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Procès de Roman Polanski : le jugement sera rendu le 14 mai

Charlotte Lewis veut laver son nom face à Roman Polanski. [Thomas SAMSON / AFP // Robyn BECK / AFP]

Le réalisateur Roman Polanski était ce mardi jugé à Paris pour diffamation à la suite d’une plainte de l’actrice britannique Charlotte Lewis qui dénonce une interview de 2019 dans laquelle il qualifiait de «mensonge odieux» les accusations de viol qu’elle a portées contre lui. Le jugement sera rendu le 14 mai.

Des années qu'on ne la croyait pas quand elle disait qu'il l'avait violée, quand un entretien de Roman Polanski la «traitant de menteuse» publié en 2019 a rendu sa douleur insupportable. «Ça a été la goutte d'eau», a ce mardi lâché l’actrice Charlotte Lewis qui n’a pas caché sa colère devant le tribunal parisien où est jugé le réalisateur Roman Polanski à la suite de sa plainte pour diffamation.

Accusé de viols et agressions sexuelles par une dizaine de femmes, Roman Polanski ne s’est pas présenté au tribunal, seulement représenté par ses avocats. Alors, tous les regards dans la salle étaient tournés vers Charlotte Lewis, la très fine femme de 56 ans, tout de noir vêtue, venue du Royaume-Uni pour témoigner à la barre.

Au début des années 1980, raconte l'actrice via une interprète, elle avait 16 ans et travaillait comme mannequin à Londres. «On me demande si je veux jouer dans un film, si je veux rencontrer Roman Polanski.» Arrivée à Paris avec «Karen», une autre mannequin plus âgée, elle est installée dans un petit hôtel que Roman Polanski «trouve pas terrible», alors il les installe dans son appartement. «On va dîner, on est rentré à l'appartement, Karen est allée se coucher et m'a laissée seule avec Roman. Et c'est là qu'il m'a violée», relate Charlotte Lewis.

Un dialogue compliqué

«Pourquoi» alors tourner dans son film «Pirates», faire la promotion du film, «pourquoi vous ne le dénoncez pas ?», lui demande son avocat Benjamin Chouai. «Je ne savais pas que ce qui m'était arrivée était du viol», répond Mme Lewis. «Il n'était pas horrible, il ne m'a pas battue... et on a commencé à travailler ensemble. Je le respectais, il était gentil avec moi», poursuit-elle. Elle explique son long silence : « Il était comme un père pour moi, un mentor. Je n’ai réalisé la gravité de ce qu’il m’était arrivé que trente ans plus tard.»

Le dialogue avec le tribunal se fait ensuite plus compliqué : Charlotte Lewis est en colère mais pas forcément contre Roman Polanski, veut répondre vite, interrompt tour à tour la présidente ou l'interprète qui tente péniblement de la traduire. «Slow down Charlotte» (ralentissez), la prie régulièrement dans son dos son avocat.

Charlotte Lewis avait dénoncé publiquement ces faits pour la première fois en 2010, aux Etats-Unis où Roman Polanski est considéré comme un fugitif depuis les années 1970 après une condamnation pour des «relations sexuelles illégales» avec une mineure de 13 ans.

«M. Polanski savait que je n’avais que 16 ans quand il m’a rencontrée et qu’il a abusé de moi dans son appartement de Paris, avait-elle déclaré lors d’une conférence de presse. Depuis je vis avec les séquelles de ce qu’il m’a infligé. Tout ce que je veux c’est la justice.»

Dans l'article de Paris Match datant de 2019 qui a conduit l’actrice à porter plainte pour diffamation, Roman Polanski avait qualifié d'«odieux mensonge» la version de Charlotte Lewis et souligné les «contradictions» entre les accusations de l'actrice et les propos de cette dernière dans un tabloïd britannique. 

«En pâture»

Dans cet article, des citations - fausses selon elle - lui font dire qu'elle se prostituait à 14 ans, qu'elle rêvait d'être la «maîtresse» de Roman Polanski. «J'ai vécu une campagne de dénigrement. Ça a failli détruire ma vie», dit Charlotte Lewis entre deux sanglots de colère. «Est-ce que vous regrettez d'avoir parlé ?», demande son avocat. «Oui, j'aurais préféré ne rien dire. Aujourd'hui, si une femme vient me dire qu'elle a été violée et me demande si elle doit le révéler, je lui dirais : ‘non’. Tire un trait sur tout ça, continue ta vie.» 

Mais l'objet de cette audience n'est pas de savoir si Roman Polanski a violé ou non Charlotte Lewis, ni quel crédit accorder à l'article du tabloïd, rappelle la procureure dans ses réquisitions. «La question est de savoir si Roman Polanski a fait, ou non, un usage abusif de sa liberté d'expression».

Un «accusé jeté en pâture sur la place publique a encore le droit de se défendre», s'insurge Me Delphine Meillet, l'une des avocates de Roman Polanski. Dans «le contexte étouffant de #Metoo», le mouvement de la libération de la parole des femmes, «le témoignage public a valeur de preuve, qui a valeur de vérité», regrette-t-elle. «Qui a accusé qui ? et de la pire des choses qui soit...», renchérit son confrère Alain Jakubowicz, dénonçant un «procès absurde». 

«C'est difficile d'entendre certains mots encore et encore, a réagi Charlotte Lewis selon les propos rapportés par RTL. Je suis choquée que les avocats aient été aussi loin. Moi je suis venue à ce procès, j'en suis fière. Le fait qu'il ne soit pas obligé de venir est honteux, cela doit changer. Je serais franchement choquée s'il n'est pas condamné.»

«J’espère qu’il sera condamné parce que la diffamation, c’est un viol quotidien. Roman Polanski a commis deux crimes contre moi : le viol et la diffamation», avait-elle aussi confié au Parisien. Le jugement sera rendu le 14 mai.

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