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Amsterdam : le Quartier rouge va déménager

Un grand nombre de vitrines du Quartier rouge seront bientôt fermées pour déplacer les travailleuses du sexe dans un «complexe érotique» hors du centre-ville. [Anoek de Groot / AFP]

Sex shops, néons rouges, travailleuses du sexe derrière leurs vitrines... Ce que l'on connaît du Quartier rouge pourrait bientôt disparaître. La mairie d'Amsterdam a en effet entamé une transformation complète du centre-ville, avec un objectif : en déloger la prostitution.

Pour ce faire, le conseil municipal a décidé de fermer un grand nombre de vitrines et de construire un «complexe érotique» à l'extérieur du centre-ville. L'idée étant de déplacer les travailleuses du sexe hors de De Wallen (l'autre nom du Quartier rouge, qui se trouve aussi être le centre historique d'Amsterdam), et de les installer dans un endroit prévu à cet effet. 

La localisation de ce futur complexe est encore inconnue. Les élus s'accordent cependant pour qu'il soit accessible en transports en communs. Il devrait être fonctionnel d'ici 3 à 10 ans, selon la maire écologiste Femke Halsema. 

Celle-ci a proposé elle-même la fermeture des vitrines du Quartier rouge. Elle regrette que les travailleuses du sexe soient une attraction touristique et que certains visiteurs aient des comportements inappropriés, par exemple prendre des selfies, ce qui peut être perçu comme moqueur ou humiliant. La question des nuisances sonores est aussi en jeu : selon la maire, les vitrines attirent la foule, ce qui provoque beaucoup de bruit et empêche les habitants de se sentir à l'aise. Mais la relocalisation de la prostitution n'est qu'une petite partie du plan de Femke Halsema : changer l'image d'Amsterdam. 

DU TOURISME «PLUS ACCEPTABLE»

La capitale néerlandaise est victime depuis plusieurs années du tourisme de masse. Elle a accueilli 19 millions de visiteurs (pour 800.000 résidents) en 2018, et ce chiffre augmente chaque année de 5%. Les habitants se plaignent de cette situation. Et depuis qu'ils ont goûté, pendant le confinement, à la sensation d'être à nouveau «tranquilles», ils n'ont pas envie d'y renoncer.

Femke Halsema a donc dans l'idée de faciliter la cohabitation entre touristes et Amstellodamois. Notamment en tentant d'attirer des touristes «plus acceptables» : moins d'amateurs de drogue et de prostitution, plus de familles et de passionnés de musées. Après la transformation du Quartier rouge, la maire s'attaquera aux coffee shops (cafés qui commercialisent du cannabis) en en limitant l'accès pour les touristes. 

«Cela vise à changer la vision que les visiteurs ont d'Amsterdam», explique Dennis Boutkan, un élu du Parti travailliste (gauche), au quotidien néerlandais Het Parool. «Les touristes sont les bienvenus pour profiter de la beauté de la ville et de son esprit de liberté, mais pas à n'importe quel prix.»

DES TRAVAILLEUSES DU SEXE «PAS DU TOUT ÉCOUTÉES»

Les mesures de Femke Halsema rencontrent un large consensus politique. En particulier celles qui concernent la prostitution : le parti de centre-droit CDA et le parti conservateur ChristenUnie réclamaient depuis des années la fermeture des vitrines. Le VVD, parti dont est issu le Premier ministre Mark Rutte, ainsi que les travaillistes et les verts se sont récemment ralliés à leur position. 

En bref : tout le monde est d'accord... sauf les principales concernées. D'après un sondage de l'association Red Light United, qui rassemble les travailleuses du sexe d'Amsterdam, 90% d'entre elles souhaitent rester dans le Quartier rouge. Celui-ci a l'avantage de leur donner de la visibilité et donc des clients. D'autant plus que selon Felicia Anna, membre de Red Light United, les «abus» perpétrés par les touristes - que ce soit leur comportement envers les travailleuses du sexe ou leurs nuisances sonores - ne feraient qu'augmenter avec la fermeture des vitrines«Des vitrines ont déjà été fermées, ce qui a concentré les visiteurs dans une plus petite zone. Il y a donc beaucoup plus de tension. Dans ce cas, quel est l'intérêt d'en fermer d'autres ?»

Cet avis est partagé par Cor Van Dijk, directeur d'Otten, une société de «divertissement érotique». Comme beaucoup d'autres entrepreneurs, il ne veut pas que la mairie rachète ses vitrines pour les fermer. «Ce ne sont pas les vitrines qui causent le plus de bruit. Il y a aussi des coffee shops et des restaurants dans ce quartier, ce n'est pas en délocalisant la prostitution que les nuisances sonores vont subitement disparaître», raconte-t-il à Het Parool. 

Les protestations des entrepreneurs, comme des travailleuses du sexe, sont pour l'instant vaines. Le conseil municipal d'Amsterdam devrait bientôt arrêter son choix sur l'une des huit zones envisagées pour accueillir le complexe. Les plans du bâtiment sont également en discussion. La question semble déjà réglée, ce qui désole les travailleuses du sexe. «Si vous lisez le rapport, seuls les investisseurs, les développeurs et les banques ont la parole», détaille Felicia Anna à Het Parool. «C'est avant tout leur projet, et pas celui des travailleuses du sexe. Nous ne sommes pas du tout écoutées.»

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