour éviter d'avoir à reconnaître le génocide, terme que l'Etat turc se refuse toujours à employer. "On ne présente pas des condoléances 99 ans ans après un génocide", souligne Mourad Papazian, co-président du CCAF.

A Lyon où vit une importante communauté, après une cérémonie religieuse, entre 1.000 et 2.000 personnes ont défilé dans le centre-ville vers le Mémorial du génocide, derrière une banderole réclamant "justice pour le peuple arménien". Dans le cortège, beaucoup de jeunes criaient "Turquie assassin".

Georges Képénékian, premier adjoint au maire Gérard Collomb, estime qu'il ne faut pas "qu'un mot remplace un autre": "la grandeur d'un Etat, c'est assumer son histoire et permettre aux victimes de trouver la sérénité".

Ses parents arméniens avaient fui l'empire ottoman avant leur arrivée en France en 1921-22. Evoquant "Willy Brandt, chancelier de la République fédérale d'Allemagne, qui s'était agenouillé devant le mémorial du ghetto de Varsovie en 1970", l'élu fait le rêve d'un geste similaire d'Erdogan dans le désert de Mésopotamie.

 

- 'Le mot qui manque' -

 

"Ils pourraient prendre part à leur responsabilité plutôt que prendre part à notre souffrance !", critique un porte-parole du Centre National de la Mémoire Arménienne inauguré récemment à Décines (Rhône), Daniel Meguerditchian, qualifiant le geste d'Erdogan de "condescendant".

Vartan Balian, petit-fils de survivants du génocide, se sent "insulté": "Imaginez des +condoléances+ des Allemands en 2044 après un siècle de négationnisme, voilà ce que ressentent les Arméniens aujourd'hui", dit-il, ajoutant qu'ils "ne sont pas dupes de ces fausses repentances".

Le chanteur franco-arménien Charles Aznavour, le 7 septembre 2011 sur la scène de l'Olympia à Paris [Pierre Verdy / AFP/Archives]
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Le chanteur franco-arménien Charles Aznavour, le 7 septembre 2011 sur la scène de l'Olympia à Paris

A Strasbourg, une trentaine d'Arméniens se sont rassemblés au centre-ville, brandissant des pancartes accusant la Turquie de "nier" le génocide. "Ce qu'a dit (M. Erdogan) ne suffit pas. Il a voulu calmer le jeu juste avant les 100 ans", jugeait Hamlet Housepian, tout en reconnaissant "une avancée". "Pour nous, c'est un piège, il n'a pas prononcé le mot génocide. C'est le mot qui manque", lançait Artur Boghosyan, un lycéen.

A Rennes, une centaine de personnes se sont rassemblées devant la mairie. Pour Vigen Arakelyan, responsable de la communauté locale, l'initiative d'Erdogan "ne compte pas beaucoup. Parce qu'il n'a pas utilisé le mot génocide".

A Marseille, 1.300 personnes selon la police ont manifesté dans le calme devant le consultat de Turquie. Vartan Arzoumanian, porte-parole de l'Association pour la recherche et l'archivage de la mémoire arménienne, parle d'une "stratégie de diversion" destinée à "brouiller les cartes", tout en s'inquiétant de la commission d'historiens évoquée par Erdogan, "alors que ce génocide ne fait aucun doute".

L'association "Nouvelle Génération Arménienne" en France crie enfin à la "stratégie négationniste": "Le Premier ministre parle de +période difficile+, de +nécessité de compassion mutuelle entre Arméniens et Turcs+, comme si les Arméniens avaient eux aussi leur part de responsabilité".

"C'est la première fois depuis 99 ans que la Turquie présente des condoléances aux descendants des victimes. Il s'agit donc d'un pas sur le chemin de la reconnaissance", a estimé de son côté Patrick Devedjian, député UMP issu d'une famille arménienne. Pour lui, M. Erdogan, contraint à une évolution par l'opinion turque et mondiale, "essaye de noyer le poisson" en reconnaissant le drame sans le qualifier.

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