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La "police des polices" en ligne

Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls à l'Assemblée nationale, le 23 avril 2013 à Paris [Martin Bureau / AFP/Archives] Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls à l'Assemblée nationale, le 23 avril 2013 à Paris [Martin Bureau / AFP/Archives]

C'est une petite révolution: début septembre, les Français pourront saisir directement, en ligne, la "police des polices" en cas de dérapages des forces de l'ordre, une réforme voulue par Manuel Valls mais critiquée par certains qui y voient une "stigmatisation" des policiers.

Le ministre de l'Intérieur a confirmé dimanche lors d'une émission de M6 sur les "ripoux" que "chaque citoyen pourra saisir" l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des polices", en cas de litige. Il a évoqué à cet égard "la déontologie et les valeurs" des policiers dont il attend "un comportement exemplaire".

Cette réforme est en chantier depuis novembre 2012. M. Valls avait limogé le "patron" de l'Inspection générale des services (IGS) de la préfecture de police de Paris, lui reprochant notamment d'avoir impliqué à tort un haut fonctionnaire classé à gauche sous Nicolas Sarkozy. Il avait critiqué des "dysfonctionnements" et promis une "harmonisation des pratiques" de l'IGS afin que celle-ci devienne une "composante à part entière" de l'IGPN.

Jusqu'à présent, ces deux structures faisaient le même travail mais en ordre dispersé: à l'IGS les enquêtes en région parisienne, à l'IGPN la province avec notamment trois antennes à Marseille, Lyon et Bordeaux. Autre différence de taille: la première pouvait être saisie par des particuliers directement, la seconde non ou de manière moins formelle.

A compter du 1er septembre, il n'y aura qu'une seule "police des polices", aussi dénommée les "boeuf-carottes" dans le jargon policier pour la réputation de ses enquêteurs à faire mijoter les collègues pris en faute.

N'importe quel citoyen pourra la saisir en cas de contestation, de bavure ou de corruption - le coeur du métier des inspections - grâce à une plate-forme nationale de signalement sur internet ouverte à tous à condition de s'identifier.

"Incorruptible"

L'IGS deviendra une délégation régionale de l'IGPN, selon des sources internes, avec sans doute des compétences étendues à d'autres départements franciliens. Trois autres seront ouvertes à Rennes, Lille et Metz.

"Un policier doit être incorruptible", dit-on dans l'entourage du ministre, ajoutant qu'un collège d'experts - sociologue, magistrat ou Défenseur des droits - rejoindra son comité d'orientation. L'Intérieur attend également que l'IGPN fournisse études et expertises "qui manquent".

"Cela se fait dans la concertation", fait-on valoir à l'IGPN tant le sujet est glissant. Les policiers n'aiment pas avoir affaire à la "police des polices" et affirment en outre être "l'administration la plus contrôlée", ce que corrobore la place Beauvau.

Les syndicats sont partagés. "Tout est ficelé d'avance", s'indigne Jean-Claude Delage, secrétaire général d'Alliance (seconde organisation de gardiens de la paix) pour qui "la plainte en ligne va nous stigmatiser".

"C'est injustifié et injustifiable", a surenchéri Patrice Ribeiro de Synergie (2d syndicat d'officiers). "75% des plaintes contre les policiers sont des calomnies, cela va multiplier les plaintes", ajoute-t-il, "on ouvre une boîte de Pandore".

Pour le SNOP-SCSI (majoritaire chez les officiers), Jean-Marc Bailleul n'a "pas d'opposition": "il n'y a pas de raison que cela jette la suspicion", dit-il, mais il "faudra que les petites affaires soient traitées en interne pour ne pas surcharger" l'IGPN qui "va travailler à effectifs constants" soit un peu plus de 200 personnes.

Nicolas Comte, porte parole d'Unité police SGP-FO (1er syndicat de gardiens), "n'est pas opposé à la transparence". Mais, prévient-il, "dans un moment où l'on parle d'améliorer la relation police/population, il ne faudrait pas que nos collègues pensent que tout est de leur faute".

"A quand une réforme de l'inspection des gendarmes?" interrogent-ils tous.

En 2012, l'IGS a été saisie plus de mille fois par la justice ou l'administration. 400 de ces saisines émanaient de particuliers. Elle a mené en dix ans, entre 2000 et 2009, plus de 10.000 enquêtes et proposé plus de 2.000 sanctions contre de présumés "ripoux".

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