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Seul sur un bateau abandonné pendant 4 ans, un marin syrien a enfin pu rentrer chez lui

Mohammed Aisha est resté prisonnier de ce cargo abandonné pendant quatre ans.[Capture d'écran Youtube]

Lorsqu'il a embarqué à bord du MV Aman en mai 2017, Mohammed Aisha ne pouvait pas imaginer qu'il resterait prisonnier de ce bateau pendant quatre longues années. Abandonné au large des côtes égyptiennes pendant tout ce temps, ce marin syrien a enfin été autorisé à rentrer chez lui, vendredi 23 avril.

L'aventure s'annonçait pourtant belle puisque le jeune homme avait été nommé chef du navire peu de temps après sa prise de poste. Seulement voilà : d'après un rapport de la BBC, les autorités portuaires de la mer Rouge ont demandé l'immobilisation du MV Aman deux mois après le début du voyage. En cause, l'équipement de sécurité du cargo, jugé obsolète.

En tant que commandant en chef, Mohammed Aisha a été désigné comme «tuteur légal» du bateau. Concrètement, cela signifiait qu'il lui était impossible de quitter le navire avant que celui-ci ne soit vendu ou que la tutelle soit cédée à quelqu'un d'autre. Il a donc été privé de son passeport, mais le jeune marin raconte qu'il ne s'est rendu compte de la gravité de la situation que lorsque les membres de son équipage sont peu à peu partis, au fil des jours, puis des mois.

Les conditions de vie se sont fortement dégradées à bord. Les propriétaires du navire, en difficultés financières, ne pouvaient plus se permettre de l'alimenter en carburant, laissant Mohammed Aisha sans électricité et sans possibilité de se déplacer. Mises à part quelques visites ponctuelles d'un garde, le marin se souvient être resté complètement seul pendant deux ans, vivant parmi les rats et les insectes.

«Vous ne pouvez rien voir. Vous ne pouvez rien entendre. C'est comme si vous étiez dans un cercueil», confie-t-il à la BBC à propos de ses nuits à bord du cargo. Il indique même avoir «sérieusement envisagé de mettre fin à [sa] vie», notamment en août 2018, lorsqu'il a appris le décès de sa mère sans pouvoir assister à ses funérailles.

Des souffrances «qui auraient pu être évitées»

En mars 2020, la situation s'est légèrement améliorée. Après une tempête, le MV Aman, arraché de son mouillage, s'est échoué suffisamment proche du rivage pour que le marin puisse rejoindre les terres à la nage. Plusieurs fois par semaine, il pouvait ainsi trouver de la nourriture et recharger son portable.

Mais son véritable salut, Mohammed Aisha le doit à l'intervention de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). L'un de ses représentants, Mohammed Arrachedi, a repris la tutelle légale du bateau pour débloquer la situation du jeune marin. Son sauveur estime que toutes les souffrances traversées «auraient pu être parfaitement évitées si l'armateur et les autres parties ayant des obligations envers lui et le navire avaient fait ce qu'il fallait dès le départ».

Une version démentie par les intéressés, notamment les propriétaires du navire, qui assurent avoir cherché, en vain, un remplaçant pour Mohammed Aisha. Ils n'hésitent pas par ailleurs, a blâmer ce dernier, jugeant qu'il n'aurait pas dû, en premier lieu, signer l'ordonnance qui faisait de lui le tuteur du bateau.

Pour l'ITF, cet abandon «doit servir à ouvrir un débat sérieux pour empêcher ce genre d'abus». D'après les chiffres de l'Organisation internationale du travail, plus de 250 cas similaires d'équipages de navire livrés à eux-mêmes sont recensés dans le monde, dont 85 signalés en 2020. C'est deux fois plus que l'année précédente. Pour Mohammed Aisha, en tout cas, le cauchemar est terminé. Ramené en Syrie, il a partagé son «soulagement» et sa «joie» : «C'est comme si je sortais enfin de prison».

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