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Les maires peuvent-ils refuser de procéder à un mariage gay ?

Mariage gay : les maires pourront-ils faire objection de conscience ? Mariage gay : les maires pourront-ils faire objection de conscience ?[FRED TANNEAU / AFP]

Voter le "mariage pour tous" au Parlement est une chose. Le mettre en application en est une autre. Individuellement ou collectivement, des maires font savoir qu’ils refuseront de se prêter aux cérémonies qui découleraient de cette loi promise par François Hollande.

Après avoir suscité une levée de boucliers dans les milieux religieux - catholique, mais aussi protestant, juif ou musulman, le projet de loi sur le mariage pour tous suscite une série de réserves chez ceux qui seront chargés de l’appliquer : les maires.

François Lebel, le maire (UMP) du 8e arrondissement de Paris, a été le premier à intervenir pour dénoncer ce projet et annoncer que le cas échéant, il refuserait à titre personnel d’unir deux personnes homosexuelles. Dans le même éditorial – publié dans le journal municipal – il déclarait que le « mariage pour tous » ouvrirait la porte à d’autres unions, de type polygame, incestueuse ou zoophile. Propos qui ont déclenché de nombreuses protestations, y compris dans les rangs de l’UMP.

Xavier Lemoine, le maire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis) lui a emboîté le pas ce week-end. L’édile (UMP) qui s’était engagé au côté de Christine Boutin durant la campagne présidentielle, avant qu’elle  ne se désiste en faveur de Nicolas Sarkozy, a lui aussi fait part de son refus anticipé de procéder à des mariages gays. « Cette loi va bouleverser la filiation » indique-t-il dans une interview au Monde. « Si la loi sur le mariage entre personne du même sexe est votée, j’espère qu’elle prévoira une clause de conscience », précise-t-il.

Jacques Bompard, député-maire d'Orange (Vaucluse), élu sous la bannière Ligue du Sud et adversaire acharné du projet, a choisi également de le combattre à l'échelle municipale. Dans un courrier adressé le 20 septembre à l'ensemble des maires de France, il les invite à la mobilisation et appelle à l'introduction d'un article prévoyant la possibilité d'invoquer la clause de conscience. A son initiative également, une pétition en ligne a été lancée. Le 8 octobre, elle avait recueilli 1169 signatures.

 

Dura lex, sed lex

Mais il n’y pas que des élus de l’UMP, des proches de Christine Boutin ou des élus de la droite radicale qui font part de leurs réserves.

Des réserves apparaîssent à gauche, sans aller jusqu'à l'appel à la désobéiossance civile. C’est le cas par exemple de Bernard Poignant, député-maire (PS) de Quimper (Finistère). Ce proche de François Hollande, qui dispose d’un bureau de conseiller à l’Élysée, ne fait pas mystère de son hostilité au mariage homosexuel et réclame un grand débat national prenant notamment en compte la question des droits de l’enfant "qui se construit dans l’altérité de deux genres ».

Mais si le projet était adopté, alors il procéderait à ces mariages. « Un maire doit respecter la loi » tranche-t-il.

Du côté du ministère de la Justice, le ton est également à la fermeté. Lorsque que Christiane Taubira avait dévoilé les premiers éléments du projet de loi dans une interview à La Croix, elle s’était refusée à toute possibilité d’objection de conscience. « Les maires sont des officiers publics qui représentent l’État lorsqu’ils célèbrent un mariage ».

Le maire d'une commune rurale d'Île-de-France, hostile au mariage gay, le confirme. "La seule solution est de confier la célébration du mariage à un adjoint. Mais quand le maire et son adjoint sont hostiles à ce projet, comme c'est le cas dans ma commune, les choses se compliquent car il n'y pas d'objection de conscience possible".

Ne pas braquer les maires

Soucieuse de ne pas braquer les maires, dont l’influence locale est incontournable, Christiane Taubira avait pris soin d’indiquer qu’elle envisageait de travailler en étroite coordination avec les instances représentatives, comme l’Association des maires de France (AMF).

Or c’est précisément à ce niveau, celui des élus locaux peu médiatisées, que réside l’inconnue. Obéissant à des convictions personnelles, ou pour ne pas indisposer un électorat réservé sur la question, de nombreux élus pourraient faire part de leur opposition au projet, notamment dans les zones rurales.

Jacques Pélissard, président de la puissante AMF, a fait part de son souhait d’être associé très tôt dans l’élaboration du texte. A l’échelon régional, plusieurs indices laissent présager des frondes possibles, notamment en Corse où plusieurs maires se sont déclarés prêts à la désobéissance civile. En 1998, pas moins de 15.032 maires de France avaient signé la "pétition pour le mariage républicain", opposée au Contrat d'union sociale (le CUS, ancêtre du PACS).

Au gouvernement, on continue d’affirmer que le mariage pour tous entrera en vigueur dans les délais les plus brefs. Quel sera le niveau et les partenaires de la concertation ? La question demeure ouverte. La voie référendaire en revanche, préconisée par 65% des Français selon un sondage Ifop récent, reste en revanche peu probable à l’heure actuelle.

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