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L'édito de Paul Sugy : «35 heures dans les mairies : le bras de fer»

Dans son édito de ce lundi 15 novembre, Paul Sugy, journaliste au Figaro, se penche sur le bras de fer qui oppose le gouvernement et plusieurs villes, notamment Paris, qui refusent de faire appliquer les 35 heures à leurs fonctionnaires.

Les communes n’ont plus qu’un mois et demi pour se mettre en conformité avec cette mesure votée au moment de la loi de 2019 sur la transformation de la vie publique, qui leur demande de faire travailler leur personnel 35 heures par semaine, comme c’est le cas dans la fonction publique d’État. Tic-tac, tic-tac…

On apprend à cette occasion, et non sans effarement, que seule une commune sur deux est pour l’heure en conformité avec la mesure. Et d’après la ministre Amélie de Montchalin, les trois quarts des villes qui n’y sont pas encore ont déjà mis en œuvre les réformes exigées, et seront donc dans les temps pour le 1er janvier 2022. Sortons donc notre petite calculette : le quart de la moitié, soit le huitième de 34.968 communes… plus de 4.000 mairies risquent de se retrouver hors-la-loi au moment où l’on s’embrassera sous le gui pour se souhaiter la bonne année.

Et comme c’est une guerre ouverte que se livrent le maire et le gouvernement, tous les coups sont permis : ainsi ce dernier a balancé sans vergogne le nom de tous les cancres. Bonnet d’âne, donc, pour Strasbourg et Clermont-Ferrand, mais aussi de nombreuses communes de Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne. Essentiellement des municipalités de gauche, qu’elles soient aux mains des socialistes, des écolos ou des communistes. Enfin, last but not least, c’est le carton rouge pour Paris, dont la maire Anne Hidalgo essaie par tous les moyens de contourner la loi, à laquelle elle a explicitement fait savoir qu’elle s’opposait.

Anne Hidalgo avait essayé de s’en tirer par une astuce, mais sa proposition a été retoquée au tribunal administratif… Une astuce de génie, même, on peut le dire ! Paris, capitale mondiale de l’entourloupe. Pas encore ville olympique, mais déjà médaille d’or dans l’art de prendre les Français pour des idiots.

Déjà il faut dire que le dossier des 35 heures a pris longtemps la poussière sur le bureau avant que quelqu’un se donne la peine de l’ouvrir. Et pour cause, se justifie désormais la mairie : on ne change pas les règles de travail de quelques 55.000 personnes à la veille d’un possible changement d’exécutif. Puis surtout, on ne sucre pas les avantages acquis de son personnel quelques mois avant de briguer sa réélection…

Depuis, la mairie a donc sorti de son chapeau cette parade d’anthologie : va pour augmenter d’une cinquantaine d’heures le temps de travail du personnel, mais en échange, on leur octroie trois jours de RTT supplémentaires, au prétexte que les conditions de travail de la fonction publique territoriale sont plus pénibles qu’ailleurs. L’argument pourrait d’ailleurs presque s’entendre ! Entre la multiplication des bouchons sur le périph’, le bruit des travaux à toute heure du jour ou de la nuit, la colline du crack ou la saleté ambiante, travailler à Paris est en effet devenu une tannée… mais la faute à qui ? Le juge administratif a peu goûté à la plaisanterie, et voilà donc la Ville de Paris en passe de devenir hors-la-loi.

Sorte de Robin des Bois des temps modernes, Anne Hidalgo vole aux riches (contribuables) pour donner aux pauvres (fonctionnaires). L’un des motifs invoqués pour justifier la multiplication des accords diminuant le temps de travail de la fonction publique territoriale était son plus faible niveau de rémunération par rapport à la fonction publique d’État. En clair, Anne Hidalgo qui a déclaré que «le progrès, c’est la réduction du temps de travail», propose donc de travailler moins pour gagner moins. On se rappelle qu’elle avait également introduit ce sujet dans les débats de campagne, en proposant au fond de généraliser à l’ensemble des salariés les largesses qu’elle octroie déjà à ses employés.

Reste que dans son obstination à refuser d’appliquer la loi, Anne Hidalgo (qui n’est certes pas responsable de ces avantages décidés sous Delanoë et Chirac) oublie deux choses : d’une part que la dette publique de la ville a presque doublé depuis 2014, et que la première des justices sociales, c’est celle qui consiste à bien user des deniers qui ne sont pas les siens. Et que d’autre part, les Français même salariés sont nombreux à dépasser le plafond légal des 35 heures : là encore, le minimum que l’on attend d’une candidate qui fait de l’égalité son cheval de bataille, ce serait d’avoir la décence de ne pas faire travailler moins que les autres ceux dont le métier est précisément d’être… au service des autres.

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