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Valls et la bataille des chiffres

Manuel Valls le 31 janvier 2014 à Paris [Fred Dufour / AFP] Manuel Valls le 31 janvier 2014 à Paris [Fred Dufour / AFP]

Des chiffres, des chiffres et encore des chiffres. Manuel Valls a beaucoup communiqué dernièrement sur les statistiques de son ministère, contraint par des fuites dans les médias, le contexte, et probablement un peu pour soigner son image, estiment des analystes.

Depuis son arrivée Place Beauvau, il n'a cessé d'affirmer qu'il souhaitait rompre "avec la politique du chiffre" menée, selon lui, sous Nicolas Sarkozy, et qu'il ne fixerait pas d'objectifs chiffrés à ses équipes. "Je ne m'enferme pas dans les chiffres", a-t-il encore redit vendredi.

Pourtant le ministre de l'Intérieur ne cesse de dégainer les pourcentages. D'abord sur la sécurité, puis sur l'immigration, il a été poussé à divulguer des statistiques, par la publication de chiffres officieux dans le quotidien le Figaro qui l'accusait de "laxisme".

Contre-attaquant, il a sorti des courbes pour dénoncer l'action de ses prédécesseurs.

Le 23 janvier, lors de la publication des statistiques sur la délinquance, il regrettait ainsi que "130.000 faits" aient disparu des décomptes chaque année. "Il y a eu des anomalies" et une "pression de tous les instants sur les chefs de service", avait-il ajouté.

Vendredi, lors de sa première conférence de presse sur sa politique migratoire, il a repris les mêmes termes pour épingler les "contre-vérités" formulées par ses prédécesseurs, accusés d'avoir" mis en place une politique du chiffre unique" pour "masquer" un "très mauvais bilan" en matière d'expulsions de sans-papiers.

Et d'annoncer, comme pour la sécurité, la création d'un nouvel outil statistique raccroché au ministère et placé sous le contrôle de l'Insee.

Pour Patrick Weil, historien de l'immigration, "le ministre de l'Intérieur ne dit rien d'autres que des chiffres, car il n'a pas choisi d'avoir une stratégie nouvelle sur les reconduites à la frontières".

Or, note-t-il, "des chiffres en eux-même ne veulent rien dire sur la réalité de l'immigration irrégulière". Par exemple, les expulsions peuvent baisser s'il y a moins de sans-papiers à cause de la crise économique, illustre-t-il.

"Civilisation du chiffre"

Pour Gérard Grunberg, du Cévipof, le phénomène dépasse le ministère de l'Intérieur : "On est dans une civilisation du chiffre, chacun se bat avec des chiffres, comme lors des manifestations avec le bilan des organisateurs et de la police, ou sur le chômage".

"Les chiffres sont vus comme la seule façon objective de se mettre d'accord sur ces sujets", souligne l'analyste.

Manuel Valls n'a rien dit d'autre vendredi : "j'ai uniquement rappelé des chiffres pour que le débat autour de la politique que nous menons soit sur une base honnête sur le plan intellectuel".

Sauf que, comme pour la sécurité, ses statistiques ont donné lieu à des lectures totalement divergentes. Si Manuel Valls a affiché sa "fermeté" en citant une hausse des éloignements "forcés", l'opposition l'a accusé d'"ouvrir les vannes" aux étrangers en diminuant les éloignements "aidés".

Produire des chiffres peut aussi être un moyen pour Manuel Valls, qui jouit d'une image "d'homme compétent", de "montrer son expertise sur ces questions, quand bien-même les résultats ne sont pas très bons", ajoute Frédéric Dabi de l'Ifop.

Selon lui, il y a un "grand scepticisme dans l'opinion sur les chiffres" et "donner une analyse sans concession avec un bilan en clair obscur peut être perçu comme plus honnête" qu'une évaluation globale.

A plus long terme, énoncer des chiffres permet au ministre de montrer qu'il reste attentif aux résultats, avancent des sources syndicales.

"Il n'y a pas vraiment de changement par rapport à l'ère Sarkozy. Il existe toujours une pression directe sur les résultats, encore plus en ce moment parce qu'ils ne sont pas bons notamment sur les cambriolages", confie un responsable syndical policier sous couvert d'anonymat.

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