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Tout savoir sur Frances Haugen, la lanceuse d’alerte de Facebook auditionnée à l’Assemblée ce mercredi

Frances Haugen a déjà été auditionnée par le Congrès américain, mais aussi par les parlements britannique et européen. [JOHN THYS / AFP]

Dans les bureaux de Facebook, en Californie, son nom est connu de tous. Frances Haugen, 37 ans, était une employée du groupe de Mark Zuckerberg jusqu'en mai dernier. Depuis qu'elle l'a quitté, elle s'emploie a dénoncer les travers du réseau social, document internes à l'appui. Ce mercredi 10 novembre, elle doit être auditionnée à l'Assemblée nationale.

Frances Haugen est ce que l'on appelle une lanceuse d'alerte. Elle affirme que Facebook est conscient de la nocivité que peut avoir sa plate-forme mais privilégie toujours le profit plutôt que la sécurité de ses usagers. L'Américaine a d'abord fait publier une partie des documents internes récoltés avant son départ de Facebook dans le Wall Street Journal, à la mi-septembre. Elle a ensuite été entendue par le Congrès américain, mais aussi par les parlements britannique et européen.

Un parcours brillant

Diplômée de la prestigieuse université de Harvard, cette ingénieure de formation se définit comme une spécialiste des algorithmes. Avant d'être embauchée par Facebook, elle a travaillé pour Google, pour l'application de rencontres Hinge, le site de recommandations de commerce Yelp et le réseau Pinterest.

Née dans l'Iowa, de parents professeurs, Frances Haugen explique sur son site avoir, toute son enfance, participé aux primaires de l'élection présidentielle américaine. Une expérience qui lui a «instillé un fort sentiment de fierté pour la démocratie et l'importance de la participation civique».

Plus tard, l'Américaine a vu l'un de ses proches amis, qu'elle considérait comme son petit frère, se «radicaliser» sur internet, sombrant dans le complotisme. Un événement qui, des années après, lui a donné envie d'utiliser ses compétences pour lutter contre la désinformation dans le cadre de son travail.

Ses accusations envers Facebook

Frances Haugen a rejoint le groupe de Mark Zuckerberg en 2019 et y a travaillé pendant deux ans, en tant qu'ingénieure chef de produit. Elle avait intégré, à sa demande, le département «intégrité civique» qui s'intéressait aux risques que pouvaient poser certains utilisateurs ou certains contenus pour le bon déroulement d'élections. Ce travail avait notamment conduit Facebook à modifier ses algorithmes pour réduire la diffusion de fausses informations avant le scrutin présidentiel américain de novembre 2020.

Mais, selon la lanceuse d'alerte, ces mêmes algorithmes ont été ramenés à leur configuration originelle «dès que l'élection a été terminée, pour donner la priorité à la croissance plutôt qu'à la sûreté». Pour Frances Haugen, ce retour à l'ancienne configuration est directement lié à la mobilisation de nombreux utilisateurs de Facebook qui a mené à l'invasion du Capitole, le 6 janvier 2021.

C'est à ce moment là que l'ingénieure dit avoir commencé à mettre en doute la volonté du groupe d'allouer les moyens nécessaires à la protection des utilisateurs. Elle affirme par exemple que les contenus haineux sont mis en avant sur Facebook car ils sont ceux qui retiennent le plus l'attention. Or, pour gagner de l'argent grâce aux publicités, le réseau social a tout intérêt à faire en sorte que ses membres restent sur la plate-forme le plus longtemps possible.

Pour les plus jeunes, cela peut mener jusqu'à l'addiction et à un profond mal-être, assure Frances Haugen. L'enquête publiée par le Wall Street Journal en septembre dévoile certains des documents internes de Facebook à ce sujet. Ces «Facebook papers» ont été collectés par la trentenaire avant son départ et montrent que l'entreprise mène des recherches depuis trois ans pour déterminer les effets de ses réseaux sociaux sur les adolescents. Des travaux qui ont révélé que 32% des jeunes filles considèrent qu'Instagram a aggravé l'image négative qu'elles avaient déjà de leur corps.

LA «responsabilité» de Mark Zuckerberg 

Si elle pense que le co-fondateur et PDG de Facebook n'a jamais cherché à faire du réseau social une plate-forme haineuse, Frances Haugen estime néanmoins qu'il «a permis que des choix soient faits», favorisant la diffusion de contenus haineux. Faisant référence à ses précédentes expériences professionnelles, l'ingénieure a indiqué : «la situation chez Facebook était sensiblement pire que tout ce que j'avais pu voir avant».

«Il n'y a pas d'entreprise aussi puissante qui soit contrôlée de manière aussi unilatérale, a-t-elle poursuivi devant le Congrès américain, le 5 octobre dernier. Donc au final la responsabilité revient à Mark. Il ne rend de comptes à personne et Mark Zuckerberg est, dans les faits, le concepteur en chef des algorithmes». Le principal concerné s'est longuement défendu sur sa page Facebook après l'audition de Frances Haugen. «Au coeur de ces accusations réside l'idée que nous privilégions les profits plutôt que la sécurité et le bien-être. Ce n'est tout simplement pas vrai», a notamment écrit Mark Zuckerberg, avant de souligner les initiatives de son groupe pour lutter contre la haine en ligne.

Son combat pour transformer les réseaux sociaux

Lorsqu'elle a définitivement quitté son poste au sein de Facebook, le 17 mai dernier, Frances Haugen a laissé un dernier message, tapé sur le clavier de son ordinateur : «Je ne déteste pas Facebook. J'aime Facebook, je veux sauver» le groupe. Elle ne prône pas la fin des réseaux sociaux mais souhaite montrer qu'ils peuvent être aussi dangereux que bienfaisants et doivent donc être encadrés.

Sur son compte Twitter, elle se présente comme une «militante pour la surveillance publique des réseaux sociaux» et exhorte ses abonnés à l'aider à créer des plate-formes «qui font ressortir le meilleur de nous-mêmes». Pour ce faire, la lanceuse d'alerte préconise d'imposer à Facebook davantage de transparence et de partage d'information, avec l'aide d'un nouveau régulateur dédié aux géants d'internet, à même d'appréhender la complexité de ces plateformes.

Frances Haugen a directement demandé au gouvernement américain d'intervenir et se déplace depuis partout dans le monde pour faire entendre son message d'alerte. Ce mercredi elle sera donc en France, à l'Assemblée nationale, auditionnée par les députés des commissions des Lois et ceux des Affaires économiques, dont dépendent les questions liées au numérique. Ils doivent, dans la foulée, se pencher sur une proposition de loi consacrée à la protection des lanceurs d'alerte.

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