En direct
A suivre

La semaine de Philippe Labro : Couderc et ses bons mots, "Ida" et ses belles images

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste. [THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

SAMEDI 8 MARS 

A la télé, sur France 2, ce samedi, on peut regarder un «docu» de 52 minutes consacré à Roger Couderc – à l’occasion des trente ans de sa disparition. Il n’était pas forcément besoin d’aimer le rugby à XV pour aimer Couderc. Il aura été le commentateur sportif le plus vivant, chaleureux, drôle, surprenant, merveilleusement chauvin lorsqu’il suivait les exploits des Bleus d’un tournoi qui, à l’époque, ne comportait que cinq nations – les «redoutables Anglais», les «ardents Ecossais», les «fiers Gallois» et les «combattants Irlandais» face aux «coqs gaulois», que Couderc accompagnait et encourageait. Ses phrases et ses mots rebondissaient de façon aussi inattendue que ce ballon ovale dont il vénérait la pratique. Il parlait avec l’accent du Midi, dans un rocailleux concert d’exclamations qui n’aurait pas autant séduit les téléspectateurs s’il n’y avait, précisément, toute la Dordogne, tout le Quercy, tout mon beau Sud-Ouest natal, qui allait avec, comme le chant des rivières de ma jeunesse.

J’adorais, aussi, son illustration des matchs de catch – discipline qui fut très en vogue pendant un certain temps à la télé. Tout le monde savait que le catch, c’était du cinéma, du spectacle, totalement arrangé à l’avance – et Couderc le savait mieux que personne. Mais, plein d’humour et de complicité, il faisait «comme si». Je l’entends encore s’écrier : «Il lui fait un double Nelson !» Qui sait, aujourd’hui, ce que cela veut dire, un «double Nelson» ?

 

LUNDI 10 MARS

J’ai déjà recommandé, à mes amis aussi bien qu’à ceux qui me suivent sur Twitter (mais oui ! il m’arrive de tweeter, ce n’est pas toujours inutile si l’on veut faire passer une idée, une info, une découverte, une lecture), l’exceptionnel film au titre simple, Ida. Signé Pawel Pawlikowski, ce long-métrage est sorti sous l’acclamation de la critique, certes, mais sans tapage médiatique. On n’a pas vu, sur les plateaux des «talk-shows» de télé où viennent, parfois si souvent que cela vous accable, acteurs et metteurs en scène faire leur «promo» – on n’a pas vu l’auteur de ce chef-d’œuvre – ni aucun ou aucune de ses interprètes. Ida, c’est le genre de film qui n’a pas droit au matraquage télévisuel, mais connaît un succès grandissant grâce au simple bouche à oreille. 1h19, en noir et blanc, d’un film d’une grande pureté. Une histoire en apparence simple qui se passe dans la Pologne des années 1960. Avant de prononcer ses vœux, une jeune orpheline élevée au couvent part à la rencontre de sa tante, seul membre de sa famille encore en vie. Elle va découvrir un atroce secret de famille, et se confronter à la violence du passé, la tentation de l’amour, les vestiges du stalinisme, les gens, les bistrots, le jazz, la nuit, la mélancolie brumeuse des forêts et la blancheur des routes – car, entre autres qualités, Ida est une réussite photographique inhabituelle. L’interprète principale n’est pas une actrice professionnelle. Pawlikowski (57 ans, cinq longs-métrages), a découvert Agata Trzebuchowska grâce à une de ses amies qui l’avait aperçue dans un café de Varsovie et avait été subjuguée par le mélange d’innocence et de maturité qui se dégageait de son visage. Ida a déjà obtenu quelques prix dans de nombreux festivals. C’est beau, simple, envoûtant, et vous conduit sans difficulté au cœur d’une enquête digne d’un polar, vers une vérité qui trouble. A la fin de la séance, c’était un matin, dans une salle déjà pleine, un silence écrasant nous a empêchés de nous lever. Nous restions sur nos sièges, frappés par ce que nous avions vécu. Allez voir Ida. Vous ne le regretterez pas.

 

Retrouvez tous les éditos de Philippe Labro 

 

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités