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François Hollande et l'art des symboles

François Hollande, le soir de sa victoire, à Tulle. François Hollande, le soir de sa victoire, à Tulle. [FRED DUFOUR / AFP]

Depuis l'annonce de sa victoire François Hollande se révèle particulièrement attentif à la symbolique. Les premiers pas de Nicolas Sarkozy en 2007, tant commentés, sont restés dans sa mémoire. Il sait que les conditions de la prise de fonctions sont déterminantes pour "lancer" un mandat.

Il y a fort à parier que François Hollande s'est inquiété bien avant le 6 mai des symboles qu'il aurait à manier dans l'exercice de ses fonctions de Président de la République. Une fois élu, il a acquis la conviction qu'il lui fallait prendre le contre-pied de son prédécesseur et rassurer les Français sur sa "normalité" régulièrement proclamée.

Commençons par l'attente des résultats. Le 6 mai 2012, c'est dans son bureau du Conseil général de Corrèze, département qu'il préside, qu'il apprend la confirmation de son élection. Une posture qui manifestait son ancrage en région... au contraire de Nicolas Sarkozy, élu francilien qui en 2007 avait attendu les résultats depuis son QG de campagne de la rue d'Enghien à Paris. En 1981, l'affiche de campagne de François Mitterrand, conçue par Jacques Séguéla, ne valorisait-elle pas la ruralité avec ses champs et son clocher ? Et François Mitterrand lui-même n'avait-il pas attendu les résultats depuis son fief nivernais de Château-Chinon ? Plus de trente années après, la ruralité et les racines provinciales continuent de parler au coeur des Français.

Vient ensuite la première apparition publique. C'est dans son fief électoral de Tulle que François Hollande prononce ses premiers mots de président élu. Sur une scène montée place de la Cathédrale dans un beau décor de carte postale nocturne, il s'adresse à la jeunesse et remercie les corréziens de leur confiance. Au risque d'extrapoler, le choix d'une cathédrale  comme arrière-plan à ce premier discours est-il vraiment anodin ? Les commentateurs ne manquèrent pas de rappeler qu'elle fut rénovée grâce à François Hollande qui débloqua le budget ad hoc aux conseil général. N'était-ce pas aussi une façon de s'inscrire dans une continuité historique séculaire et de donner un signal à l'électorat de droite, tout en tenant un discours très républicain. Cinq ans plus tôt, Nicolas Sarkozy avait prononcé un discours offensif place Gaveau, dans le 8earrondissement de Paris, à quelques dizaines de mètres du siège de l'UMP devant des militants triés sur le volet. Un choix très différent, à nouveau.

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Le soir de son élection, c'est dans une Renault Scenic que François Hollande s'engouffre pour rejoindre l'aéroport de Brive-la-Gaillarde. Le choix de se déplacer dans ce monospace milieu de gamme et diesel, bien connu des classes moyennes et des familles nombreuses n'a sans doute rien d'un hasard. Surtout s'il faut la comparer à la puissante Renault Vel Satis utilisée par Nicolas Sarkozy au soir du 6 mai 2007 pour faire le trajet entre la salle Gaveau et le Fouquet's. Néanmoins, la mobilisation d'une flottille aéronautique (deux Falcon et un Beechcraft 1900) pour ramener François Hollande à Paris a singulièrement tempéré le symbole de la Scenic. Et le choix annoncé mercredi de la Citroën DS5 Hybride, pour son investiture, ne manquera pas de relancer la controverse puisque ce modèle est l'un des plus chers de la gamme. Mais le choix de Citroën est aussi un choix de tradition puisque cette marque automobile a très souvent recueilli la faveur des présidents de la République. La DS originelle n'est-elle pas durablement associée à la figure du général de Gaulle ?

Même les fêtes populaires à l'issue du second tour n'avaient pas la même saveur en 2007 et 2012 et réflétaient deux France différentes. Nicolas Sarkozy était apparu en 2007 place de la Concorde avec son épouse Cécilia, manifestement distante, au milieu d'un concert improvisé où une Mireille Mathieu entonnant la Marseillaise avait succédé à Faudel et Enrico Macias. Pour François Hollande, la fête de dimanche était quasi-millimétrée. Place de la Bastille, lieu symbolique de la gauche en France, l'attente de François Hollande qui rentre de Corrèze est meublée par les populaires Yannick Noah et Axel Bauer entre autres. Entre chaque morceau des leaders socialistes se succèdent pour haranguer la foule et deux speakers entretiennent la flamme. Les accordéons qui ont conclu son discours de Tulle semblent déjà bien lointains.

Il n'y a guère que la dimension familiale qui pourrait réunir les deux présidents successifs sur le plan des symboles. En effet, au soir du 6 mai 2007, on découvre une famille réfletant une nouvelle réalité sociologique. Les deux fils de Nicolas Sarkozy, les deux filles de son épouse Cécilia, et Louis, leur enfant commun, sont là pour l'entourer. A l'époque, les gazettes s'étaient déjà interrogées sur les conséquences protocolaires de cette configuration inédite. Le 6 mai 2012, les Français découvrent une autre famille, complexe à nouveau. Le nouveau président de la République s'affiche avec sa compagne Valérie Trierweiller. Le couple, quand on évoque la perspective d'un mariage, ne semble pas spécialement pressé de convoler, comme de nombreux couples français. Ce soir là, les Français découvrent aussi Thomas Hollande, l'aîné des quatre enfants que Ségolène Royal a donnés au nouveau président. Filmé pendant la soirée électorale par une équipe de France 2, en direct, cet avocat de 27 ans s'est mis à commenter les résultats devant des élus chevronnés. Une "intimisation" de la fonction présidentielle que François Hollande a toujours déclaré vouloir éviter.

En se rendant mercredi soir au Grand Palais pour le vernissage de l'exposition de Daniel Buren, François Hollande continue - à pas mesurés - à manipuler les symboles. L'artiste contemporain, qui incarne à lui seul la politique culturelle impulsée par Jack Lang sous Mitterrand (les fameuses "colonnes" du Palais Royal lui furent commandées en 1985) ne représente pas un choix anodin pour le nouveau locataire de l'Elysée qui veut incarner ainsi, à la fois modernité et continuité. Un équilibre toujours difficile à préserver

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