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Législatives portugaises anticipées : «la clarification politique espérée est incertaine», analyse Yves Léonard

Faute d'accord sur le budget, le président Marcelo Rebelo de Sousa avait décidé ces législatives anticipées. [Photo d'illustration / PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP].

Un scrutin observé au Portugal, mais aussi au sein des différentes communautés portugaises éparpillées dans le monde. Ce dimanche 30 janvier, les électeurs portugais sont appelés aux urnes pour des élections législatives anticipées décisives. Yves Léonard, enseignant-chercheur et spécialiste du Portugal contemporain, décrypte pour CNEWS la situation.

En octobre dernier, la nouvelle avait résonné comme un coup de tonnerre au sein de l'opinion et parmi la classe politique portugaises

Pour la première fois depuis l’avènement de la démocratie en 1974, le parlement du pays n’avait pas approuvé le projet de loi de finances 2022, déclenchant une crise politique.

Dans ce contexte, le président Marcelo Rebelo de Sousa, «indépendant» mais historiquement de centre-droit, avait décidé de dissoudre l'Assemblée nationale, enterrant, de fait, la «geringonça», le «bidule», cette coalition insolite de partis de gauche, portée par le Premier ministre socialiste Antonio Costa.

Quels sont les principaux enjeux de ces législatives anticipées ?

L’enjeu qui tend à devenir le plus important est un enjeu de gouvernance. Dès ce dimanche soir, pour l’annonce des résultats, et sans doute encore dès demain matin, le défi sera de lire entre les lignes dans la mesure où le Parti socialiste (PS) et le PSD (Centre-droit) sont donnés au coude-à-coude dans les sondages.

Si personne n’a de majorité claire, la question sera donc de savoir quels types d’alliance pourraient se faire et, si elles se feront, à moyen ou long terme, au détriment des enjeux de fond, de vision, de la place que les dirigeants entendent donner au Portugal. En résumé on est donc à ce stade davantage sur des enjeux de tactique politique que sur des enjeux véritablement stratégiques de projet contre projet.

Que disent justement les derniers sondages ?

Les deux partis phares sont désormais crédités d’intentions de vote extrêmement serrées. Il y a encore quinze jours, selon les divers instituts de sondage, le Parti socialiste était à 38% et le PSD autour de 30%. Or, cette semaine, certains instituts les donnaient tous deux à 34%. Mercredi, une enquête donnait même le PSD à 35,5% et le PS un point derrière.

Le jeu est finalement devenu assez complexe avec, ajouté à cela, derrière ces deux gros partis, une multitude de formations qui, même si elles sont données en-dessous de 10%, peuvent pour certaines d’entre elles, prétendre atteindre la troisième place comme le parti d’extrême-droite «Chega» (Ca suffit, en français, ndlr).

Pour rappel, le président Marcelo Rebelo de Sousa voulait, en convoquant ces législatives anticipées, une clarification de la situation politique, mais, en l’état actuel des choses, celle-ci est plus qu’incertaine et on est en droit de se demander si elle va réellement se faire.

D’après vous, des accords entre le PS et leurs anciens alliés du bloc de gauche seraient-ils à l’avenir envisageables ou l’union est-elle définitivement morte et enterrée ?

Je crois qu’en politique, comme dans beaucoup de domaines, il ne faut jamais dire jamais. Il y a eu des tensions extrêmement vives ces dernières années, et surtout ces derniers mois, avec l’affaire du budget. Il y a encore eu récemment des attaques assez directes du bloco de esquerda contre le PS et contre le Premier ministre Antonio Costa.

Reste que face à cette situation de coude-à-coude entre le PS et le PSD, Catarina Martins, la dirigeante du bloc de gauche a laissé entendre en début de semaine que toutes les portes n’étaient pas fermées. Et devant le risque, qui existe, pour la gauche d’une union des droites à la portugaise tout peut arriver.

Concernant le parti de droite dure Chega, qui a aujourd’hui un seul député, son leader André Ventura, à quoi peut-on s’attendre ?

Au sujet de Chega, les sondages tablent entre 6% et 7% d’intentions de vote. Et avec la proportionnelle sur les différentes circonscriptions, les estimations tournent autour d’une dizaine, voire d’une douzaine de députés. Ce qui, évidemment, lui donnerait une caisse de résonnance bien plus grande qu’actuellement. Cela non seulement au niveau politique dans le jeu des alliances, mais aussi médiatiquement. Reste que la marge d’erreur des sondages est un élément à ne pas négliger et cette interprétation qui est faite des sondages est peut-être aussi une façon de ne pas démobiliser les électeurs.

Justement, pensez-vous que la participation sera au rendez-vous ?

On peut rationnellement estimer que la participation sera en baisse. Pour plusieurs raisons mais surtout parce que c’est une baisse tendancielle, qui dure depuis plusieurs années, donc on ne voit pas ce qui pourrait l’endiguer, sauf danger ou alerte sur un électorat à même de se remobiliser, notamment le PS qui pouvait penser que l’élection était jouée d’avance.

Un autre élément, conjoncturel celui-ci, est la pandémie de Covid-19. Pour ce dimanche, jour de scrutin, on estime de 400.000 à 500.000 le nombre de personnes positives donc dans l’incapacité de se déplacer, même si un système de vote par anticipation, avec 285.000 inscrits et fort d’un taux de participation de plus de 90% a été mis en place.

La France compte une importante communauté portugaise. Au sein de celle-ci, des voix se sont élevées pour déplorer le fait de ne pas avoir été assez impliquées ou renseignées sur cette élection. Pensez-vous qu’il y a eu un «oubli» de la part de Lisbonne vis-à-vis de sa diaspora ?

Je ne suis pas lusodescendant, donc je ne suis pas d’origine portugaise, mais il est clair que les modalités du vote posent un problème sur l’expression des Portugais de l’étranger. Quatre sièges, dont deux pour l’Europe, sont seulement attribués pour un collège électoral hors des frontières qui représente 1,5 million d’inscrits.

La participation qui en a découlée la dernière fois était ici d’à peine 10%. On a là une asymétrie qui pose question à terme d’une sous-représentation des Portugais établis hors du Portugal. D’ailleurs, et si comme le laissent à penser les sondages le vote est au coude-à-coude, il est possible que, ce soir, il faille finalement attendre le résultat, toujours tardif, de ces 4 députés de l’étranger qui en plus d'être décisif pourrait mettre la lumière sur ce problème de représentation.

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