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Philippe Delerm : "On marche tous sur un fil"

Philippe Delerm, auteur de "Elle marchait sur un fil" Philippe Delerm, auteur de "Elle marchait sur un fil"[A.V.]

Célèbre depuis "La Première gorgée de bière", Philippe Delerm fait paraître son premier vrai roman. "Elle marchait sur un fil" relate l’histoire de Marie, qui à l’occasion d’une rupture décide de réaliser son rêve, écrire et monter une pièce de théâtre. 

 

Cet ouvrage permet à l’auteur de se mettre pour la première fois dans la peau d’une femme. 

 

Comment est né ce livre ?

Je souhaitais écrire un roman qui fasse écho à pas mal de choses de ma vie. Je ne suis plus professeur depuis quelques temps et ça m’a donné le temps nécessaire de m’attaquer à un vrai roman. C’est la première fois que j’en écris un sur l’époque contemporaine.

Ca m’est arrivé d’en faire sur des peintres scandinaves ou préraphaélites du XIXè siècle mais c’était un peu différent, il y avait un contexte historique.

 

Votre héroïne goûte une solitude nouvelle.

Beaucoup de choses dans ce roman revêtent des aspects sociétaux. C’est une situation assez fréquente que des femmes d’une cinquantaine ou d’une quarantaine d’années soient quittées par leur compagnon pour des femmes plus jeunes.

En ce qui concerne mon personnage, Marie, cette solitude lui donne la possibilité de réaliser un rêve que jusqu’alors elle n’avait assouvi qu’à travers le destin de son fils Etienne. Elle est libre mais elle prend le risque de se faire prendre pour une folle parce qu’elle ne pense plus qu’à ce projet : écrire et montrer une pièce de théâtre.

C’est la métaphore exprimée par le titre du roman. J’ai le sentiment que la vie en ce moment est d’une très grande fragilité, que quelque part, on est tous des funambules, qu’on marche tous sur un fil. Est-ce bien ou mal ?

Je ne sais pas. Je ne me pose pas en moraliste. Je ne donne pas vraiment de réponse. Marie est simplement quelqu’un qui a été heureux à un moment de sa vie, et qui maintenant a affaire à quelque chose d’autre que le bonheur, quelque chose de plus grand, de plus risqué. Elle va aller au bout de son rêve.

Je fais souvent allusion au film "Le Cercle des poètes disparus" dans ce livre. Ici, c’est un petit peu l’inverse qui se passe. Marie fait partie de ces parents qui encouragent leurs enfants à poursuivre leur rêve même quand c’est difficile. Et finalement, c’est elle qui va assumer le rêve.

 

Vous évoquez le monde de l’édition et du journalisme.

Il y a des choses qui évoluent dans ce métier. Dans l’édition, il y a ce phénomène du bouche-à-oreilles que j’ai bien connu puisque le succès de mon livre "La première gorgée de bière" en est un exemple.

Ce phénomène est dur pour les attachés de presse. Cette idée que rien ne se passe s’il n’y a pas un bouche-à-oreilles enlève de la magie au rôle de l’attaché de presse.

 

Le fils de Marie souhaite embrasser une carrière artistique. Cela fait écho à la relation que vous entretenez vis-à-vis de la carrière de votre fils Vincent.

Le jour où ma compagne et moi nous sommes aperçus que notre fils avait le virus de la création et qu’il avait quelque chose à dire, ça nous a touché bien sûr. On ne lui a jamais imposé de faire du piano pourtant.

Ca s’est déclaré assez tard chez lui, à la fin de l’adolescence. Je ne voyais pas comment il allait pouvoir y arriver parce qu’il était déjà bien avancé dans ses études de lettres et se préparait à se faire nommer dans un collège ou un lycée de province.

Autant l’écriture est conciliable avec le métier d’enseignant autant le cirque, le théâtre, la chanson ne le sont pas tellement. Mais Vincent a eu la bonne idée de réussir très vite dans la chanson. Dans le livre, ces passages ont curieusement plus à voir avec mon expérience de professeur et d’animateur d’un club de théâtre dans un collège pendant 35 ans qu’avec ma position de père.

J’ai pensé à tous ces jeunes qui étaient très doués pour le théâtre et qui finalement renonçaient toujours. J’évoque en cela cet aspect sociétal des parents, qui dans un contexte de crise, se sentent protégés par l’excellence scolaire. Ces enfants qu’on pousse, sans garantir qu’ils soient épanouis.

 

De nombreux passages évoquent le temps qu’il fait.

Je suis compulsif des prévisions météorologiques. C’est le cas de beaucoup de gens maintenant avec les iPhones. On regarde des petits soleils ou des petits nuages sur nos écrans. Une grande partie du roman se passe en Bretagne, un endroit dominé par la climatologie. C’est une région que je connais bien parce que j’y ai passé une vingtaine d’années pendant mes vacances.

Comme disent les Bretons, "en Bretagne, il fait beau plusieurs fois par jour". Là-bas, j’ai presque l’impression d’être manipulé par le climat. Si j’ai une disposition à la mélancolie, je n’aime pas que celle-ci soit contrecarrée par la survenue du soleil et inversement. Dans les grandes villes, on ne ressent pas autant cette influence.

 

C’est la première fois que vous vous mettez dans la peau d’une femme.

Me mettre dans la peau d’une femme, c’était tenir la gageure de faire un vrai roman. De plus, cette femme ne ressemble à aucune que je connais.

Je croyais que jamais je n’aurai l’occasion de dire un jour : "ce n’est pas moi qui pense ça, c’est mon personnage". Marie existe bel et bien en dehors de moi. Elle a une véritable autonomie. Même si bien sûr, le roman rassemble des thèmes qui sont ceux de ma vie.  

 

Elle marchait sur un fil, de Philippe Delerm, Editions du Seuil, 17 E.

 

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