Neil Portnow, le président de la «Recording Academy» en charge des Grammy Awards, s'est exprimé sur la polémique autour de l'édition de 2017.
Après #OscarsSoWhite, beaucoup ont voulu dénoncer le manque de diversité du palmarès des Grammy Awards. Le problème est toujours le même, qu'il s'agisse de cinéma ou de musique : des artistes noirs produisent du contenu de qualité et ne sont pas récompensés, quand d'autres artistes, blancs, le sont (et parfois plusieurs fois).
La goutte d'eau fut la victoire d'Adele dans la catégorie «Album de l'année», où figurait Beyoncé et son dernier opus, «Lemonade». Adele avait déjà raflé la mise avec son précédent album, «21», alors que Beyoncé a souvent été mise de côté, et ce malgré son influence indéniable sur la culture américaine, noire, et musicale.
Taylor Swift a gagné face à I Am... Sasha Fierce
Beck face à Self Titled
Adele face à Lemonade
on se fout de la gueule de qui— Pierre d'Almeida (@piekhe) February 13, 2017
«Il n'y a pas de problème de racisme, pas du tout»
Dans une interview donnée au média musical Pitchfork, Neil Portnow a nié toutes les accusations de racisme. «Non, il n'y a pas de problème de racisme, pas du tout» a-t-il commencé. «Quand on parle des Grammy Awards, il ne s'agit pas d'une société - il s'agit des quatorze mille membres de l'Académie (...), ils sont les experts et les professionnels du plus haut niveau de cette industrie».
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Il a même avoué ne pas vraiment faire attention «au genre, à la race ou à l'ethinicité» quand il écoutait un album. Neil Portnow a également insisté sur l'importance de «la musique» et non pas «des ventes, de la communication et de la popularité» lorsqu'on juge une oeuvre.
Un avis pas partagé par tout le monde
Ces explications ne serviront probablement pas à calmer la polémique, puisque beaucoup d'internautes ont tenu à relever et dénoncer le racisme dont faisait preuve l'Académie.
Talk to any black woman and they could tell you all the little and big times a version of this has happened in their work & personal lives
— Alanna Bennett (@AlannaBennett) February 13, 2017
«De temps en temps, il y a des moments qui prouvent à nouveau que vous pouvez littéralement être la femme noire la plus exceptionnelle du monde et... non, toujours pas. Parlez à n'importe quelle femme noire et elles vous raconteront toutes les fois, petites ou grosses, où une version de ce qui est arrivé (à Beyoncé, ndlr) est arrivée dans leur vie professionnelle et personnelle».
Don't think 25 is better than Lemonade. Yes, 25 did better in the charts but Lemonade had a greater cultural impact.
— Senbonzakura (@UncleTimi) February 13, 2017
«Ne pensez pas que '25' est meilleur que 'Lemonade'. Oui, '25' a fait de meilleures ventes, mais 'Lemonade' a eu un impact culturel beaucoup plus conséquent»
Et ça montre aussi que même Beyoncé Giselle Knowles, même elle... bah non. Peu de reconnaissance pour tout son taf. Comme pour nous toutes.
— Christelle (@CMurhula) February 13, 2017
Pourquoi Beyoncé méritait le prix de l'Album de l'année aux #GRAMMYs #analyseMG https://t.co/1LTu7dgXNl pic.twitter.com/RONkz21lRB
— Morgane Giuliani (@morganegln) February 13, 2017
D'autres ont également dénoncé que le dernier artiste noir à avoir gagné l'Album de l'année était Herbie Hancock en 2008, mais que la dernière femme noire à l'avoir remporté était Lauryn Hill... en 1999, soit il y a 18 ans. Beyoncé, elle, est la femme la plus nommée de tous les temps aux Grammy Awards, avec soixante deux nominations. Malgré cela, elle n'a remporté qu'une fois un Grammy Awards dans une catégorie qui n'était pas affilié à un genre spécifique.
D'autres ont également voulu pointer du doigt l'absence de Rihanna au palmarès, elle qui avait pourtant sorti un album en 2016, ANTI, considérée par la critique comme son meilleur.
Du racisme dans les catégories
Mais le problème des Grammy Awards n'est pas qu'ils ne récompensent aucun artiste de couleur, car cela est faux. C'est la construction même de la cérémonie qui séparent les artistes. La catégorie «Urban Contemporary» en est l'exemple parfait : ce terme, qui ne veut pas dire grand chose, permet d'ajouter un peu de diversité dans cette cérémonie, mais empêche les artistes nommés dans cette catégorie de remporter les prix les plus prisés (Albums de l'année, chanson de l'année, etc). Séparés mais égaux ?
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Ainsi, «Lemonade» a bel et bien gagné le prix du «Meilleur album urbain contemporain». Mais pour un album qui mélange pop, hip-pop, R&B, rock et même country, un tel prix fait pâle figure face au travail mis en oeuvre par Beyoncé et ses équipes. Le chanteur Sufjan Stevens avait partagé un post sur son Tumblr, qui singeait une conversation : «Mais que veut dire 'contemporain urbain' ? - C'est là où l'homme blanc met l'incomparable femme noire car il est menacé par son talent, son pouvoir, sa persuasion et son potentiel».
Il se pourrait donc que, tout comme Frank Ocean et Kanye West cette année, d'autres artistes décident de boycotter les Grammy Awards lors de l'édition 2018.