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Le meurtre de Benazir Bhutto reste une énigme

L'ex-président pakistanais Pervez Musharraf le 20 avril 2013 à Islamabad [Aamir Qureshi / AFP/Archives] L'ex-président pakistanais Pervez Musharraf le 20 avril 2013 à Islamabad [Aamir Qureshi / AFP/Archives]

Qui a tué Benazir Bhutto ? La question hante à nouveau le Pakistan avec l'inculpation pour meurtre cette semaine de son ancien rival Pervez Musharraf dans une affaire toujours aussi opaque et mystérieuse.

Près de six ans après l'assassinat de l'ancienne Première ministre pakistanaise (1988 à 1990 et 1993 à 1996), personne n'a été condamné. Les enquêteurs pakistanais, de Scotland Yard et de l'ONU n'ont pas identifié les coupables de ce meurtre qui a marqué au fer rouge l'histoire du pays.

Mi-2007, le président pakistanais à la popularité déclinante Pervez Musharraf, se résout à pactiser avec sa rivale Benazir Bhutto, alors en exil.

L'accord est simple: il abandonne les accusations de corruption contre elle pour lui permettre de rentrer au pays et briguer à nouveau le poste de Premier ministre lors des élections, en échange de quoi il reste en poste après le scrutin.

Le 18 octobre, le retour triomphal de Benazir Bhutto à Karachi (sud) est rapidement assombri par un attentat sanglant qui fait près de 150 morts.

Elle se lance malgré tout dans la campagne électorale. Mais la mort l'attend dès le 27 décembre, lors d'une parade devant ses partisans à Rawalpindi (centre).

Dans sa Toyota Land Cruiser blindée, Benazir Bhutto sort la tête par le toit ouvrant et salue ses supporters. Des coups de feu sont entendus et un kamikaze se fait exploser.

Ce dernier était un adolescent de 15 ans originaire du Waziristan du Sud, fief des rebelles islamistes talibans, près de la frontière afghane, selon l'enquête pakistanaise. Avait-il des liens avec les talibans, les services de renseignement pakistanais, voire Musharraf? La question hante toujours le Pakistan.

Les autorités accusent rapidement Baitullah Mehsud, chef des talibans pakistanais d'être l'architecte de cet assassinat. Mais Mehsud nie toute implication. Il a depuis été tué par un tir de drone américain.

Le portrait de Benazir Bhutto le 26 mai 2013 à Karachi [Asif Hassan / AFP/Archives]
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Le portrait de Benazir Bhutto le 26 mai 2013 à Karachi
 

Plus tard, cinq jeunes islamistes proche du jeune kamikaze sont écroués, puis inculpés du meurtre.

Sur la scène du crime, la police et les services de sécurité collectent 23 pièces à conviction, incluant des restes humains, deux fusils, des douilles et la voiture blindée, selon la police.

Mais en moins de deux heures, les lieux sont passés au karcher. Le chef de la police de Rawalpindi, Saud Aziz, et son adjoint, Khurram Shahzad, seront eux aussi, plus tard, incarcérés et inculpés pour ce meurtre.

Quelqu'un a-t-il ordonné aux policiers de laver rapidement les lieux pour faire disparaître des preuves?

"Je suis convaincu que Khurram et Aziz n'ont pas agi de manière indépendante", a écrit cette semaine sur le site de Foreign Affairs Heraldo Munoz, ancien président de la commission d'enquête de l'ONU sur le meurtre de Benazir Bhutto, en soulignant notamment que ce lavage au karcher était '"extraordinaire et fondamentalement contraire aux pratiques courantes de la police pakistanaise".

L'entrée en scène tardive de Musharraf

Après la mort de son épouse Benazir Bhutto, son veuf, Asif Ali Zardari, mène le parti familial du PPP à la victoire aux élections en surfant sur une vague de sympathie.

A la fin de l'été 2008, Pervez Musharraf, menacé de destitution, abandonne le pouvoir. Puis, il s'exile.

Ce n'est qu'en février 2011 que le gouvernement pakistanais le place au rang de suspect dans cette affaire au vu de "l'échec injustifié de son gouvernement" à protéger Benazir Bhutto.

Peu après son retour d'exil, en mars dernier, Musharraf, 70 ans, est rapidement rattrapé par différentes affaires et placé en résidence surveillée dans sa villa en banlieue de la capitale Islamabad.

Il est devenu mardi le 8e inculpé dans l'affaire Bhutto, accusé de complot pour meurtre et d'avoir facilité l'assassinat, une première pour un ex-chef des armées dans ce pays.

"Nous avons de nouveaux témoins contre lui et ils vont témoigner en cour", a déclaré à l'AFP le procureur Chaudhry Azhar, sans plus de précisions sur leur identité.

"Pervez Musharraf est confiant parce qu'il sait qu'il n'est pas coupable", affirme à l'AFP son avocate Afshan Adil. "Ils n'ont rien contre lui, pas de preuve", ajoute-t-elle.

Au final, et comme souvent dans les affaires sensibles au Pakistan, rien ne garantit qu'on sache un jour qui a vraiment tué Mme Bhutto. Surtout si les autorités permettent in fine à M. Musharraf de s'exiler à nouveau avant la fin du procès.

Pour M. Munoz, le meurtre de Benazir Bhutto ressemble à celui d'un chef de village dont tous les villageois portent, à un degré divers, une part de responsabilité.

"Al-Qaïda a donné l'ordre, les talibans pakistanais ont exécuté l'attaque, éventuellement appuyés ou au moins encouragés par des éléments de l'establishment (militaires et/ou services secrets), le gouvernement de Musharraf a facilité le crime par sa négligence, les responsables de la police locale ont tenté de camoufler l'affaire, les gardes du corps de Bhutto ont échoué à la protéger et la majorité des politiciens pakistanais préfèrent tourner la page que d'enquêter sur les acteurs derrière ce meurtre".

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