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Philippines: des survivants de Haiyan traumatisés par la mort de leurs proches

Un homme nettoie sa maison à Tacloban, aux Philippines, le 26 novembre 2013, après le passage du typhon Haiyan [Noel Celis / AFP] Un homme nettoie sa maison à Tacloban, aux Philippines, le 26 novembre 2013, après le passage du typhon Haiyan [Noel Celis / AFP]

Rodico Basilides se recueille devant une croix de bois, à l'endroit même où sa famille a été emportée lors du passage du typhon Haiyan sur le centre des Philippines. Comme lui, des milliers de rescapés traumatisés auraient besoin d'une aide psychologique, hélas rare dans ce pays.

"C'est pour ma femme, Gladys, et quatre de nos enfants. Ils ont été emportés par les vagues", murmure l'homme de 42 ans, devant deux bouts de bois noués en croix avec de la ficelle verte, sur les ruines de ce qui était sa maison, près du rivage à la lisière de Tacloban.

A quelques mètres, Jovelyn Taniega, une voisine, a tout perdu: son mari et ses six enfants sont morts dans la catastrophe qui a frappé le 8 novembre.

Elle aussi a voulu revenir à l'endroit où elle a vu ses proches pour la dernière fois. "Je suis seule à présent. C'est très douloureux. Ils me manquent énormément", dit Jovelyn, 39 ans, les yeux hagards. "J'ai l'impression de devenir folle".

Les secours d'urgence apportant nourriture, médicaments et matériel médical sont désormais bien installés. Mais les travailleurs sociaux et médicaux savent à présent qu'il faut s'occuper des traumatisés. Et les besoins sont immenses, alors que l'archipel compte peu de psychiatres et psychologues.

Le dernier bilan fait état de 5.200 morts et 1.600 portés disparus après Haiyan, accompagné de vents dépassant les 300 km/h et de vagues géantes, qui a balayé une des régions les plus pauvres des Philippines.

Des survivants du typhon Haiyan dans leur maison détruite à Tacloban, aux Philippines, le 26 novembre 2013 [Noel Celis / AFP]
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Des survivants du typhon Haiyan dans leur maison détruite à Tacloban, aux Philippines, le 26 novembre 2013

Quatre millions d'habitants sont sans abri et dix millions au total ont été affectés par la tragédie, selon les chiffres du gouvernement.

Le ministère de la Santé n'a pu déployer dans la zone que 21 psychiatres et psychologues, indique Bernardo Vicente, directeur du centre national sur les maladies mentales.

"Nous n'avons certainement pas un nombre suffisant" de professionnels, déclare-t-il à l'AFP. Le pays ne compte que 600 psychiatres, la plupart travaillent dans les hôpitaux des grandes villes et ne peuvent pas abandonner leurs patients habituels pour se rendre dans la zone meurtrie.

Les professionnels du centre national des maladies mentales ne se sont rendus qu'à Tacloban, une des grandes villes (220.000 habitants) de la région affectée.

Revoir en rêve les jours heureux

Sur place, médecins et infirmiers disent que le soutien est insuffisant, d'autant que les besoins vont s'accroître au fur et à mesure que les rescapés prendront conscience de l'étendue de leur perte.

"Pour le moment, (les survivants) ne sont pas encore capables de se rendre compte. Nous en sommes encore à la phase où il faut lutter pour survivre, obtenir de la nourriture et se faire soigner", explique Marife Garfin, chef des infirmiers à l'hôpital Bethany de Tacloban.

"Dans une semaine ou deux, ils vont commencer à réaliser: la perte, la séparation avec les êtres aimés".

Toutes les personnes en deuil ne nécessitent pas une aide psychologique intense, souligne Bernardo Vicente. Et les séances de soutien peuvent se faire en groupe, ajoute-t-il.

"Il y a des choses qui peuvent s'accomplir sans la présence de professionnels (...). Partager de la nourriture, offrir un paquet de nouilles, de la sympathie, demander comment ça va, c'est déjà un soutien psychologique d'urgence".

Il estime qu'entre 1 et 5% des rescapés développeront des symptômes de stress post-traumatique, nécessitant une aide psychiatrique sur le long terme.

Mathijs Hoogstad, psychologue venu à Tacloban avec Médecins sans frontières, souligne que les rescapés trouvent du soutien auprès de la famille restante, de leur communauté et de leur église, dans ce pays profondément catholique.

Avec son seul enfant survivant, un garçon de neuf ans, Rodico Basilides a été accueilli par un responsable local. Vivre avec d'autres personnes, et prier, lui apportent du réconfort, dit-il. Mais dès qu'il est seul, il revoit les images de sa femme et ses enfants emportés par les eaux.

Jovelyn Taniega a rejoint la maison de son père et son frère. Parler avec des amis l'aide un peu, ainsi que les médicaments qu'elle prend pour dormir. Et dans son sommeil, elle revoit sa famille. "C'est mon seul lien avec eux désormais. Je revois nos jours heureux dans mes rêves".

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