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A Sevran, des jeunes bataillent pour améliorer la vie d'un quartier dégradé

Des immeubles à Sevran, le 13 novembre 2012 [Fred Dufour / AFP/Archives] Des immeubles à Sevran, le 13 novembre 2012 [Fred Dufour / AFP/Archives]

Dans un quartier aux tours abîmées, où les pannes de chauffage et d'ascenseurs à répétition exaspèrent les , un groupe de jeunes trentenaires a créé une Amicale de locataires, mobilisé les voisins et remporté plusieurs victoires contre le bailleur social.

"Ils ont fait du community organizing sans le savoir" analyse le sociologue Jacques Donzelot, auteur d'un rapport publié par le think tank de gauche Terra nova et intitulé "Banlieues et quartiers populaires: remettre les gens en mouvement".

Il y défend ce concept né aux Etats-unis et qui repose sur l'implication des habitants dans la vie de leur quartier, à travers des communautés locales. Cela n'existe "qu'exceptionnellement en France", malgré les voeux des acteurs de la politique de la ville, explique-t-il.

A deux pas de la station RER, le quartier des Beaudottes regroupe 1.200 logements sociaux, dans 29 immeubles. En 2009, un incendie se déclenche dans l'une des tours, tuant 5 personnes, un drame qui traumatise le quartier. La même année, les gardiens d'immeuble quittent les lieux, arguant que leur sécurité n'est plus assurée.

"On était à l'abandon", se rappelle Jaouad Dahmani, président de l'Amicale des locataires.

Destruction d'immeubles à Sevran, le 13 novembre 2012 [Fred Dufour / AFP/Archives]
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Destruction d'immeubles à Sevran, le 13 novembre 2012

"L'élément déclencheur, ça a été le rappel des charges, jusqu'à 800 euros pour certains locataires. On trouvait que les charges étaient énormes par rapport aux services rendus, à un moment où il y avait 20 ascenseurs sur 29 en panne", raconte-t-il, "la marmite commençait à bouillonner".

Avec plusieurs amis, il crée l'Amicale. Tous âgés d'une trentaine d'années ou moins, ils ont grandi ou vivent dans le quartier et entendent faire valoir leurs droits.

"La plupart des habitants de Sevran sont étrangers, et pour une part illettrés et ne savent pas comment fonctionne l'administration. On se voit comme les représentants de ces habitants qui ont vu leurs conditions de locataires se dégrader", explique l'un d'eux, Tawfik Kilani, un juriste de 31 ans qui vit chez ses parents.

Quatre-vingt huit familles adhèrent à l'Amicale.

Après plusieurs rencontres, ils obtiennent du bailleur, Immobilière 3F, une remise commerciale et des remboursements de charges; au total plus de 300.000 euros en 2012. Le bailleur réalise plusieurs centaines de milliers d'euros d'investissement, notamment dans le chauffage.

Il y a eu "quelques pannes de chauffage pendant quelques semaines, quelques pannes pour les ascenseurs", reconnaît Didier Jeanneau, directeur général adjoint Immobilière 3F en charge de la gestion du patrimoine en Ile-de-France mais "c'est souvent lié au vandalisme", assure-t-il.

Des jeunes fument dans une cave à Sevran, le 13 novembre 2012 [Fred Dufour / AFP/Archives]
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Des jeunes fument dans une cave à Sevran, le 13 novembre 2012

"C'est un quartier très difficile, très fortement gangréné par les trafics. Nous essayons de maintenir le service face à ces situations extrêmes", souligne M. Jeanneau.

Les gardiens sont revenus dans le quartier en 2010, regroupés en équipe dans un "relais habitant".

La mairie, dirigée par Stéphane Gatignon (EELV) voit dans l'Amicale "un partenaire exigeant" dans un quartier "paupérisé" mais en plein remodelage, décrit Stéphane Blanchet, le premier adjoint au maire chargé de la rénovation urbaine.

"Sans la participation des habitants, on ne peut pas savoir ce qui se passe" salue Mohammed Chirani, délégué du préfet au quartier des Beaudottes.

Aujourd'hui, épaulés par la Confédération nationale du logement, les membres de l'Amicale réclament plus d'un million d'euros de charges trop perçues pour 2009-2010 et incitent d'autres habitants à les rejoindre.

"Il ne faut pas rester à subir", assène Jaouad Dahmani lors d'une assemblée générale.

"Il y a eu tellement de personnes qui ont essayé et qui ont eu des retours négatifs qu'ils ont baissé les bras", commente une habitante, Angela Mondelli, 48 ans, "Eux nous ont redonné de l'espoir".

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