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Italie : «Giorgia Meloni a totalement raté sa promesse faite lors de sa campagne», estime ce spécialiste de la politique italienne

Un an après son arrivée au pouvoir, Giorgia Meloni tente toujours de rassurer les chancelleries occidentales sur son pragmatisme. [Kacper Pempel/File Photo/Reuters]

Il y a tout juste un an, jour pour jour, Giorgia Meloni a pris ses fonctions à la tête du gouvernement italien. Un an plus tard, le bilan est mitigé. Fabien Gibault, spécialiste de la politique italienne, revient en détail pour CNEWS sur la gestion de l’immigration par la leader du parti Fratelli d’Italia et ses relations avec la France et l’Union européenne.

Après avoir remporté les élections législatives de septembre 2022, Giorgia Meloni a attendu un mois avant de prendre la tête du gouvernement italien le 22 octobre. Un an après, la présidente du Conseil des ministres italien tente toujours de rassurer les chancelleries occidentales sur son «pragmatisme» avec un objectif unique : «relever l’Italie», comme elle le dit. 

Mais au bout d’un an au pouvoir, les espoirs de changements spectaculaires ont été confrontés à la réalité du terrain, poussant Giorgia Meloni à afficher un bilan en demi-teinte. Décryptage par Fabien Gibault, spécialiste de la politique italienne et enseignant à l’Université de Bologne.

Que peut-on retenir de la première année de Giorgia Meloni à la tête du gouvernement italien ?

On peut déjà retenir que l’écart entre le programme électoral et son application est abyssal. Entre ce qui a été proposé et ce qui a été fait, il n’y a presque rien à voir et cela est assez incroyable.

La présidente du Conseil des ministres italien a été élue pour son projet anti-immigration. En 2022, environ 450.000 titres de séjour ont été délivrés. Aujourd’hui, l’île de Lampedusa est submergée par les migrants venus d’Afrique. Peut-on dire que Giorgia Meloni a raté son défi ?

Giorgia Meloni a totalement raté cette promesse qui était centrale dans sa campagne électorale. Il s’agissait en effet de limiter voire d’interdire l’arrivée des migrants. Elle parlait de blocage naval. Elle a complètement raté cet aspect-là. Cependant, cela est assez logique puisque, physiquement, c’est impossible de contrôler la Méditerranée. C’est bien trop grand. De plus, l’Italie n’a pas les moyens militaires pour le réaliser. Elle n’arrive déjà pas à sauver les gens en mer.

Le deuxième aspect auquel Giorgia Meloni n’avait pas pensé est tout simplement : ses alliés. En effet, pour eux, et notamment la droite plus libérale et plus modérée, l’arrivée des migrants est essentielle puisqu’il faut des personnes pour travailler dans le tourisme et dans l’agriculture.

Pour la droite libérale et plus modérée italienne, l'arrivée des migrants et essentielleFabien Gibault, spécialiste de la politique italienne

Ainsi, alors que la présidente du Conseil des ministres italien pensait avoir des alliés, les régions comme la Vénétie ou encore la Lombardie, demandent plus de migrants. Résultat : il y a eu des cas où des migrants de Tunisie, par exemple, sont arrivés de manière totalement légale parce qu’il n’y avait personne pour travailler.

Pour résumer, le blocage naval impossible, le besoin de main-d’œuvre en Italie et certaines normes européennes qui incitent le pays à sauver les gens et les accueillir font que Giorgia Meloni n’a aucune possibilité d’appliquer son programme qui était, de toute façon, utopique à ce niveau-là.

Peut-on parler d’amélioration des relations franco-italiennes depuis l’arrivée au pouvoir de Fratelli d’Italia, et en l’occurrence de Giorgia Meloni ?

Il y a plusieurs aspects à avoir sur les rapports franco-italiens. Il y a deux sons de cloche en Italie par rapport à l’entente franco-italienne. Il y a d'abord ce qui est dit par Giorgia Meloni et son gouvernement en Italie. Concrètement, ce qu’elle va dire dans son pays est assez critique de la France car, pour sa survie politique, elle a besoin de créer des ennemis.

Giorgia Meloni a besoin de créer un agresseur de manière à justifier sa défense ainsi que certaines impossibilités. Cela vise à dire que ce sont Bruxelles et la France qui l’obligent à appliquer telle ou telle loi. Cela fait partie d’une communication interne en Italie.

Puis, il y a la réalité des faits. La France est le deuxième partenaire commercial de l’Italie. D’un point de vue économique et industriel, ce sont deux pays qui fonctionnent très bien ensemble et qui sont complémentaires.

Comme pour l’Union européenne, avec Ursula von der Leyen, et pour la France, avec Emmanuel Macron, Giorgia Meloni a des rapports plutôt bons finalement. Mais elle ne peut pas trop le montrer parce que son électorat a voté pour s'opposer aux instances européennes et à la France. 

L'électorat de Giorgia Meloni a voté pour s'opposer aux instances européennes et à la FranceFabien Gibault, spécialiste de la politique italienne

On peut dire qu’elle se fait discrète sur ce point dans les médias italiens par rapport à son électorat, mais dans la réalité des faits, le binôme franco-italien fonctionne beaucoup mieux.

Et qu’en est-il de la sécurité intérieure en Italie ?

En général, l’Italie est un pays très sûr, beaucoup plus que la France. Au-delà de sa culture, ce n’est pas un pays qui a une énorme agressivité. C’est un pays qui a connu la violence, mais qui la refoule toujours. À chaque fois qu’il y a une agression ou un attentat en Italie, c’est un drame national réellement ressenti parce que la population a aussi connu une période de terrorisme.

Il n’y a pas ce sentiment d’insécurité particulièrement en Italie. Et quand ce sentiment est présent, Rome prend des mesures. On l’a vu dernièrement avec la Slovénie. L’Italie a renforcé sa frontière avec ce pays dans la crainte de l'arrivée de terroristes.

Côté économie, l’Italie reste quand même l’un des pays les plus endettés de l’Union européenne. Qu’a changé l’arrivée de Giorgia Meloni au pouvoir ?

Après une année, cela n’a plutôt rien changé. C’est assez incroyable puisque l’on s’attendait à un grand changement et finalement il n’y en a eu que très peu. Si l’on regarde les politiques économiques, elles sont restées dans la lignée du prédécesseur de Giorgia Meloni, Mario Draghi.

Le ministre actuel de l’Économie italien, Giancarlo Giorgetti, est dans la tranche de la droite libérale et milanaise de la globalisation. Ce n’est pas quelqu’un qui va dans le sens d’un repli sur soi ou d’un souverainisme.

L'arrivée de Giorgia Meloni était une révolution politiqueFabien Gibault, spécialiste de la politique italienne

Foncièrement, les premiers mois étaient synonymes de craintes de la part des investisseurs. L’arrivée de Giorgia Meloni était une révolution politique. Finalement, après un an, tout est comme avant. Il n’y a eu aucun réel changement politique.

Cependant, il y a eu un effritement de la confiance qu’il peut y avoir autour de Giorgia Meloni. Cette dernière avait obtenu des prêts européens au début, mais actuellement, elle commence à adopter une nouvelle ligne économique interne, qui ne va pas satisfaire les investisseurs.

Il faut également savoir que son électorat est formé de petits entrepreneurs qui, en grande partie, sont avides de l’évasion fiscale. Elle doit donc trouver des manières de les soulager fiscalement. Cela pourrait impacter la possibilité de rembourser les frais.  

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