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Paris : quel est cet incroyable musée du l'hôpital Saint-Louis, dédié aux maladies de la peau ?

Le Musée des Moulages est réservé aux plus de 14 ans. Le Musée des Moulages est réservé aux plus de 14 ans. [© Musée des moulages, Hôpital Saint-Louis, AP-HP ]

Méconnu du grand public, il existe un incroyable lieu caché dans l'enceinte de l'hôpital Saint-Louis, dans le 10e arrondissement de Paris. Malgré son caractère confidentiel, le Musée des moulages se distingue pourtant parmi mille autres pour sa collection exceptionnelle de moulages en cire réalisés sur des patients atteints de maladies de la peau.

Perdu dans un bâtiment isolé de l'hôpital Saint-Louis, le Musée des moulages est un vestige du temps passé. En haut d'un grand escalier où sont accrochés les portraits des éminents pontes de l'hôpital, il s'ouvre sur une pièce tout en bois dans laquelle sont rangés des milliers de moulages en cire réalisés, à partir de 1867, directement sur la peau des malades. Des milliers de patients traités à l'hôpital Saint-Louis pour des maladies chroniques, de la peste au choléra en passant par la syphilis.

Construit en 1885 pour entreposer ces moulages, le bâtiment – tel qu'il existe toujours aujourd'hui – accueille dès lors les malades au rez-de-chaussée et est réservé aux médecins à l'étage. Là, Sylvie Dorison, chargée du Musée des moulages, raconte que le lieu était «soit utilisé par les étudiants, qui venaient étudier l'aspect des maladies de l'époque, ou par des professeurs qui empruntaient les moulages pour les présenter durant leurs cours».

Classés par ordre alphabétique de pathologies, les moulages sont alors disposés sur les murs, derrière des vitrines. «Les moulages et les armoires sont classés au titre des monuments historiques», se félicite d'ailleurs Sylvie Dorison, qui veille depuis près de vingt ans sur ce trésor qui compte désormais pas moins de 4.890 reproductions.

Le fondement de l'école de dermatologie française

L'histoire du musée est étroitement liée à celle de l'hôpital Saint-Louis, créé au début du XVIIe siècle sous Henri IV pour accueillir les pestiférés parisiens qui meurent dans les rues de la capitale. Début 1773, à la suite de l'incendie de l'Hôtel-Dieu, l'hôpital Saint-Louis prend la relève et devient l'un des plus importants établissements hospitaliers de la ville. Au début du XIXe siècle, l'hôpital est officiellement dédié aux traitements de la maladie de la peau, telles que la gale, la teigne ou encore le scorbut et les ulcères. 

C'est à cette époque que le docteur Jean-Louis Alibert est nommé à l'hôpital Saint-Louis, où il développe une nouvelle discipline médicale basée sur l'observation de la peau. «C'était un méridional au style très théâtral [...] qui a eu à cœur de démocratiser l'enseignement de la dermatologie», explique Sylvie Dorison, qui nous apprend que «l'écriture très littéraire et les descriptions imagées» du docteur Alibert ont été le fondement de l'école de dermatologie française.

Pendant des années, plusieurs spécialistes tels que Charles Lallier et Alphonse Devergie reprennent ensuite la main et font perdurer la renommée de l'hôpital, en matière de dermatologie. A l'époque, le docteur Devergie fait appel à un aquarelliste professionnel chargé de reproduire les maladies de la peau en peinture. Celles-ci sont exposées dans un couloir de l'hôpital, à destination des étudiants. Alors que la cire est utilisée à des fins pédagogiques, l'hôpital se met à la recherche d'une personne capable de réaliser des moulages à la cire.

Des milliers de moulages datés de 1867 à 1958

C'est donc en 1865 que Jules Baretta – un mouleur d'origine belge – intègre l'hôpital, «séduit», selon les mots de Sylvie Dorison, «par le projet scientifique qu'on lui proposait». Dès 1867, il réalise ses premiers moulages sur des patients vivants. Il procède en trois étapes, réalise d'abord un moule en plâtre, dans lequel il verse de la cire chaude, qu'il sépare ensuite du plâtre une fois durcie et enfin, rajoute des pigments de couleur directement sur le moulage pour le rendre le plus réaliste possible. A lui seul, il réalise plus de 3.500 moulages sur les 4.890 entreposés aujourd'hui au musée.

D'autres mouleurs prendront sa suite : notamment Louis Niclet et Stephan Littré, qui exécutera le dernier moulage en 1958. D'autres moulages issus de collections personnelles seront encore offerts par différents médecins, comme le docteur Jean-Alfred Fournier, spécialiste des maladies vénériennes ou encore le docteur Joseph-Marie-Jules Parrot, spécialiste des maladies infantiles et médecin en chef de l'hospice des Enfants-Assistés (ancien hôpital de Saint-Vincent-de-Paul). Ce dernier ayant légué une impressionnante collection de 88 moulages, réalisés sur des enfants parfois nourrissons présentant d'importantes lésions cutanées.

Certaines de ces maladies sont connues de tous, comme l'acné, l'eczéma, le psoriasis ou encore les verrues, mais d'autres sont ignorées du grand public. C'est le cas de l'ichtyose par exemple (cf. photo d'un moulage de Jules Baretta ci-dessous), une maladie congénitale de la peau. Les malades qui en sont atteints développent un aspect très particulier de la peau, qui devient sèche et rugueuse. Si des traitements existent désormais pour soigner cette pathologie, elle demeure encore aujourd'hui incurable.

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Ce musée «n'a pas d'équivalent dans le monde en terme du nombre de pièces présentées», précise Sylvie Dorison, qui nous fait savoir qu'une centaine de pièces abîmées doivent partir en restauration cette année. Classé au titre des monuments historiques, comme le rappelle la gardienne du temple, ce lieu ne peut pas disparaître, est voué à perdurer et continue d'accueillir les visiteurs du lundi au vendredi, de 9h à 16h30, sur réservation et à la condition qu'ils soient âgés de plus de 14 ans.

En 2021, 3.190 personnes ont passé la porte de ce musée, et ce, malgré quatre mois de fermeture liée au Covid-19. Parmi eux, plus d'un tiers (38 %) étaient des professionnels exerçant dans le domaine médical, et plus étonnant, 16 % étaient des personnes issues du domaine artistique, venue s'inspirer du travail réalisé à la cire. Mais depuis quelques jours, le Musée des moulages connaît une recrudescence de visites, après la mise en ligne d'une vidéo tournée sur place du Youtubeur Tibo InShape. «Je n'ai jamais vu une telle affluence», confie Sylvie Dorison, qui souligne que l'établissement ne peut accueillir – en dehors des réunions organisées par l'AP-HP – plus de 19 personnes à la fois.

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