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Municipales: les pionniers de la réforme des rythmes scolaires face aux urnes

Des élèves à l'heure de la sortie [Jean-Philippe Ksiazek / AFP/Archives] Des élèves à l'heure de la sortie [Jean-Philippe Ksiazek / AFP/Archives]

De Torcy, érigée en ville modèle, à Aubervilliers, théâtre de manifestations à la rentrée, les communes qui se sont lancées dès 2013 dans les nouveaux rythmes scolaires affrontent les municipales à l'heure du premier bilan sur cette réforme controversée.

Lundi 14H30, fin des cours à l'école Condorcet d'Aubervilliers. Pendant qu'une quinzaine d'élèves de CE1 entonnent "Fais comme l'oiseau" de Michel Fugain, un autre petit groupe part pour un cours de boxe dans la salle d'un club associatif réputé.

Depuis septembre, cette ville parmi les plus pauvres de Seine-Saint-Denis, qui compte 9.000 enfants et 32 écoles, fait partie des 17% de communes passées à la semaine de quatre jours et demi voulue par le gouvernement. Les autres devront l'adopter en 2014.

A Aubervilliers, le premier trimestre a été rythmé par des professeurs en grève, des écoles fermées, des animateurs mécontents et une mobilisation sans précédent des parents d'élèves, qui se sont rassemblés à plusieurs reprises pour scander, tout en tapant sur des casseroles: "Pas d'école aujourd'hui, les activités sont trop pourries".

Des parents contre la réforme des rythmes scolaires le 4 octobre 2013 à Aubervilliers [Thomas Samson / AFP/Archives]
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Des parents contre la réforme des rythmes scolaires le 4 octobre 2013 à Aubervilliers

"Deux enfants sur trois n'avaient jamais d'autres activités que l'école", se défend le maire socialiste Jacques Salvator, candidat à sa succession en mars. "J'ai entendu des parents se plaindre que leurs enfants faisaient de l'origami et qu'ils pouvaient en faire à la maison, mais ce changement était nécessaire dans notre ville car il réduit les inégalités."

La réforme a déclenché l'ire de l'opposition. "A chaque réunion publique des parents m'en parlent", déclare l'ancien maire Pascal Beaudet, tête de liste PCF-Front de gauche, qui dénonce "un passage en force".

"On a pris un risque", reconnaît de son côté le maire de Torcy, Guillaume Le Lay-Felzine, lui aussi socialiste. "On aurait pu attendre 2014, après les municipales, mais on avait les moyens humains, les locaux, alors pourquoi attendre?"

'La contestation s'est tassée'

Dans cette petite commune de Seine-et-Marne, les 3.000 enfants répartis dans 10 groupes scolaires ont adopté le même rythme qu'à Aubervilliers: des activités périscolaires pendant une heure trente, deux fois par semaine en fin de journée, et classe le mercredi matin.

Fière de sa rentrée "sans encombres" et d'une "très large concertation" en amont, la municipalité a reçu en novembre la visite du ministre de l'Éducation nationale Vincent Peillon, venu vanter sa réforme en pleine tempête médiatique.

Résultat, même le candidat UMP, Meziane Benarab, ne trouve pas grand chose à redire, promettant seulement aux électeurs "quelques ajustements".

"La réforme des rythmes scolaires reste un sujet sensible qui peut desservir la gauche, dans le sens où certains pourraient penser qu'elle est déconnectée des préoccupations quotidiennes", explique à l'AFP Jean-Daniel Lévy, directeur du département opinion chez Harris Interactive. Selon lui, des maires ont pu être "découragés" de la mettre en place à l'approche des élections. "Une réforme de l'éducation touche tout le monde. S'attaquer à l'enfant, c'est s'attaquer à l'avenir de la nation. C'est sensible."

Mais certains signes semblent montrer que la tempête s'est quelque peu calmée.

"Ce n'est pas un enjeu central de ces élections comme on aurait pu le penser fin 2013", analyse ce politologue, "la contestation s'est tassée et les maires ont mis beaucoup d'argent pour que ça marche".

Devant l'école Condorcet, Mouna Hammami reconnaît que ses deux enfants commencent à apprécier la réforme. "Comme pour toute nouvelle chose, au début on avait du mal et on était inquiets. Mais j'ai compris la réforme", ajoute cette mère d'élèves.

Pour Patrick Rayou, professeur en sciences de l'éducation à l'université Paris VIII, cette réforme s'est concentrée sur "un vrai problème", celui de "l'apprentissage de l'enfant hors du temps scolaire". "Les enfants n'ont pas deux cerveaux, le temps scolaire ne doit pas être dissocié du temps périscolaire. Même l'origami est important pour la spatialisation, la géométrie et la patience par exemple", plaide ce spécialiste des inégalités éducatives.

Il regrette néanmoins un "manque de communication" et une certaine "précipitation": "le rythme politique n'est pas le même que celui de l'apprentissage".

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