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Voici le petit guide à destination des manifestants pour se débarrasser d'un dictateur

Depuis la réélection contestée d'Alexandre Loukachenko le 9 août, des dizaines de milliers de manifestants antigouvernementaux se rassemblent chaque week-end à travers la Biélorussie. Depuis la réélection contestée d'Alexandre Loukachenko le 9 août, des dizaines de milliers de manifestants antigouvernementaux se rassemblent chaque week-end à travers la Biélorussie. [TUT.BY / AFP]

Comment renverser un dictateur ? C'est sans doute la question que se posent les dizaines de milliers de personnes qui manifestent chaque week-end en Biélorussie pour exiger le départ du président autocrate Alexandre Loukachenko. En se replongeant dans le passé, la politologue de l'université Harvard Erica Chenoweth en a tiré plusieurs conclusions sur les ingrédients d'un mouvement de contestation réussi.

Après avoir analysé les mouvements de protestation ayant éclaté entre 1900 et 2006 dans le monde, la chercheuse américaine a calculé le nombre de personnes qu'une manifestation antigouvernementale doit rassembler pour qu'elle aboutisse au départ du dictateur au pouvoir. Elle en est arrivée au chiffre de 3,5 % de la population, rapporte la BBC. Un taux de participation qui paraît faible, mais qui n'a pas été atteint dernièrement en Biélorussie, pays de neuf millions d'habitants. Les plus grandes manifestations ont réuni 100.000, voire 200.000 personnes selon Associated Press, soit un nombre inférieur aux 300.000 personnes nécessaires pour arriver au seuil des 3,5 %.

Mais cette règle des 3,5 % n'est pas synonyme de succès assuré, souligne la politologue. De nombreux mouvements ont réussi à faire tomber un dictateur avec des taux de participation inférieurs. A l'inverse, d'autres ont échoué malgré un soutien de masse, par exemple le soulèvement à Bahreïn en 2011, dans le contexte du Printemps arabe.

Une seconde condition accroît les chances pour les manifestants de renverser leur dictateur, indique Erica Chenoweth. Il s'agit de la non-violence. Un mouvement de protestation a deux fois plus de chances de réussir s'il est pacifique, a calculé la politologue. Pourquoi ? Car la violence réduit le soutien des gens aux manifestations, tandis que, si elles se déroulent dans un climat serein, cela incite les gens à s'y joindre. Et plus le mouvement est massif, plus les forces de l'ordre auront de chances de connaître certains des manifestants, ce qui réduit la probabilité qu'ils aient recours à la violence. En Biélorussie, malgré la répression brutale de la police, les rassemblements restent pour le moment largement pacifiques.

Comme le rapporte la BBC, Erica Chenoweth a mis à jour sa recherche initiale en étudiant les mouvements de contestation les plus récents. Elle en a tiré deux conclusions principales. D'une part, la résistance non-violente est devenue la méthode de protestation la plus répandue dans le monde, loin devant l'insurrection ou la lutte armée. Entre 2010 et 2019, il y a ainsi eu davantage de soulèvements non-violents dans le monde que dans toute autre décennie.

Des mouvements de contestation moins efficaces

D'autre part, et c'est une mauvaise nouvelle pour les anti-Loukachenko en Biélorussie, le taux de réussite des manifestations a diminué ces derniers temps. Dans le cas des mouvements non-violents, les plus susceptibles d'aboutir au départ du dictateur en place, un sur trois aboutit aujourd'hui, contre un sur deux auparavant. Malgré tout, des exemples récents de mouvements couronnés de succès existent. L'an dernier, Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir en Algérie depuis vingt ans, a été contraint de démissionner. Quelques jours plus tard, au Soudan, le président Omar el-Béchir, à la tête du pays depuis 1989, a été destitué par l'armée après plus de trois mois de manifestations.

Si les soulèvements réussis se font de plus en plus rares, c'est selon Erica Chenoweth notamment en raison de l'impact à double tranchant des réseaux sociaux et de la révolution numérique. Au début de leur essor, les médias sociaux fournissaient aux manifestants un outil puissant, facilitant la transmission d'informations et l'organisation de rassemblements, à l'image de ce qui a été observé lors du Printemps arabe.

Mais les régimes autoritaires ont aujourd'hui trouvé le moyen de se servir de cette arme contre leurs opposants, via la propagande ou la désinformation. De plus, «l'organisation numérique est très vulnérable à la surveillance et à l'infiltration», explique Erica Chenoweth.

Les manifestants en Biélorussie ont désormais une idée plus précise de ce qu'ils doivent faire s'ils veulent pousser dehors Alexandre Loukachenko et mettre fin à ses 26 ans de règne.

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