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La semaine de Philippe Labro : Les yeux bleus de Frank, la voix d’or de Sinatra

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste.[THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre. 

LUNDI 7 DÉCEMBRE

C’était un homme aux yeux bleus qui possédait une voix d’exception. On le surnomma «The Voice» ou «Ol’Blue Eyes». Il s’appelait Frank Sinatra – ou plutôt Francis Albert Sinatra – né de parents italiens à Hoboken, dans le New Jersey, aux Etats-Unis. A la fin de cette semaine, le samedi 12 décembre, il y aura cent ans qu’il naissait, avec un tympan perforé et une cicatrice au visage. On va entendre à nouveau ses innombrables tubes. Toute la presse va en parler, toutes les télés. Sinatra a vendu – et continue de vendre – plus de 100 millions de disques. Seuls Elvis Presley, Michael Jackson et les Beatles sont parvenus à approcher un succès aussi considérable, sa durée, la qualité d’un tel immense répertoire. France Musique, de 9h à minuit, va proposer chansons, témoignages ou concerts. Sur RTL, Georges Lang va y aller de sa «Sinatrite». Et l’on diffusera, sur toutes les ondes, My Way, Strangers in the Night, New York, New York, tant d’autres titres encore, interprétés aussi par des crooners comme Perry Como, Dean Martin, Bing Crosby et Tony Bennett. «Crooner», à l’origine, signifie fredonner – avec un certain genre de voix : romantique, souplesse, charme, facilité d’élocution, sonorité agréable à l’oreille, qui donne une sensation de facilité, mais chacun sait que ce qui paraît facile n’est jamais que le résultat de persévérance dans l’effort.

Sinatra, même s’il était doué dès son plus jeune âge, ne serait jamais devenu la première «idole», au milieu du XXe siècle, s’il n’avait pas passé jours et nuits à peaufiner son timbre, travailler ce qu’il avait compris, très tôt, au sein du grand orchestre de Tommy Dorsey, selon quoi une voix, c’est comme un saxophone, une trompette, ça se dompte, se corrige, s’amplifie. Et plus vous savez jouer du micro, plus vous obtenez ce son particulier, celui du «slow» qu’on danse de la Californie, au bord du Pacifique, jusqu’au Balajo, au cœur de Paris.

Il n’était pas seulement cette voix de velours, soyeuse et limpide. Il avait su, aussi, épouser le rythme du jazz, œuvrant avec les plus grands (Count Basie, Duke Ellington) pour ne faire qu’un avec les orchestres. Et il ne serait pas devenu cette légende du XXe siècle, s’il n’avait pas vécu une vie folle, faite de mariages spectaculaires et d’amours contrariées : Ava Gardner, Mia Farrow, et combien d’autres stars féminines d’Hollywood ? Le petit homme au chapeau vissé sur la tête, toujours sapé comme un prince du jeu et de la nuit, a connu et aimé les plus belles et les plus glamours : Lana Turner, Lauren Bacall, entre autres. Il y a aussi, certains diront surtout, la forte odeur de soufre autour de ses relations avec la mafia, les valises de dollars transportées pour les parrains, les commissions d’enquêtes sénatoriales sur le crime organisé, les putains qu’il contribue à mettre dans le lit d’un président (Kennedy, bien sûr !), les procès truqués et les procédés brutaux.

Enfin, il fut un acteur de cinéma d’une vérité et d’une intensité remarquables. Depuis Tant qu’il y aura des hommes jusqu’à L’homme au bras d’or, en passant par des vingtaines de comédies ou de polars, Sinatra avait réussi à totalement faire oublier le chanteur pour qu’on ne retienne que l’acteur. Complet. Fascinant. Crédible. Un grand voyou doublé d’un grand talent. Détesté et admiré. Ecoutez donc les radios, le 12 décembre. Vous comprendrez mieux, peut-être, mon engouement pour l’homme aux yeux bleus et à la voix d’or.

Philippe Labro

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