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Hollande veut éradiquer les paradis fiscaux, mais des obstacles demeurent

Le président François Hollande à l'Elysée à Paris le 10 avril 2013 [Patrick Kovarik / AFP] Le président François Hollande à l'Elysée à Paris le 10 avril 2013 [Patrick Kovarik / AFP]

Fin du secret bancaire, bis repetita? Plus de trois ans après l'arrêt de mort décrété un peu vite par l'ex-président Nicolas Sarkozy, son successeur François Hollande a affirmé mercredi vouloir "éradiquer" les paradis fiscaux, mais les progrès sont encore lents dans ce domaine.

"Les paradis fiscaux doivent être éradiqués en Europe et dans le monde", a martelé le chef de l'Etat.

Ces propos font écho à ceux de son prédécesseur. "Les paradis fiscaux, le secret bancaire? c'est terminé", assénait Nicolas Sarkozy en septembre 2009, dans le sillage de la croisade lancée par les grandes puissances du G20.

Or le secret bancaire a la vie dure. L'aveu de Jérôme Cahuzac, détenteur d'un compte caché à Singapour alors qu'il était ministre du Budget, en apporte une preuve supplémentaire.

Le président Hollande a donc énoncé des mesures visant, a-t-il dit, à "mettre un terme au secret bancaire".

La première vise les banques françaises, qui "devront rendre publique chaque année la liste de toutes leurs filiales partout dans le monde, pays par pays" et "la nature de leurs activités", ce qui les empêchera, a-t-il assuré, de "dissimuler les transactions effectuées dans un paradis fiscal".

Ces mesures ont déjà été intégrées à la loi bancaire en voie d'adoption au Parlement, "initialement contre l'avis de Bercy", souligne Mathilde Dupré, de l'ONG CCFD-Terre solidaire.

François Hollande souhaite étendre cette transparence au niveau européen. "C'est bien avancé", selon le ministère de l'Economie, car une directive de l'Union européenne prévoit le même type d'obligations. En revanche, imposer cette publicité aux grandes entreprises nécessitera une initiative aux contours encore flous.

Le deuxième axe de l'offensive vise directement les paradis fiscaux. "La France établira chaque année une liste de paradis fiscaux", a déclaré le chef de l'Etat.

En réalité, cette liste noire existe depuis 2010. A l'origine, elle contenait 18 "Etats et territoires non coopératifs" qui n'avaient pas signé de convention fiscale avec la France. Depuis, elle s'est encore vidée: la dernière mise à jour, du 4 avril 2012, ne stigmatise que huit territoires (Botswana, Montserrat, Brunei, Nauru, Guatemala, Niue, îles Marshall et Philippines).

François Hollande a promis que la liste serait dorénavant établie en fonction de "l'effectivité des informations" obtenues. "Je n'hésiterai pas à considérer comme un paradis fiscal tout pays qui refuserait de coopérer pleinement avec la France", a-t-il menacé.

Reste à savoir si le gouvernement est prêt à remettre sur sa liste un pays comme la Suisse, qui ne répond qu'à un tiers environ des demandes d'informations que lui adresse le fisc français et dans des conditions très restrictives.

Enfin, alors que le standard international des échanges de renseignement "à la demande" est critiqué de toutes parts, le président a prôné que l'échange "automatique" devienne la "règle en Europe".

--la règle paralysante de l'unanimité européenne--

Paris plaide, depuis la semaine dernière, pour que les Européens passent, d'abord entre eux, à l'échange automatique. Ce projet était bloqué depuis des années par le Luxembourg et l'Autriche, jaloux de leur secret bancaire, mais ces deux pays semblent en train d'évoluer.

Idéalement, la France voudrait ensuite imposer l'échange automatique aussi aux autres pays, comme la Suisse, comme le font les Etats-Unis.

"Cet échange automatique peut mettre un terme à la fraude fiscale, en particulier aux comptes offshore non déclarés comme ceux de Cahuzac ou Liliane Bettencourt", se réjouit Gabriel Zucman, de l'Ecole d'économie de Paris.

Selon lui, il faut aller "le plus vite possible", via "une coalition de pays" pionniers. "Une position commune France-Allemagne permettrait déjà d'aller extrêmement loin", estime-t-il: "si Paris et Berlin menacent Berne de sanctions commerciales et économiques, de retirer les licences bancaires des établissements suisses, le coût pour la Suisse sera supérieur à ce que représenterait la perte du secret bancaire".

"Il faut dégainer tout de suite avec des mesures françaises", renchérit Mathilde Dupré. Mais elle ne cache pas son pessimisme, au sortir d'un rendez-vous à Matignon. "Ils envisagent des choses uniquement au niveau européen", rapporte-t-elle.

Or dans l'UE, la règle de l'unanimité en matière fiscale risque rapidement de barrer la route aux ambitions françaises.

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