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Bugaled Breizh : il y a 20 ans, cinq marins étaient victimes de l'un des plus mystérieux naufrages

Après avoir passé 19 ans sur la base navale de Brest, l'épave du Bugaled Breizh a été démantelée au printemps 2023. [FRED TANNEAU / AFP]

Ce lundi 15 janvier marque le 20e anniversaire du naufrage du Bugaled Breizh. Des hommages sont prévus pour commémorer ce drame dont les circonstances restent floues.

A 13h25, heure française, un appel de détresse a retentit sur les ondes radio marines le 15 janvier 2004 : «On chavire, viens vite !». Il provenait du Bugaled Breizh, un chalutier français dont le naufrage dans la Manche ce jour-là a coûté la vie à cinq marins bretons et reste un mystère, 20 ans après.

En ce nouvel anniversaire, une journée du souvenir est organisée à Loctudy (Finistère), port d'attache du Bugaled Breizh, en hommage à l'équipage du bateau et à tous ceux qui ont péri en mer. A l'approche du jour J, des colloques, expositions, rencontres et débats ont déjà été organisés depuis vendredi dans le département, à Pont-l'Abbé.

Deux décennies plus tard, ce naufrage fait toujours parler de lui, notamment parce que l'enquête, marquée par différents rebondissements, a abouti à un non-lieu en 2014, sans pouvoir faire la lumière sur les circonstances du drame, jugées suspectes.

Le Bugaled Breizh se trouvait au sud du Cap Lizard, dans les eaux internationales entre la France et la Grande-Bretagne, lorsqu'il a lancé son appel de détresse, le 15 janvier 2004. L'équipage de l'Eridan, qui pêchait à proximité, s'est immédiatement rendu à son secours mais n'a trouvé que quelques débris et du gasoil à la surface de l'eau à son arrivée.

Plus tard, les secouristes britanniques ont repêché deux corps : celui du capitaine du chalutier, Yves Gloaguen, 44 ans, et celui de Pascal Le Floch, matelot de 49 ans. La dépouille du second mécanicien âgé de 34 ans, Patrick Gloaguen, a été découverte dans l'épave mais celles de Georges Lemétayer, chef mécanicien de 59 ans et Eric Guillamet, 41 ans, matelot, n'ont jamais été retrouvées.

La première hypothèse privilégiée par les enquêteurs a été celle d'une collision avec un navire de surface, cette zone de la Manche étant connue pour son trafic soutenu de cargos, porte-conteneurs et vraquiers. Suspecté, le «Seattle Trader», un porte-conteneur philippin, a d'ailleurs été poursuivi jusqu'en Chine, avant d'être innocenté.

Les familles ne croient pas à l'accident de pêche

La thèse a par la suite été définitivement abandonnée, notamment après le renflouement de l'épave du Bugaled Breizh. L'analyse de la coque a en effet permis d'écarter l'éventualité d'un éperonnage.

A partir de là, le Bureau d'enquêtes sur les événements de la Mer (BEA Mer) a défendu la piste d'un accident de pêche. Dans un rapport datant de novembre 2006, il liait l'accident à l'enfouissement du chalut dans une couche de sédiments et de vase, qui aurait créé un effet ventouse, faisant perdre sa stabilité au navire.

Selon cette hypothèse, le Bugaled Breizh se serait couché sur bâbord après une série d'erreurs humaines, aggravée par le non respect des consignes de sécurité. Le chalutier aurait ainsi sombré en deux à trois minutes.

Mais cette thèse a été rejetée par les familles des victimes car elle remettait en cause les compétences de l'équipage, décrit comme aguerri. Les proches des marins disparus privilégiaient de leur côté la piste d'un accrochage avec un sous-marin, notamment parce qu'elle avait été évoquée très tôt par les experts judiciaires.

Une «force exogène» impliquée ?

Ces derniers avaient en effet pointé l'intervention d'une «force exogène» puis expliqué le naufrage du Bugaled Breizh par «l'accrochage d'un sous-marin» avec le cable bâbord du chalut. Une thèse concordant avec le fait que les eaux du sud du Cap Lizard sont une zone d'exercices militaires britanniques.

Une manœuvre, le «Thursday war», se déroulait justement le jour du naufrage et un autre exercice de l'Otan, «Aswex 04», devait également commencer le soir-même. Plusieurs sous-marins ont alors été suspectés à leur tour et notamment le néerlandais Dolfijn ou le Britannique HMS Turbulent. Un ancien amiral, devenu expert judiciaire, avait même évoqué la piste d'un sous-marin de l'US Navy en mission d'espionnage.

L'avocat de plusieurs familles de victimes, Me Christian Bergot, se souvient d'avoir «tout entendu» au cours de la procédure. «A chaque fois, il y a eu des espoirs. Et ces espoirs ont été douchés» puisque, faute d'élément probant, les juges d'instruction ont conclu l'enquête sur un non-lieu en mai 2014, sans écarter aucune des hypothèses restantes.

En novembre 2021, la justice britannique s'est quant à elle rangée du côté de la thèse de l'accident de pêche. Plus tard, au printemps 2023 et après 19 ans passés sur la base navale de Brest, l'épave du Bugaled Breizh, élément clé du dossier, a été démantelée.

Aujourd'hui «les délais de prescription sont expirés» et, selon Me Bergot, «il y a fort peu de chances que la procédure soit rouverte», même «s'il y avait un élément nouveau». Frappées d'une «grande résignation» les familles que l'avocat représentait «ont tourné la page». Seul Thierry Lemétayer, fils de Geroges, le chef mécanicien du Bugaled Breizh, estime que «l'affaire continue» et se dit «persuadé de connaître la vérité de [son] vivant».

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