Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour DirectMatin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
SAMEDI 1er JUIN
Voici les images d’Ankara, Istanbul, etc. Les révoltes qui secouent les villes turques font surgir des leçons et des vérités quasi éternelles.
Par exemple : dans un «pays d’importance», une puissance économique et militaire d’ordre mondial, et que l’on a baptisé «démocratie», mais qui, depuis dix ans, restreint peu à peu les libertés et impose un pouvoir de plus en plus autoritaire (journalistes muselés – valeurs détournées – perte systématique de la laïcité), il était fatal, sinon attendu, que le geste de trop, une décision excessive et symbolique, déclenche une réaction. Celle de l’amour de la liberté, la tolérance en matière d’expressions et de mœurs.
Erdogan, l’arrogant (insolite : les deux mots riment entre eux) n’a rien vu venir – c’est une des autres leçons : durée inconvenante d’un exercice de pouvoir (dix ans) égale presque toujours contestation. Il ne sert à rien de chercher les comparaisons : «Mai-68 turc» ou autre «printemps», ou autres «indignés», ce sont des clichés et des références trop évidentes.
Or, chaque révolte civique et civile possède sa propre dynamique, sa propre identité. Dernière réflexion : avec la terrible situation en Syrie, ce que l’on appelle la «communauté internationale» a-t-elle intérêt à ce qu’un nouveau foyer d’instabilité perdure en Turquie ? Sans doute pas.
Voilà pourquoi les «grands» affichent une telle prudence vis-à-vis de cet Etat qui aspirait encore hier à entrer dans l’Europe.
DIMANCHE 2 JUIN
Elle rayonne. Elle a l’air de flotter sur un nuage, d’autant qu’elle n’a jamais paru aussi frêle – et pourtant, c’est du fer, cette jeune femme. 58,16 % des voix dans une primaire chaotique, certes, mais tout de même, elle a eu lieu – et voilà NKM devenue «libre» et fière de l’être. Candidate UMP à la mairie de Paris pour 2014. On a entendu quelques perles au cours de ce qui n’est – aux yeux du monde – qu’un mini-événement.
En particulier, cette phrase de J.-F. Copé qui peut lui coller longtemps à la peau, aussi longtemps, peut-être, que des répliques du genre «droit dans mes bottes» (Juppé) ou «vous parlez au Premier ministre de la France» (Fabius). Il y a des mots qui définissent une personnalité (politique ou autre) de façon parfois injuste. Ainsi donc, de Copé : «A l’UMP, nous apprenons la démocratie, c’est assez nouveau.» Bon, passons…
Intéressons-nous plutôt aux femmes qui vont s’affronter : Kosciusko-Morizet et Hidalgo. Tout les sépare : l’allure physique – la brune et la rousse – l’une plus gracile que l’autre – le ton de la voix – la tenue vestimentaire, mais, surtout, leur projet pour Paris et l’idéologie qui les soutient.
On voit aussi ce qui les rassemble : l’ambition, la pugnacité, la certitude que gagner n’est rien d’autre que consister à ne pas perdre. Et qu’il faut y penser chaque minute de chaque jour.
MARDI 4 JUIN
C’est le même phénomène observé chez Tsonga à Roland-Garros : la gagne, la niaque, la volonté, l’indispensable obsession de la victoire. Jusqu’ici, celui qu’on appelle «Jo» ou «le Manceau» ou «le Sarthois», a prouvé qu’entre autres progrès purement tennistiques, il a fait celui d’acquérir et conserver un mental d’acier.
Ce qui me frappait souvent, lorsque je suivais son comportement sur les courts, lorsque les choses tournaient mal, c’était que l’on voyait presque immédiatement poindre la résignation et la mauvaise humeur d’un enfant insatisfait sur ce visage au demeurant sympathique.
Aujourd’hui, jour de sa confrontation décisive face à Ferrer, on lit sur le masque de Tsonga, quelque chose d’autre et qui peut faire la différence : à 28 ans, il n’est plus le champion doué mais boudeur d’hier – il est peut-être, simplement, devenu adulte.