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Juliette Binoche : un parcours sans faute

Juliette Binoche[Capture d'écran Youtube]

Elle est sans aucun doute l’un des visages de la France dans le monde. Au même titre – ou presque – que le champagne, Edith Piaf et la tour Eiffel. Avec un visage qui pourrait être celui de Jeanne d’Arc ou d’une héroïne de Dumas, et un nom à la sonorité tricolore, Juliette Binoche dégage un je-ne-sais-quoi d’élégance et de douceur, comme un archétype de ce que la France sait faire de mieux. Attentive à la qualité plutôt qu’à la productivité, elle s’ingénie en permanence à élargir la palette de ses talents.

 

ARCHIVE

 

Fille d’un père marionnettiste et d’une mère institutrice, Juliette Binoche est née le 9 mars 1964. Elle grandit à Paris pendant quelques années. Puis, lorsque ses parents divorcent, elle est envoyée en pension. Entre séjours à la campagne et école à la ville, la jeune fille développe rapidement un goût pour la comédie. Pas celle parfois malicieuse d’une fillette qui se cherche, mais bien la grande comédie, à commencer par le théâtre. Près de sa mère, qui tient un atelier d’art dramatique, elle joue de petits rôles, et s’essaie à la lumière comme aux costumes. Juliette a de la suite dans les idées car dès son arrivée au lycée, elle monte Le roi se meurt d’Eugène Ionesco, maître du théâtre de l’absurde. C’est à cette époque qu’elle prend ses premiers cours de théâtre au Conservatoire national du 10e arrondissement de Paris. Le bac en poche, Juliette persévère et intègre le Conservatoire national d’art dramatique de Paris. Elle a 18 ans et enchaîne petits boulots et petites apparitions. Elle débute au cinéma en 1983, dans le film Liberty Belle de Pascal Kané.

Très vite, elle est repérée par de grands réalisateurs. Certes, les prestations qu’elle livre en 1985 dans Je vous salue Marie de Godard et La vie de famille de Jacques Doillon sont encore anecdotiques, mais elle n’a que 21 ans et du temps devant elle. Un temps dont elle a à peine besoin. Cette même année, Rendez-vous d’André Téchiné la révèle au grand public et à la critique. Dans le rôle de Nina, au centre d’un triangle amoureux presque oppressant, la débutante crève l’écran aux côtés de Lambert Wilson  et conquiert les cœurs. Le monde du 7e art ne s’y trompe pas, en fait l’une des stars du Festival de Cannes, et lui offre une nomination aux césars ainsi que le prix Romy Schneider qui sacre les meilleurs espoirs féminins.

 

Vidéo : Juliette Binoche dans Rendez-vous (André Téchiné, 1985)

 

 

L’irrésistible ascension

La jeune comédienne est déjà la coqueluche des réalisateurs qui multiplient leurs propositions. Juliette souhaite diversifier ses rôles, afin de ne pas s’engager, comme tant de jeunes révélations, dans l’impasse du rôle répétitif. En 1986, elle choisit d’incarner Anna dans Mauvais sang de Leos Carax. Alors qu’elle livre une prestation excellente dans cette histoire de relations éphémères gangrénées par la maladie, l’amour s’en mêle et une autre histoire commence derrière la caméra entre l’actrice et le metteur en scène. Ils se sépareront sur le tournage des Amants du Pont-neuf, cinq ans plus tard. Entre-temps, Juliette a acquis une stature internationale.

 

Vidéo : Juliette Binoche dans Les Amants du Pont Neuf (Leos Carax, 1991)

 

 

La renommée internationale viendra en 1988 lorsqu’elle est engagée pour l’adaptation du chef-d’œuvre de Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être. Bien qu’elle ne parle pas anglais à l’époque, le réalisateur Philip Kaufman lui confie le rôle central de Teresa, dans lequel elle donne la réplique à Jeremy Irons. Les Etats-Unis craquent pour la belle brune, à tel point qu’en 1992, Steven Spielberg lui propose un rôle dans Jurassic park. Elle refuse et préfère tourner Trois couleurs - Bleu (Krzysztof Kieslowski, 1993). L’actrice est bouleversante dans le rôle de Julie, cette femme brisée par la perte de son mari et de sa fille et qui retrouve peu à peu goût à l’amour et à la musique, lui vaut le prix de la meilleure actrice à la Mostra de Venise et le césar de la meilleure actrice en 1994. Hollywood ne reste pas insensible puisqu’elle est nominée aux Golden Globes dans la même catégorie.

 

Vidéo : Bande-annonce de Trois couleurs : bleu (Krzysztof Kieslowski, 1993)

 

 

L’âge de raison

La décennie 1990 se finit comme elle avait commencée : par des nominations et des prix en cascade, ainsi que des interprétations toujours de qualité. Quatre ans après avoir donné naissance à son premier enfant, Raphaël, qu’elle a eu avec André Hallé, elle obtient l’oscar du meilleur second rôle pour Le Patient anglais (Anthony Minghella, 1997), 37 ans après Simone Signoret. Juliette Binoche est une star internationale qui peut se permettre de choisir ses rôles.

Que ce soit dans Le Chocolat (Lasse Hallström, 2001), dans lequel elle envoûte Johnny Depp, un rôle léger pour un conte gourmand de Lasse Hallström ou dans le drame historique La Veuve de Saint-Pierre (Patrice Leconte, 2000), la comédienne s’impose comme la référence des comédiennes françaises à l’étranger et dans l’Hexagone. Et puis, il y a cette romance avec Benoît Magimel, le père de Hannah qui naît en 2000.

 

Vidéo : Juliette Binoche dans Le Patient anglais (Anthony Minghella, 1997)

 

 

Ombres et lumières

SS elle n’a plus rien à prouver, Juliette Binoche se fait discrète. Et parfois moins : en 2002, au début de la seconde Intifada, l’actrice se retrouve l’objet d’une polémique pour ses positions pro-palestiniennes qu’elle défend avec une naïveté assumée. Ses larmes bouleversent la France, mais posent la question de la pertinence de son engagement. Depuis, ses prestations sont un peu moins acclamées. Et les prix, comme les nominations, se font de moins en moins nombreux depuis 2001. Notons tout de même une prestation marquante d’intensité dans Par effraction (Anthony Minghella, 2007), dans lequel elle joue cette mère dépassée qui chamboule la vie de son fils (Jude Law).

La même année, elle joue dans le conte de Hou Hsiao Hsien, Le voyage du ballon rouge, où elle arbore une chevelure blonde. Elle y incarne une mère marionnettiste obsédée par son prochain projet et débordée par son rôle de mère. Alors qu’elle fait appel aux services d’une étudiante en cinéma taïwanaise (nationalité du réalisateur Hou Hsiao Hsien), un ballon rouge commence à suivre son enfant, Simon, dans les rues de Paris. C’est « une femme qui a besoin de l’illusion de la marionnette, du mythe pour pouvoir se projeter et survivre. Dans un désespoir total » précise-t-elle. Pourquoi une perruque blonde (qui déconcerte tant elle change l’image de cette brune sensuelle) ? « Pour prendre une certaine distance avec le personnage […] Une partie de moi-même devait y ressembler un peu trop », confiait-t-elle dans un grand éclat de rire aux journalistes d’Arte.

 

Vidéo : Juliette Binoche dans Le voyage du ballon rouge (Hou Hsiao Hsien, 2008)

 

 

Bien qu’en retrait, Juliette Binoche n’en a pas fini avec l’Amérique. Elle a joué sous la direction de David Cronenberg dans Cosmopolis (2012) et s’apprête à tourner dans son premier blockbuster, Godzilla (Gareth Edwards, 2014). En 2007, elle était à l’affiche d’une comédie romantique américain, Coup de foudre à Rhode Island de Peter Hedges. Dans ce film, l’acteur incarne Marie, une Française qui fait la connaissance de Dan (Steve Carell) dans une librairie. Veuf et père de trois filles, celui-ci n’espère plus pouvoir retrouver l’amour. Et pourtant... Ce personnage s’éprend de la jolie «Frenchie», qui n’est autre que la petite amie de son frère cadet. Les choses se compliquent donc pour les deux protagonistes, prétextes à des situations vaudevillesques ou romantiques comme sait les apprécier la comédienne, que l’on a trop souvent tendance à ranger dans la catégorie «art et essai».

Dans Copie conforme (Abbas Kiarostami, 2010), Juliette Binoche joue une galeriste d’art qui flirte avec un auteur (William Shimmel). Mais le film bascule, laissant découvrir un couple ancien et en pleine crise. Jouant avec les codes traditionnels de l’histoire d’amour, Kiarostami offre deux séquences du duo amoureux: la rencontre et la séparation.

 

Vidéo : In-I avec Akram Khan et Juliette Binoche

 

 

Et en plus elle danse                                                                                                                                                               

En 2007, Juliette Binoche a présenté la scène britannique du National Theatre de Londres un spectacle de danse théâtrale, In-I, qu’elle a co-créé avec le danseur vedette et chorégraphe britannique Akram Khan. Empruntant aux genres les plus divers, comme le mime ou la comédie musicale, In-I est une ode à l’amour, qui relate l’histoire d’une rencontre, mimée, puis d’une vie à deux, dansée. Les dialogues se mêlent aux scènes de danse. Sensibilité et séduction se dégagent de ces mouvements. Pour le décor – minima- liste –, le duo de choc s’est tourné vers le plasticien Anish Kapoor, qui avait déjà collaboré avec Akram Khan pour son spectacle Kaash en 2002.

« Je cherche un nouveau défi à travers ma rencontre avec Akram ». C’est en ces termes que Juliette Binoche a défini sa collaboration avec le chorégraphe londonien d’origine bangladaise. De son côté, ce dernier qualifie cette collaboration comme « l’une des expériences les plus stimulantes de sa vie ». Dans le dossier de présentation de cette production, Juliette Binoche dévoile le message qu’elle entend faire passer à travers son œuvre : « Vivez vos rêves, inventez-vous vous-mêmes, rien à perdre, créez, osez être ! » Une injonction qu’elle a sans doute adoptée et qui peut être à l’origine de ce spectacle. Elle qui n’avait jamais dansé professionnellement s’était alors lancée sur scène, pour un numéro hors du commun..

 

Vidéo : Bande-annonce de Camille Claude 1915 (Bruno Dumont, 2013)

 

 

En vingt-cinq ans de carrière, Juliette Binoche a à son actif plus d’une quarantaine de films, de genres différents. Elle se plaît à mêler dans ses rôles comédie, tragédie et humanité, et s’épanouit dans cette diversité de registres, sans négliger pour autant les films à thème qui se confrontent aux enjeux politiques du moment, comme les crimes de l’apartheid dans In My Country, le sort des réfugiés dans Par effraction ou le conflit israélo-palestinien dans Désengagement (Amos Gitaï, 2008). Poétique, engagée, profonde, Juliette Binoche sait aussi être glamour. Sex-symbol inattendu, Juliette Binoche a été choisie par Lancôme comme égérie du parfum Poême pendant près de dix ans. Sensuelle et sensible, créative et curieuse, secrète et extravertie, grave et espiègle, Juliette Binoche n’a pas fini de nous faire découvrir l’étendue de ses talents.

 

Chronologie

 

9 mars 1964. Naissance à Paris.

1977. Débuts au théâtre dans Le malade imaginaire de Molière.

1983. Première apparition au cinéma dans Liberty Belle (Pascal Kané).

1985. Révélée dans Rendez-vous (André Téchiné). Son interprétation lui vaut de remporter le prix Romy-Schneider.

1988. Premiers pas vers une carrière internationale avec Daniel Day-Lewis, dans L’insoutenable légèreté de l’être (Philip Kaufman).

1994. César de la meilleure actrice pour Trois couleurs : bleu (Kieslowski).

1995. Le hussard sur le toit (Jean-Paul Rappeneau).

1996. Oscar de la meilleure actrice de second rôle pour Le patient anglais (Anthony Minghella).

2000. Le chocolat avec Johnny Depp (Lasse Hallström).

2006. Par effraction (Anthony Minghella).

2008. Paris (Cédric Klapisch).

Sept. 2008. Elle fait aussi ses premiers pas de danse au National Theatre de Londres pour la première mondiale de In-I (Akram Khan).

2010. Copie Conforme (Abbas Kiarostami)

2013. Camille Claudel 1915 (Bruno Dumont)

 

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