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Émeutes en France : qu’est-ce que le plan Borloo pour les banlieues, mis de côté en 2018 et loué en 2023 ?

Le plan Borloo, contenant 19 parties détaillées sur 164 pages pour un coût global estimé à 50 milliards d’euros, a été mis de côté par Emmanuel Macron le 22 mai 2018. [Ludovic MARIN/POOL/AFP]

Après les émeutes qui ont touché la France ces derniers jours, de nombreuses personnalités politiques ont mis en avant le plan Borloo pour solutionner les différents problèmes touchant les banlieues. Que contient donc ce plan «de Réconciliation Nationale» en 19 points visant à «faire revenir la République» dans les quartiers ?

Des propositions concrètes sur un sujet sensible, grand oublié de la politique d’Emmanuel Macron. Après six mois de consultations avec une centaine de maires et d’associations en France, Jean-Louis Borloo a présenté son plan «de Réconciliation Nationale» au gouvernement français à la fin 2017.

Ce dernier, contenant 19 parties détaillées sur 164 pages pour un coût global estimé à 50 milliards d’euros, a finalement été mis de côté par Emmanuel Macron en mai 2018. Avec la vague d’émeutes touchant la France ces derniers jours, certains acteurs du paysage politique ont mis en avant ce plan d’actions pour apporter des solutions aux problématiques des banlieues.

Destiné à «faire revenir la République» dans les quartiers face au «repli identitaire et communautaire», selon les vœux du chef de l’Etat, ce plan a présenté des réponses concrètes dans cette optique. La feuille de route proposée a donné des axes de travail sur des domaines majeurs comme l’éducation, l’emploi, la sécurité, la justice, la lutte contre les discriminations et l’accès aux transports.

Le plan Borloo de 2018 en détail

Sur le plan de l’éducation, l’ancien président de l’UDI à l’Assemblée a misé sur le recrutement de 5.000 «coachs d’insertions». Il a aussi prévu la création de 30.000 places de crèches et de 300 maisons d’assistance maternelle supplémentaires dans les quartiers prioritaires. Enfin, Jean-Louis Borloo a proposé la mise en place d’une «académie des leaders», «aussi sélective» que l’ENA, pour intégrer l’administration publique.

Sur le volet de l’emploi, l’ancien ministre dédié à cette thématique entre 2005 et 2007 a tablé sur le recrutement de 50.000 apprentis en 3 ans dans les quartiers prioritaires. Dans le même temps, il a chiffré à 720 le nombre de conseillers Pôle Emploi supplémentaires pour répondre à la nécessité d’un accompagnement intensif dans les quartiers prioritaires. Le plan Borloo a fixé l’objectif annuel de 5.000 recrues dans la défense nationale.

Concernant l’aspect sécuritaire, il a misé sur la création d’un «médiateur de la police nationale» et le déploiement de 500 «correspondants de nuit» pour favoriser la «tranquillité publique». 

Pour la justice, Jean-Louis Borloo a prévu de créer 2.000 postes de magistrats et des emplois de procureurs spécialisés en matière de lutte contre les discriminations. Dans ce domaine spécifique, il a proposé la mise en place d’un observatoire national des discriminations et le renforcement du réseau du Défenseur des droits. Enfin, il a émis l’idée d’une «cour d'équité territoriale», à savoir une juridiction chargée de sanctionner l'inaction des administrations.

Pour l’accès au numérique, le plan Borloo a envisagé de créer «200 campus numériques à l’avant-garde» permettant de donner des cours d’informatique et offrant des formations avec un emploi garanti.

Le dernier axe de travail concernait l’accès aux transports dans les quartiers défavorisés. Jean-Louis Borloo a suggéré d’injecter 5 milliards d’euros dans les transports, dont un milliard pour le réseau RER. Il a aussi préconisé le renforcement des dessertes des quartiers prioritaires et une action sur les tarifs proposés pour les déplacements, notamment en Ile-de-France.

Il a également souhaité faciliter l’accès au permis de conduire dans les quartiers en donnant plus d’aides en ce sens. Enfin, un projet ambitieux a été soumis pour que chaque enfant puisse faire quatre voyages dans différents départements de France lors de la scolarisation et un voyage dans l’Union européenne pour les élèves de lycée.

Un plan tué dans l’œuf par Emmanuel Macron

Pour rappel, Jean-Louis Borloo a présenté son plan «de Réconciliation Nationale» au gouvernement français à la fin 2017 après six mois de concertation avec une centaine de maires et d’associations en France. Un plan initialement demandé par le président Emmanuel Macron et finalement rejeté par ce dernier le 22 mai 2018.

«Je ne vais pas vous annoncer un plan villes, un plan banlieue ou je ne sais quoi parce que cette stratégie est aussi âgée que moi… On est au bout de ce que cette méthode a pu produire. Quelque part, ça n'aurait aucun sens que deux mâles blancs, ne vivant pas dans ces quartiers, s'échangent l'un un rapport et l'autre disant, “on m'a remis un plan, je l'ai découvert”», avait indiqué le chef de l’Etat à l’Elysée devant une centaine d’invités, selon Le Figaro.

la classe politique milite pour le plan Borloo

De nombreux députés et acteurs de la vie politique de tout bord ont pourtant appelé le gouvernement à s’appuyer sur ce plan Borloo afin de mettre en œuvre un véritable plan d’actions dans les banlieues. Sur Twitter, l’ancien candidat EELV à la dernière présidentielle Yannick Jadot a abondé en ce sens.

«Avec et depuis l'exécution de Nahel, c'est le cœur de la République qui est atteint, attaqué. Emmanuel Macron doit agir : abrogation de la loi 2017, indépendance IGPN, réforme formation des policiers et maintien de l'ordre, plan Borloo sur les banlieues...», a assuré l’écologiste sur le réseau social ce vendredi.

Ce point de vue a été partagé par le vice-président de l’Association des maires de France (AMF) Philippe Laurent, qui n’a pas compris l’abandon de ce projet. «Nous étions un certain nombre à penser qu’il avait son intérêt et qu’il méritait d’être soutenu ou du moins discuté. Sa mise à l’écart brutale a été une surprise», a regretté ce dernier sur Public Sénat.

Boris Vallaud, le président du groupe PS à l’Assemblée, a aussi milité pour l’instauration prochaine du plan Borloo. «Nous savons qu'il n'y a pas d'ordre sans justice, voilà pourquoi devra venir sans attendre l'heure des réponses politiques. Il faudra bien évidemment remettre sur le métier le plan Borloo», a affirmé ce dernier lors des questions au gouvernement ce mardi.

Même le maire LR de L'Haÿ-les-Roses Vincent Jeanbrun, au cœur de l’actualité pour avoir vu son domicile être lourdement attaqué lors des émeutes, a abondé en ce sens. «Sans être parfait, le Plan Borloo était une avancée considérable, et avait plein de mesures concrètes qui allaient bien au-delà de la politique de la ville», a assuré le premier édile sur Franceinfo, avant de réclamer un «grand plan Marshall pour les banlieues».

Christophe Béchu, le ministre de la Cohésion des territoires, a de son côté estimé sur LCI «que les gouvernements successifs ont mis en œuvre beaucoup des mesures de ce plan». Il a notamment cité l’exemple des «cités éducatives» mises en place en septembre 2019 comme cela était souhaité par Jean-Louis Borloo.

Néanmoins, la politique du gouvernement liée aux banlieues a été vivement critiquée ces dernières années. Le plan «Quartiers 2030» annoncée par Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle n’a jamais vu le jour. En mai dernier, une trentaine d’élus locaux avait justement lancé «un cri d'alerte au président de la République» à ce sujet dans une tribune publiée dans le journal Le Monde.

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