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Birmanie : quel statut pour les Rohingyas ?

Des Rohingyas dans une école pour personnes déplacées à Theik Kayk Pyim, dans l'Etat Rakhine, le 11 octobre 2012 [Christophe Archambault / AFP/Archives] Des Rohingyas dans une école pour personnes déplacées à Theik Kayk Pyim, dans l'Etat Rakhine, le 11 octobre 2012 [Christophe Archambault / AFP/Archives]

Les Rohingyas, minorité musulmane apatride, peuvent-ils devenir citoyens birmans ? La question est au coeur des violences communautaires qui ont récemment secoué l'ouest du pays mais il semble exclu que le pouvoir y consente, préviennent les experts.

Quelque 800.000 Rohingyas, considérés par l'ONU comme une des minorités les plus persécutées de la planète, vivent confinés dans l'Etat Rakhine, où des affrontements entre musulmans et bouddhistes ont fait depuis juin au moins 180 morts et 110.000 déplacés, principalement des musulmans.

Privés de nationalité par la junte au pouvoir jusqu'en mars 2011, les Rohingyas sont vus par la plupart des Birmans comme des immigrés illégaux du Bangladesh, un ostracisme qui alimente un racisme quasi-unanime à leur encontre.

Mais l'ouverture politique a placé le nouveau régime sous les feux des projecteurs. "Nous voudrions que les problèmes (...) non résolus du statut des Rohingyas soient pris en compte par les dirigeants birmans de tous les bords politiques", a déclaré cette semaine le chef de la diplomatie britannique William Hague.

"A long terme, nous devons travailler pour donner aux Rohingyas une sorte de statut légal (...) avec un accès aux droits et services de base", a indiqué de son côté à l'AFP Vivian Tan, porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR).

Mais quel statut ? Le gouvernement rakhine a lancé une enquête sur les musulmans de l'Etat pour déterminer s'ils sont citoyens, a indiqué à l'AFP son porte-parole Win Myaing. Mais les objectifs de ce recensement sont pour l'instant bien flous.

Les Rohingyas ne font pas partie des 135 "groupes ethniques" officiels à qui la loi sur la citoyenneté de 1982 octroie une citoyenneté pleine et entière. Et le fait qu'ils assurent avoir été sur le territoire avant 1823, début de la colonisation britannique, ne suffit pas.

"Nous n'avons pas l'intention d'accepter en tant que nouveau groupe ethnique les apatrides et ceux qui ne sont pas inclus dans les groupes ethniques officiels, comme les Rohingyas", a indiqué à l'AFP Zaw Htay, du bureau présidentiel.

Les autorités refusent même de reconnaître leur nom, faisant souvent référence aux "soi-disant Rohingyas". Une véritable "tentative d'ethnocide, c'est-à-dire de tuer l'identité culturelle d'un groupe", dénonce Maung Zarni, chercheur à la London School of Economics.

Les Rohingyas pourraient demander à être "citoyens naturalisés", une catégorie bénéficiant de droits moindres s'ils peuvent prouver leur présence dans le pays avant l'indépendance en 1948, poursuit-il. Mais "ils ont été privés de documents depuis des décennies" et la majorité ne pourra fournir de preuves de vie en Etat Rakhine.

D'autres analystes relèvent que le gouvernement ne peut prendre le risque de les naturaliser en masse face à une opinion publique qui les déteste, à trois ans d'élections cruciales pour la transition démocratique.

Des enfants Rohingyas dans une école pour personnes déplacées à Theik Kayk Pyim, dans l'Etat Rakhine, le 11 octobre 2012 [Christophe Archambault / AFP/Archives]
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Des enfants Rohingyas dans une école pour personnes déplacées à Theik Kayk Pyim, dans l'Etat Rakhine, le 11 octobre 2012
 

"Le gouvernement pourrait faire face à une réaction populaire violente s'il accorde la citoyenneté aux Rohingyas", prévient Nicholas Farelly, de l'Université nationale australienne. "Ce serait une tragédie si la question des Rohingyas était exacerbée par le besoin d'hommes politiques de s'assurer du soutien avant les élections de 2015".

La tentative d'un élu du parti majoritaire de refondre la loi sur la citoyenneté a d'ailleurs fait long feu mardi au parlement. Immédiatement rejetée par ses pairs, sa proposition n'était pourtant pas en faveur des Rohingyas.

"Ce n'est pas le moment de faire ça", a souligné Mann Kan Nyunt, également parlementaire de l'USDP, craignant les "doutes et les malentendus".

Quant à l'opposition démocratique, elle se garde bien de prendre le problème à bras-le-corps: la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi refuse de prendre position, appelant simplement à la fin des violences.

"Je ne pense pas qu'on doive utiliser son autorité morale (...) pour défendre une cause particulière sans chercher à connaître vraiment les racines du problème", a-t-elle récemment déclaré.

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