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Tournantes : les avocats font le procès de la justice

Nina, une jeune femme victime de viols collectifs, le 19 septembre 2012 devant la cour d'assises du Val-de-Marne [Jacques Demarthon / AFP/Archives] Nina, une jeune femme victime de viols collectifs, le 19 septembre 2012 devant la cour d'assises du Val-de-Marne [Jacques Demarthon / AFP/Archives]

"Incohérences", "fiasco", défense et parties civiles critiquaient à l'unisson jeudi la justice après l'acquittement de 10 personnes et les faibles condamnations de quatre accusés, dans le dossier des tournantes du Val-de-Marne, jugées 13 ans après les faits.

Après trois semaines de débats à huis clos mais sous haute tension, la cour d'assises du Val-de-Marne a reconnu des viols commis entre 1999 et 2001 dans les cités de Fontenay-sous-Bois, sur une seule des plaignantes, Nina, 29 ans. Les quatre hommes poursuivis pour les mêmes faits sur Aurélie, 28 ans, ont été acquittés.

Ce verdict rendu dans la nuit de mercredi à jeudi, par les jurés de la cour d'assises, a suscité le vif mécontentement des conseils des deux parties.

"Je ne vois pas le sens de cette décision, a déclaré Me Amar Bouaou, avocat d'un condamné et d'un acquitté. On vous déclare coupable, (mais avec des peines couvertes par la détention provisoire), comme ça vous ne faites pas appel". "C'est un jugement de Salomon", a-t-il indiqué.

Plus virulent, Me Alexandre Deviller, dont le client fait également partie des condamnés, a fustigé pour sa part, un "dossier vide et bâclé" et a eu le sentiment d'assister à un "fiasco parce qu'on a médiatisé cette affaire dès les interpellations".

"Je suis soulagé mais c'est toujours incompréhensible. Elle (Nina) s'est contredite tellement de fois, a confié un acquitté. Ils (les condamnés) ne sont pas des violeurs".

Les avocates des deux jeunes femmes qui avaient dénoncé ces faits sordides après de longues années de silence, ont également dénoncé un "verdict sans cohérence".

 

"Ridicule"

"L'accusation n'a pas été portée comme elle aurait dû être portée", déplore Me Laure Heinich-Luijer, avocate des deux plaignantes.

Critique sur la durée de l'instruction longue de sept ans, elle a "le sentiment que la justice dysfonctionne".

"Treize ans après les faits, l'échec est là. Quelle peine aurait un sens? Quand on entend: coupables de viols en réunion, trois ans avec sursis. On s'interroge", a-t-elle relevé.

"C'est un naufrage judiciaire pour les femmes", avait résumé avant même l'énoncé du verdict, une autre avocate des plaignantes, Me Clotilde Lepetit.

Interrogée jeudi sur Europe 1, Aurélie pour laquelle aucun viol n'a été reconnu, a regretté d'avoir porté plainte au regard de la faiblesse des condamnations.

"C'est ridicule, autant ne pas les condamner. A quoi bon porter plainte?", a déclaré la jeune femme, précisant que le verdict l'avait "enterrée".

 

Des réquisitions lourdes

Lundi, l'avocate générale avait requis des peines de cinq à sept ans de prison pour huit accusés. Pour les six autres, elle s'en était remise à la décision de la cour, évoquant le "doute" et relevant le manque d'éléments à charge les concernant pour réclamer une peine.

Au terme de l'instruction, le parquet avait requis un non-lieu pour deux des accusés. Ils avaient quand même été renvoyés devant les assises, malgré un appel du parquet.

Contacté jeudi matin par l'AFP, le parquet de Créteil qui dispose d'un délai de 10 jours, n'avait pas encore pris la décision de faire appel du verdict.

L'annonce du jugement a suscité jeudi, l'ire des associations féministes à l'instar du mouvement Osons le féminisme pour qui le verdict de Créteil est "un permis de violer".

Sans commenter le verdict, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a elle, exprimé "son émotion" et sa "solidarité" envers les jeunes femmes.

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