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Condamné pour lèse-majesté, un Thaïlandais meurt en prison

Des activistes thaïlandais installent des portraits d'Ampon Tangnoppakul, décédé en prison, le 8 mai 2012 à Bangkok[AFP]

Un grand-père thaïlandais, devenu un vibrant symbole de la lutte pour la liberté d'expression après avoir été condamné à vingt ans de prison pour insulte à la monarchie, est décédé mardi en prison, relançant la polémique sur une des lois les plus répressives du monde.

Ampon Tangnoppakul, 62 ans, avait été condamné l'an dernier pour avoir envoyé quatre SMS au secrétaire personnel du Premier ministre de l'époque. Des messages que la police avait jugés "inappropriés" et "insultants envers la monarchie".

"Son épouse m'a appelé ce matin et m'a dit qu'il était décédé en prison", a indiqué à l'AFP son avocat Anon Numpa, en précisant que le sexagénaire surnommé "Oncle SMS" avait renoncé à faire appel et tablait sur une grâce royale.

Ce petit homme sec aux cheveux ras et sourire débonnaire était devenu la coqueluche de la société civile thaïlandaise, des militants pro-démocratie et des adversaires de l'article 112 du code pénal, qui réserve une peine de 15 ans de prison à quiconque insulte la monarchie ou la famille royale.

Dès l'annonce de sa mort, des photos de lui et des commentaires outragés ont inondé les réseaux sociaux thaïlandais.

"Il a mis en lumière l'énorme injustice que représente cette loi (...) alors qu'il ne voulait rien d'autre qu'être un grand-père qui profite de son grand âge", a dénoncé Benjamin Zawacki, d'Amnesty International, selon lequel le sexagénaire était de facto un "prisonnier de conscience".

L'origine du décès était inconnue, selon un médecin de l'hôpital pénitentiaire où le corps a été transféré. "Son dossier médical indique qu'il avait eu un cancer de la bouche et récemment, son estomac était enflé".

"S'il avait été libre, il aurait pu voir un médecin à temps", estimait de son côté Chiranuch Premchaiporn, responsable du très populaire site d'informations Prachatai, elle même poursuivie pour lèse-majesté et qui risque 20 ans de prison.

"Il a plusieurs fois réclamé une libération sous caution mais la cour l'a rejeté sous prétexte que le crime était grave".

Même si la mort d'Ampon devait être considérée comme indépendante de son incarcération, elle ne manquera pas de relancer une polémique déjà extrêmement vive sur une des législations les plus sévères du monde.

La famille royale, qui n'a aucun rôle politique officiel, est désormais un sujet complètement tabou en Thaïlande, où le roi Bhumibol Adulyadej, 84 ans, jouit auprès de certains de ses sujets d'un statut de demi-dieu.

La loi elle même devient un enjeu, au delà de l'institution qu'elle défend. Les partisans de sa réforme et ses adversaires, les ultra-royalistes, s'échangent via internet des amabilités qui débordent largement du traditionnel débat politique et témoignent d'une tension réelle.

Les poursuites et condamnations pour lèse-majesté se sont multipliées depuis le coup d'Etat militaire de 2006 contre le Premier ministre Thaksin Shinawatra, aujourd'hui en exil et considéré par les élites de Bangkok comme un danger pour l'institution royale.

L'an passé, Yingluck Shinawatra a gagné les élections et émis le voeu que le texte ne soit pas utilisé de façon "inappropriée". Mais la soeur de Thaksin a aussi refusé de l'amender. Et les analystes relèvent que la situation ne s'est pas arrangée depuis qu'elle est au pouvoir.

L'an passé, l'Union européenne s'était déclarée "profondément préoccupée" par la condamnation d'Ampon. Elle avait appelé Bangkok "à s'assurer que l'Etat de droit (était) appliqué de manière non discriminatoire et proportionnée, compatible avec le respect des droits humains fondamentaux, y compris la liberté d'expression".

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