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La violence contre les femmes en Inde ne recule pas

Une femme vient déposer plainte le 4 avril 2013 à New Delhi [Manan Vatsyayana / AFP] Une femme vient déposer plainte le 4 avril 2013 à New Delhi [Manan Vatsyayana / AFP]

Cent jours après le choc provoqué en Inde par la mort d'une étudiante des suites d'un viol collectif à New Delhi, les vêtements déchirés de Bharti Kagra témoignent d'une violence contre les femmes qui refuse de reculer, en dépit des voeux pieux du gouvernement.

Bharti est l'une des 812 femmes qui, selon la police, a été agressée à New Delhi depuis la mort d'une étudiante de 23 ans le 29 décembre, treize jours après avoir été violée et battue par six hommes dans un autobus de la capitale.

La nature particulièrement ignoble de cette agression a profondément choqué le pays et a suscité un débat sur la façon dont les femmes sont traitées en Inde et sur l'apathie de la police et de la justice face aux auteurs.

Sous la pression populaire, le gouvernement a durci la loi condamnant les auteurs d'agressions sexuelles. Les optimistes ont aussi vu un "tournant" lorsqu'un responsable de la police a assuré que ses équipes avaient été "bouleversées", promettant "un changement majeur dans l'accueil des victimes".

Mais l'expérience de Bharti fait douter d'une évolution dans la protection des femmes, en dépit de la vague de colère et de manifestations.

Cette femme, qui a amené les habits déchirés par son mari et son beau-frère lors son agression, a toutes les peines du monde à déposer plainte dans un commissariat du sud de New Delhi. Alors que la nouvelle loi impose la présence d'au moins une policière dans chaque poste, aucune femme n'est là.

Un policier contrôle un jeune homme le 8 avril 2013 à New Delhi [Prakash Singh / AFP]
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Un policier contrôle un jeune homme le 8 avril 2013 à New Delhi
 

"Les hommes m'ont d'abord humiliées et maintenant que je réclame justice, les flics m'insultent... Certains m'ont même suggéré de faire la paix avec mon mari", se lamente-t-elle auprès de l'AFP, à l'intérieur du commissariat.

Pour faire taire ses cris et récriminations, deux policiers prennent finalement sa plainte, à contre coeur.

Les femmes ne représentent que 6,5% des forces de police en Inde et un recrutement intensif serait nécessaire pour répondre aux exigence de la nouvelle législation. Mais le risque est grand de voir la loi prendre le même chemin que de nombreuses autres en Inde: bien intentionnée mais jamais appliquée.

Le Premier ministre, Manmohan Singh, a lui-même reconnu dimanche qu'"en dépit des actions déjà prises, il faut faire encore beaucoup plus".

Les associations de défense des droits de l'homme estiment que le changement n'interviendra qu'une fois que les attitudes sexistes auront disparu.

"Je ne vois pas assez d'initiatives pour changer la mentalité de ceux qui appliquent la loi, en particulier la police", dénonce Ranjana Kumari, qui dirige le Centre en recherches sociales à New Delhi.

Depuis le viol collectif de décembre, les femmes se sentent toutefois davantage en confiance pour déposer plainte, relève-t-elle.

Une femme remplit un dépôt de plainte le 4 avril 2013 à New Delhi [Manan Vatsyayana / AFP]
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Une femme remplit un dépôt de plainte le 4 avril 2013 à New Delhi
 

La police de New Delhi a enregistré un bond de 148% des affaires de viol entre le 1er janvier et le 24 mars par rapport à l'an dernier, et une hausse de 600% des affaires d'agressions sexuelles du 1er janvier au 3 avril.

"De nombreuses femmes et leur famille prennent conscience des abus et les dénoncent mais ce qui est décevant après ces 100 jours, c'est que les viols et toutes les affaires d'agressions sexuelles ne cessent pas", souligne Mme Kumari.

Selon l'agence Press Trust of India, plus de 250 affaires de viol ont été enregistrées dans le pays depuis la mort de l'étudiante.

Les Indiennes n'ont pas été les seules victimes. Une touriste suisse a été violée en réunion le mois dernier alors qu'elle montait sa tente avec son mari dans le centre du pays, une affaire qui a de nouveau fait couler l'encre.

Plusieurs pays occidentaux ont mis en garde leurs ressortissantes contre l'insécurité en Inde, ternissant l'image d'un pays qui voudrait pourtant attirer de plus en plus de touristes.

Le procès des auteurs présumés du viol collectif de décembre se poursuit devant un tribunal spécial. L'un des cinq adultes suspects a été retrouvé mort dans sa cellule le mois dernier, vraisemblablement après s'être pendu. Le sixième suspect, 17 ans, est jugé par une instance pour mineurs.

Sur les 80 témoins cités à comparaître, 65 ont déjà été interrogés.

Le 1er avril, la mère de la victime du viol collectif a organisé une petite cérémonie religieuse en mémoire de sa fille. "Son âme ne trouvera la paix que lorsque les accusés seront punis. Elle est morte mais elle a donné à chaque femme le courage de lutter contre la violence".

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