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La semaine de Philippe Labro : des fausses notes en mer, de la poésie dans l’air

L’affaire de l’annulation par l’Australie de la commande de sous-marins français a déclenché une indignation justifiée, selon Philippe Labro. L’affaire de l’annulation par l’Australie de la commande de sous-marins français a déclenché une indignation justifiée, selon Philippe Labro. [Fred TANNEAU / POOL / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MERCREDI 22 SEPTEMBRE

Les mots ont été forts, cinglants et vexants. «Trahison», «coup dans le dos», «rupture de confiance», «Trump sans les tweets», etc. L’affaire de l’annulation par l’Australie de la commande de sous-marins français au profit d’un accord de sécurité avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne (cette alliance tripartite au nom étrange de «Aukus») a donc déclenché une indignation justifiée.

Certains observateurs, qui tentent de garder leur sang-froid, considèrent néanmoins que les Américains et les Australiens avaient peut-être de nombreuses raisons stratégiques de se comporter ainsi. En revanche – et sur ce point, c’est unanime –, la méthode a été grossière, brutale, méprisante. La forme est bien plus condamnable que le fond. Doit-on s’en étonner ? La diplomatie américaine n’est pas très «diplomate». Elle est souvent impolie. On ne doit, avec l’Amérique, jamais oublier son sens inébranlable de supériorité, son aveugle certitude. On verra si, avec le temps, les blessures cicatrisent et si les intérêts communs (ils sont nombreux) l’emportent sur les éclats de cette triste affaire. On verra.

Cependant, naïf et curieux, je m’interroge : on n’avait donc rien vu venir ? On possède des services secrets, non ? Puisque tout le monde espionne tout le monde, on n’avait procédé à aucune écoute ? On n’avait aucun moyen de renifler la grande arnaque ? On n’avait même pas décrypté les sous-entendus fréquents dans la presse australienne ? Il paraît que toutes les décisions ont été prises en grand secret, au cours de nombreuses réunions tout aussi secrètes, et ce depuis de très longs mois. Ah bon ? Personne n’en a eu vent ? Il était où, Le bureau des légendes ? Si faillite il y a eu, elle est peut-être aussi de ce côté-là. Mais c’est fait, c’est trop tard, et la France, comme l’Europe, doivent, une fois de plus, se résigner à ce qu’Angela Merkel avait énoncé, lors de la présidence Trump : «Il va falloir s’habituer à ne plus trop compter sur les Américains.»

JEUDI 23 SEPTEMBRE

L’automne arrive, l’été indien, les feuilles qui rougissent encore plus vite et plus tôt que d’habitude, les premiers frissons du soir, le chant différent de certains oiseaux, le goût de certains fruits. On songe à Apollinaire :

Je suis soumis au Chef du Signe de l’Automne

Toujours, pour s’apaiser, se détacher de la rumeur médiatique, il est bon d’avoir recours à la poésie, aux textes qui ne prennent pas de rides. Avec le dictionnaire, mon livre de chevet demeure l’Anthologie de la poésie française – aussi bien celle de Jean-François Revel (éd. Robert Laffont) que celle de Georges Pompidou (éd. Le livre de poche).

Ainsi, Verlaine :

Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne

Faisait voler la grive à travers l’air atone,

Et le soleil dardait un rayon monotone,

Sur le bois jaunissant où la bise détone.

Vous pouvez toujours surfer sur les réseaux sociaux, zapper sur votre télécommande face au déferlement d’ima­ges et d’informations, succomber à la tentation du superficiel immédiat, rien, selon moi, ne remplacera Baudelaire et Villon, La Fontaine et Hugo, Rimbaud et Ronsard. A ce propos, ne nous étonnons pas que les spectacles que reprend Fabrice Luchini (Des écrivains parlent d’argent, aux Bouffes Parisiens, paral­lèlement avec Conversations autour des portraits et auto-portraits) affichent «complet».

Cet artiste exceptionnel, ce véritable professeur de lettres qu’est Luchini, m’a confié sa joie de retrouver le public, les salles combles, les gens qui font la queue, la ferveur revenue. C’est cette même sensation que l’on ressent au concert – de jazz, de classique ou de rock. Ah ! Notre premier retour à la Philharmonie pour écouter Kirill Petrenko diriger l’orchestre de Berlin ! Si c’est cela l’automne, on oublie vite la grossièreté américaine et les sous-marins de la zone indo-pacifique.

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