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Un "vendredi de la colère" sous haute tension

Des Egyptiens marchent à travers les débris qui jonchent le sol de la place Rabaa al-Adawiya , le 15 août 2013 au Caire [Mahmoud Khaled / AFP]

Les chars de l'armée ont littéralement scellé la plupart des artères quasi-désertes du Caire en ce "vendredi de la colère" pour lequel les islamistes appellent à manifester contre le "massacre" de partisans du président déchu Mohamed Morsi il y a deux jours.

Le gouvernement mis en place par l'armée a donné jeudi aux forces de l'ordre le droit d'ouvrir le feu sur tout manifestant qui se montrerait violent, un geste sans précédent de mémoire d'Egyptien. Mercredi, près de 600 personnes ont péri dans tout le pays, essentiellement dans la dispersion sanglante au Caire de partisans de M. Morsi, destitué et arrêté par l'armée début juillet.

La peur se lisait sur les visages des quelques courageux se hasardant dans les rues quadrillées, en plus des militaires et des policiers anti-émeutes, par d'innombrables policiers en civils particulièrement hostiles ou nerveux à l'approche de la grande prière de la mi-journée, ont rapporté des journalistes de l'AFP.

Les Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi, ont appelé ses partisans à défiler "pacifiquement" par "millions" à la sortie des mosquées vendredi et à converger vers la place Ramsès au centre de la capitale.

Deux jours après la journée la plus sanglante -578 morts et plus de 3.000 blessés- depuis la chute de Hosni Moubarak en février 2011, cet appel à la mobilisation fait redouter de nouvelles violences dans le pays sous état d'urgence et où un couvre-feu nocturne a été imposé dans la moitié des provinces.

Des Egyptiens pleurent, le 15 août 2013, leurs proches tués lors de l'assaut lancé contre les pro-Morsi, dans une morgue installée dans une mosquée du Caire [Mahmoud Khaled / AFP]
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Des Egyptiens pleurent, le 15 août 2013, leurs proches tués lors de l'assaut lancé contre les pro-Morsi, dans une morgue installée dans une mosquée du Caire
 

Il pourrait également se révéler comme une journée test pour le plus peuplé des pays arabes, où la division ne cesse de s'accroître entre partisans des Frères musulmans et tenants de la solution sécuritaire que les nouvelles autorités semblent désormais privilégier.

D'une part, la confrérie de M. Morsi dont l'appel à manifester jeudi n'avait pas reçu d'écho au Caire tente une nouvelle démonstration de force face aux autorités installées par l'armée début juillet.

D'autre part, le gouvernement, qui jusqu'ici saluait la "très grande retenue" de la police dans la dispersion des manifestants pro-Morsi sur les places Rabaa al-Adawiya et Nahda du Caire -quelque 320 morts selon un bilan officiel-, a durci le ton jeudi, autorisant les forces de l'ordre à ouvrir le feu sur les manifestants violents.

Lors du carnage sur les places où campaient depuis un mois et demi des milliers d'islamistes venus avec femmes et enfants, l'Intérieur avait assuré que "les instructions étaient de n'utiliser que les gaz lacrymogènes, pas d'armes à feu". "Mais quand les forces de sécurité sont arrivées, elles ont été surprises par des tirs nourris", avait-il ajouté.

Des pompiers et des passants se pressent devant le siège du gouvernorat de Gizeh, incendié, le 15 août 2013 au Caire [Gianluigi Guercia / AFP]
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Des pompiers et des passants se pressent devant le siège du gouvernorat de Gizeh, incendié, le 15 août 2013 au Caire
 

"Comités populaires"

Après de nouvelles attaques, dont l'incendie du siège de la province de Guizeh dans la banlieue du Caire et la mort de neuf policiers et militaires, attribuées à des "islamistes" notamment dans la péninsule instable du Nord-Sinaï, des "comités populaires" pro-pouvoir installaient des points de contrôle à travers le pays, fouillant les habitants et régulant les accès aux quartiers.

Vendredi, la presse, quasiment unanimement acquise à l'armée, se déchaînait contre la confrérie. "Les milices des Frères détruisent les biens du peuple", titrait notamment le journal privé al-Masry al-Youm au-dessus d'une photo du siège de la province de Guizeh ravagé par les flammes.

A l'aube de ce "vendredi de la colère", Laila Moussa, une porte-parole de la Coalition pro-Morsi contre le "coup d'Etat", a affirmé à l'AFP que des membres des Frères musulmans, dont au moins deux parlementaires, avaient été arrêtés.

Depuis le coup de force des militaires, la majorité des dirigeants de la confrérie ont été arrêtés ou sont en fuite.

M. Morsi est lui-même toujours détenu au secret, tandis que doit s'ouvrir le 25 août le procès de plusieurs de ses hauts responsables, dont son Guide suprême Mohamed Badie, en fuite. Ce dernier a promis vendredi dans sa lettre hebdomadaire à ses partisans que les responsables des "massacres" allaient devoir payer. Les Frères musulmans ont évoqué 2.200 morts et plus de 10.000 blessés.

Au Caire, l'armée était déployée, bloquant des grands axes, notamment ceux menant à la place Tahrir.

 

"Eviter la guerre civile"

Alors que de nombreux pays occidentaux ont condamné ce bain de sang, les 15 pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont appelé jeudi soir les différentes parties en Egypte à faire preuve d'un "maximum de retenue".

Les Etats-Unis ont de leur côté annulé des exercices militaires communs et incité leurs ressortissants à quitter l'Egypte, sans aller jusqu'à interrompre l'aide annuelle (1,5 milliard de dollars) versée en grande partie à la toute-puissante armée de leur grand allié.

 
 

Navi Pillay, Haut commissaire de l'ONU en charge des droits de l'Homme, a réclamé une enquête sur la dispersion des pro-Morsi.

Le président français François Hollande a appelé à tout mettre "en oeuvre pour éviter la guerre civile". Paris et Berlin ont convoqué les ambassadeurs égyptiens et devaient s'entretenir à la mi-journée, tandis que la Turquie a rappelé pour consultations son ambassadeur en Egypte. Le Caire a aussitôt rappelé son représentant à Ankara.

Les représentants des 28 Etats membres de l'UE se réuniront lundi à Bruxelles pour faire le point sur la situation en Egypte.

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