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Asia Bibi : «On m'insultait et exigeait que je sois exécutée»

Désormais libre, Asia Bibi veut mener à son tour la lutte pour obtenir la libération des autres personnes en détention au Pakistan incarcérées pour le même motif qu'elle, le blasphème. Désormais libre, Asia Bibi veut mener à son tour la lutte pour obtenir la libération des autres personnes en détention au Pakistan incarcérées pour le même motif qu'elle, le blasphème. [Martin BUREAU / AFP]

Pendant dix ans, elle a vécu un calvaire. Condamnée à la pendaison en 2010 pour blasphème, Asia Bibi, une chrétienne Pakistanaise d’une cinquantaine d’années, a passé plus de huit ans dans les couloirs de la mort. Acquittée en 2018 et réfugiée au Canada l’an dernier, elle raconte son histoire dans un livre, «Enfin libre !», paru fin janvier et qu'elle présente cette semaine en France.

Un ouvrage de témoignage (paru aux Editions du Rocher) qu'elle a coécrit avec la journaliste de CNEWS Anne-Isabelle Tollet, qui a pendant une décennie été à la pointe du combat pour sa libération. Après avoir été reçue par la maire PS de Paris Anne Hidalgo mardi, qui lui a remis la citoyenneté d'honneur de la ville, Asia Bibi doit rencontrer Emmanuel Macron ce vendredi 28 février, pour lui faire part notamment de sa volonté d’obtenir l’asile politique dans l’Hexagone.

Pourquoi un simple verre d’eau vous a-t-il valu d’être condamnée à mort pour blasphème ?

On m’a proposé de boire un verre d’eau, je l’ai bu. Des voisines sont alors allées voir le responsable religieux du village, pour dire que j’avais bu de l’eau dans une timbale réservée aux musulmans. Et ce chef religieux a estimé que c’était une insulte contre la religion. J’ai donc été placée en détention. Ce verre d’eau n’était qu’un simple prétexte pour se venger, car j’étais en conflit avec mes accusatrices et le chef du village.

Quelles étaient vos conditions de vie en prison ?

La plus grande violence que j’ai subie était l’enfermement dans ma cellule. Par ailleurs, j’entendais que les autres femmes qui étaient en détention m’insultaient et exigeaient que je sois exécutée. J’étais régulièrement humiliée. J'ai beaucoup travaillé sur moi pendant cette période de détention. Cela a été une véritable épreuve de patience, de tolérance, d'endurance.

Lorsque vous avez été finalement acquittée en 2018, quelle a été votre première réaction ?

Vous pouvez imaginer la joie que j'ai ressentie à ce moment-là. Dès que je suis sortie de prison, mon premier geste a été de me prosterner en signe de grâce. Et j'ai prié, puisque j'ai toujours eu le sentiment que c'était au nom de Dieu que j'avais été mise en détention. Et donc également grâce à Dieu que j'ai été innocentée.

Quels ont été vos premiers mots à Anne-Isabelle Tollet lorsque vous l'avez vue pour la première fois, après avoir été libérée ?

Quand je l'ai rencontrée pour la première fois, j'étais étonnée. Parce que moi, je suis toute petite, et elle est si grande. Et en plus elle porte des talons. Donc je me suis dit : «Mais c'est une girafe !» (rires) C'était ma première impression. Ensuite, je l'ai prise dans mes bras, et je lui ai dit : «Tu es ma sœur». Elle n'est pas devenue ma sœur ce jour-là, déjà en prison je la considérais comme ma sœur.

A quoi ressemble votre nouvelle vie au Canada ?

Je vis dans une situation confortable au Canada, le pays qui m'a accueillie. Ma plus grande joie est d'être à la maison avec mon mari et mes enfants, que j'ai enfin retrouvés. Je ne sors pas beaucoup mais c'est surtout en raison du grand froid.

Après avoir survécu à cette terrible épreuve, quel sens donnez-vous désormais à votre vie ?

Aujourd’hui, je souhaite ardemment que nous travaillions tous ensemble afin d'obtenir la libération des personnes qui sont en détention au Pakistan, tout comme ce qu'a fait Anne-Isabelle Tollet pour moi. Elle a porté ma voix, diffusé mon message à travers le monde, et m'a même donné une identité. Mon nom est Asia Noreen. C'est elle qui en premier m'a appelée Asia Bibi (Bibi est un surnom qui signifie littéralement «grand-mère» en ourdou, la langue parlée par Asia Bibi, mais qui est devenu au fil du temps un titre honorifique donné aux femmes respectueuses au Pakistan, NDLR), et c'est désormais sous ce nom que je suis connue dans le monde.

Vous avez déclaré que vous souhaitiez obtenir l'asile en France. Pourquoi ce pays en particulier ?

Je ressens une profonde gratitude envers la France, car c'est en France que mon nom a été connu en premier. Et de ce que j'ai vu de la France, c'est un très bon pays.

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