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Les nationalistes basques défient Madrid dans les rues de Bilbao

Des dizaines de milliers de personnes défilent dans les rues de Bilbao à l'appel des nationalistes et indépendantistes basques, le 11 janvier 2014 [Rafa Rivas / AFP] Des dizaines de milliers de personnes défilent dans les rues de Bilbao à l'appel des nationalistes et indépendantistes basques, le 11 janvier 2014 [Rafa Rivas / AFP]

Une marche de dizaines de milliers de personnes a parcouru les rues de Bilbao samedi à l'appel des nationalistes et indépendantistes basques, dans un défi lancé à Madrid après l'interdiction d'une mobilisation en soutien aux prisonniers de l'ETA.

Officiellement, le mot d'ordre était celui d'un défilé silencieux.

Mais c'est aux cris de "Prisonniers basques à la maison" que les manifestants ont envahi les avenues de cette ville du nord de l'Espagne, éclatant en applaudissements au passage du cortège des familles de militants emprisonnés du groupe armé ETA, très émus, foulard blanc autour du cou.

Sous le mot d'ordre "Droits de l'homme, accord, paix", les partis de la gauche indépendantiste, deuxième force politique du Pays Basque, et les nationalistes conservateurs du PNV, à la tête du gouvernement régional, avaient convoqué ensemble cette marche.

Un rendez-vous annuel qui a pris un visage particulier, puisque c'est la première fois depuis 1999 que le PNV se joignait à une manifestation des indépendantistes.

"Cette manifestation me paraît très importante, c'est un pas vers une solution au problème du Pays Basque, parce que c'est l'union des forces nationalistes et indépendantistes", lançait Maria Jesus Etxebarria, une retraitée de 73 ans venue de San Sebastian.

Mais pour Asuncion Aranburu, le sort des prisonniers basques est bien au coeur de la mobilisation.

"Le slogan a changé, mais c'est celui des droits de l'homme, de la paix et de la résolution du conflit. Et les droits des prisonniers s'inscrivent dans les droits de l'homme", remarquait cette femme de 49 ans qui parcourt chaque semaine 1.400 kilomètres pour aller rendre une brève visite à son époux en prison.

Cette fois, l'interdiction par la justice espagnole, vendredi, de la manifestation prévue pour réclamer la fin de la "dispersion" des prisonniers de l'ETA a précipité cette réponse commune des deux forces politiques, qui représentent plus de la moitié de l'électorat basque.

"Les partis politiques et syndicats qui représentent la majorité politique de ce pays ont décidé qu'il fallait convoquer cette manifestation pour défendre le droit à la liberté d'expression", expliquait Pernando Barrena, le porte-parole du parti indépendantiste de gauche Sortu.

Revendication historique de l'ETA et de la gauche indépendantiste, la fin de la "dispersion" fait figure, après l'abandon de la violence le 20 octobre 2011 par le groupe séparatiste, d'abcès de fixation dans le face à face l'opposant à Madrid.

Selon le réseau de soutien aux prisonniers Etxerat, 520 militants sont aujourd'hui détenus dans des dizaines de prisons espagnoles et françaises, une politique de dispersion pratiquée depuis 25 ans par l'Espagne dans le but d'empêcher les prisonniers de se réorganiser derrière les barreaux.

"C'est une double peine que l'on nous inflige", témoignait Itziar Goienetxia, une femme de 52 ans dont le mari est en prison depuis onze ans près de Cadix, dans le sud de l'Espagne.

"Je vis à Pasajes, près de de San Sebastian", raconte-t-elle, "et je fais tous les quinze jours 1.200 kilomètres pour aller le voir, et 1.200 pour rentrer. Et tout cela pour passer 40 minutes derrière une vitre, puis une heure et demie en face à face avec lui".

Mais l'actuel gouvernement de droite espagnol reste inflexible dans son refus de toute concession à l'ETA, qui refuse de désarmer, et réclame la dissolution sans conditions du groupe, rendu responsable de la mort de 829 personnes en 40 ans de violences pour l'indépendance du Pays Basque et de la Navarre.

De l'autre côté, une large part de la société basque défend, avec des stratégies diverses, le nouveau "paysage politique" qui s'est dessiné par étapes depuis trois ans: le rejet de la violence par les partis de la gauche indépendantiste, puis leur progression électorale, l'abandon de la lutte armée par l'ETA puis, tout récemment, l'aval donné à cette stratégie par le collectif des prisonniers.

Le 28 décembre, ce collectif, l'EPPK, a fait un nouveau pas, publiant un communiqué dans lequel il entérinait l'abandon de la violence, évoquait pour la première fois de possibles démarches individuelles en vue d'une libération, semblant ainsi renoncer à sa demande historique d'une amnistie collective, et reconnaissait "les souffrances et les dommages causés par le conflit".

 

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